Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/522

Cette page n’a pas encore été corrigée

1031

NANTES (REVOCATION DE L'ÉDIT DE)

1032

des ennemis du dehors ? — On ne peut di)nner à cette question une réponse péremptoire et sommaire. L’alUrmalive et la négativerépondraienlmal, si eiles se produisaient sans quelques nuances, aux amltiples complexités du réel.

Le regretté Augustin Cocliin a démontré, en i(jo4, dans la Réunie des Questions hisloriques, que des tractations existèrent, durant l’année 1651, entre Gromwell et un certain nombre de personnages notables du parti huguenot fiançais, tels que Caumont la Force : tractations tendant à créer une république protestante daas le midi de la France avec cession de ports et de villes aux Anglais. Le même auteur a signalé la participation decliefs protestants au soulèvement de iG43, dans les Gévennes, l’Angoumois, l’Aunis et le Poitou, contre la lourdeur des impôts nécessités par la guerre étrangère. Il y eut une révolte protestante àNimes en 1650 et une autre dans le Vivarais en lOâa et 1053. A la même époque fut organisée la « confédération des gentilshommes, conseils et conseillers, habitants des villes et communautés, capitaines, olficiers et soldats des Eglises du Bas-Languedoc, Cévennes et Dauphiné b. Pareillement, les pasteurs et gentilshommes protestants de Nîmes dirigèrent une importante concentration armée de forces protestantes au « Camp de l’Eternel ». Bref, il y eut des tentatives locales et partielles, des velléités d’insurrection politique et militaire des huguenots, prolitant des embarras du royaume et négociant avec l'étranger. De tels laits, connus du gouvernement royal, ne purent que prolonger la suspicion dont les protestants avaient été précédemment l’objet. Même privés de leurs places de sûreté, dépourvus de leur grande organisation politique, les huguenots conservaient la tendance à devenir un élément de trouble et de division, à s’unir aux factieux du dedans et aux ennemis du dehors, dès que les circonstances leur en fournissaient l’occasion. Concordant avec le souvenir des rébellions antérieures à 1629, ces diverses tentatives protestantes, durant la jeunesse de Louis XIV, contribueront à développer en France l'état d esprit qui dictera ou favorisei-a plus tard la Uévocation de l'Êdilde Nantes. Néanmoins, il est indispensable de reconnaître que les incidents dont nous avons parlé n’eurent qu’un caractère local ou ne consistèrent qu’en projets superliciels et lointains. Soit sentiment d’iral)uis3anee, soit même assagissemont sincère, les protestants français ne tirèrent pas parti des désordres de la Fronde pour une réorganisation générale cl permanente de leur ancienne force militaire et politique, moins encore pour une insurrection armée dans toutes les provinces où ils constituaient une minorité nombreuse. Les chefs prolestants qui voulurent préparer, dans le midi de la France, un mouvement sécessionniste, appuj'é par les Anglais, rencontrèrent une oppasition au moins passive de la part de beaucoup de leurs co-religiounaires et le projet ne put avoir aucun commencement de réalisation. Cette attitude des huguenots durant la Fronde marque un progrès (relatif) sur leur attitude factieuse des années antérieures à l’Edil de 16^9. Il y a quelque vérité dans la parole fameuse (et un peu llalteuse) attribuée au cardinal Mazarin : « Je n’ai pas à me plaindre du petit troupeau. S’il broute de mauvaises herbes, il ne s'écarte pas. »

Lestroublesde la minorité de Louis XIV n’auraient certainement pas suiU à déterminer un changement dans la législation royale au sujet des protestants. La suppression des privilèges politiques aurait été maintenue plus que jamais après la victoire du principe d’unité et d’autorité. Mais les articles garantissant la liberté religieuse cl civile des hu^'uenols

semblaient devoir être, eux aussi, maintenus en vigueur pour les mêmes raisons, toujours subsistantes, de sagesse politique et de pacilicalion intérieure qui. avaient été tenues [)our décisives sous Louis XIII comme sous Henri IV. (

L'élément nouveau dont il faut ici faire mention) est une f^ioussce grandissante de l’opinion catholique contre les franchises octroyées en France au protestantisme. A la formation de ce courant d’opinion, contribua puissamment la Compagnie du SaintSucrement, aujourd’hui célèbre, alors secrète, qui fut l’un des plus puissants foyers de Contre-Uéformalioncalholique durant le second tiers du dix-septième siècle. Iniluence qui concordait avec celle des grands évéques réformateurs de cette période, ainsi que des collèges de Jésuites, des maisons de l’Oratoire, des séminaires de Lazaristes, Sulpiciens cl Eudisles. Mais la Compagnie du Saint-Sacrement offrait cette particularité de constituer un centre d’action méthodique et positive sur la conduite générale des afTaireSv religieuses du pays. '

2" Hôle de la Compagnie du Saint-Sacrement. — Parlant de cette Compagnie du Saint-Sacrement (voir l’article Cabale des IJkvots, tome l"', colonnes 43 1 à 435), M. Mariéjol écrit avec justesse, dans l’Histoire de France dirigée par M. Lavisse : « C'était une sorte d’ollice central de bienfaisance et de propagande catholique… Elle a prodigieusement entrepris ; et c’est même à la grandeur de ses ambitions et de son action qu’on peut le mieux mesurer la force du niouvement catholique, n Or, parmi les buts que la Compagnie du Saint-Sacrement avait assignés à sa propre activilé, Ggurait une énergique propagande contre la religion protestante, adversaire déclarée du dogme de la présence réelle de Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie. Par la douceur ou même par la force, on tenterait de mettre un terme au scandale de l’hérésie.

Non seulement la Compagnie du Saint-Sacremenl intervint à mainte reprise pour faire rc[)rimer les offenses commises par les huguenots ou leurs empiétements à rencontre de la religion catholique ; luais la puissante association intervint pareillement pour réduire en fait les avantages que garantissait aux protestants la législation en vigueur. Exemple : en 1633, la Compagnie, ayant eu connaissance de la candidature <ie vingt-cinq jeunes huguenots à l’oirice de procureurs au Parlement de Paris, fait agir ses membres auprès des conseillers chargés de l’enquête : tant et si bien que, sur les vingt-cinq 1 candidats, les conseillers « n’en trouvèrent pas un seul capable d'être reçu procureur ». Inl’raclion évidente à l’article 27 de l’Edit de Nantes, qui proclamait la pleine admissibilité des huguenots à tous les emplois publics.

La lactique habituelle de la Compagnie duSainlSacrement ne fut pourtant pas de rèclajner la Uévocation de l’Edit de Nantes. On le prit, au contraire, comme un texte légalement indiscuté. Mais on résolut de le faire interpréter à la rigueur : c’està-dire de faire supprimer toute liberté acquise peu à peu par les huguenots et qui ne serait pas mentionnée dans la formule primitive de l’Edit. Le champ d’action était immense : car le développement du culte protestant vers le milieu du XVII' siècle avait pris des proportions tout autres que celles décrites par les rédacteurs du texte de 1.598 : et ce développement, conforme aux lois de la vie, ne constituait pas, de tous points, une dérogation véritable au sens et à l’esprit de l’Edit de Nantes. La Compagnie du Saint-Sacrement procédera par enquêtes pour constituer un arsenal de jurisprudence contre les extensions de la liberté religieuse