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MYSTICISME

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ce type, elle n’avait été nullement atteinte d’bystérie mentale ; bien plus, par ses dispositions intellectuelles et morales, elle se plaçait au pôle opposé des hystériques. Le mémoire fut com-onné.

En 1886 un décret de Rome le mettait à l’index. En même temps, un des collègues du P. Hahn, le P. DE San, professeur de théologie à Louvain, établissait, dans son Flude pathologico-tliéologique sur sainte Thérèse (Louvain, Fonteyn, 1886), que la cause générale des accidents morbides qu’on relève chez sainte Thérèse doit être cherchée dans sa complexion délicate, mais nullement névropatliique, la cause particulière dans le traitement d’un empirique ignorant. Il croit à une gastrite aiguë aggravée d’une maladie de cœur. De son côté, le D' Imbert-Gourbryre penche pour une chlorose grave, compliquée d’un empoisonnement médical (La Stigmatisation, t. II, p. 54 '). tandis que le D' Goix opine pour une intoxication paludéenne se manifestant par des lièvres intermittentes avec accès pernicieux (Annales de philosophie chrétienne, juin 18g6, p. 272). Ce qui importe, c’est l’absence des symptômes de l’hystérie selon le type médical.

Pour faire de sainte Thérèse ou de nos autres mystiques des hystériques, il faut créer à leur intention une hj’stérie sui generis, sans représentants ailleurs. (H. Delacroix. Bull, de la Soc. franc, de philosophie, janvier igo6, p. 24)

Etat mystiqueet Nervosisme. — Ce que nous venons de dire montre assez que les mystiques, lors même qu’ils seraient sujets à des accidents nerveux — ce qui est loin d'être général — ne sont ni des névrosés ni des névropathes : qualifications qui indiquent un état chronique plus ou moins aiga de trouble mental.

Etat mystique et Somnambulisme. —Ce qui caractérise l’Iiypnose ou le somnambulisme à ses divers degrés, c’est la tendance au dédoublement de la i)ersonnalité. Dans l'état hypnotiqueousomnambulique, le sujet jouit d’une seconde existence psychologique qui tend à se distinguer de l’existence normale et alterne avec celle-ci. Des éléments de la vie normale, souvenirs, images, habitudes affectives, apparaissent bien au cours de la période somnambulique. Mais surtout quand il s’agit du somnambulisme profond, le sujet, revenu à l'état normal, ne garde qu’un souvenir très affaibli de ce qui s’est passé en lui à l'état somnambulique. Il y a même parfois amnésie plus ou moins complète.

Au contraire, la vie des mystiques est nne, d’une admirable unité. D’une part, leur vie consciente et volontaire, normale, les dispose, par la pratique de l’ascétisme, à vi^Te les états mystiques ; d’autre part, cette vie normale réalise ce qu’ils ont ressenti ou résolu dans ces mêmes états. Les grands initiateurs comme sainte Catherine de Sienne, les fondateurs d’Ordres, nn saint François d’Assise ou un saint IgTiace, les manieurs d’hommes et les pionniers apostoliques, un saint Paul ou un saint François Xavier vivent, en état normal, leur idéal mystique. Quelques-uns racontent leur a seconde vie » en des pages qui comptent parmi les meilleures de la littérature psj’chologique, tels saint Augustin et sainte Thérèse. Tous y font appel dans les travaux de la vie extérieure, pour se justifier à eux-mêmes ou justifier aux autres leur conduite.

Etat mystique et Psychasthénie. — Pour certains auteurs, loin de s’expliquer par une exaltation, au moins momentanée, de la vie individuelle, l'état mystique se ramènerait à un état de dépression physique et morale. Chez les mystiques, il y aurait psychasthénie, alTaiblissement de tonte la vie affective et volontaire. Ils se révéleraient comme des douleurs, des abouliques, des scrupuleux. En eux,

on remarque diminution de la volonté, mollesse, lenteur, hésitation à prendre un parti, difiiculté de mener rien à terme. Ce sont aussi des instables : ils passent brusquement et sans sujet de la confiance à l’abattement, de la joie à la tristesse, de l’ivresse à l’angoisse. De là, le besoin de direction. Tous sont en quête d’un appui, d’un guide auquel ils remettent le soin de leur conduite, qui décide pour eux. (Ainsi Pierre Janet, dernière manière. liuU. de l’Inst. psyck., année 1901, p. 287-240. — Les Obsessions et la Psychasthénie, 1908, passim. — E. Moni-l siBR, Les Maladies du sentiment religieux, Paris, 1903, p. iG-2g, 89-40

Mais ce (]ui tourmente les mystiques, ce n’est pas le doute ; c est la difficulté qu’ils éprouvent à atteindre le but qui leur est apparu. Ce but, ils peuvent le chercherquelque temps avec angoisse. Une fois leur vie orientée, ils marchent sans hésitation. Les doutes qui leur restent ne sont pas les peurs injustifiées, les irrésolutions puériles qui caractérisent les scrupuleux. Ces doutes portent sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre ; et ils se résolvent selon les exigences du plan à réaliser, non aux hasards d’un tempérament impulsif. Mais si la volonté ne lâche pas, de fait, la résolution prise, on conçoit qu’ils n’ont pas toujours la conscience claire de leur persévérance, de là des troubles et des inquiétudes. H faut dire aussi que les mystiques sentent beaucoup plus vivement que le commun des hommes leurs imperfections, leurs faiblesses morales, et que ce sentiment leur est très douloureux. — Dans les crises d’abattement, l’aboulique s’abandonne : le mystique réagit. Beaucoup accomplissent des œuvres grandioses au milieu de ces luttes intimes, ou n’en laissent rien soupçonner au dehors. — Les psychasthéniques subissent passivement l’empire de la première volonté forte qui s’exerce sur eux. Les mystiques, avec le, sentiment intime du besoin d’une direction dans le monde si plein d’imprévus où ils se meuvent, adoptent un guide bien plus qu’ils ne le subissent. Beaucoup le cherchent longuement, le choisissent entre plusieurs. Tout en déférant d’ordinaire à son jugement, ils se réservent, le cas échéant, de soumettre son avis à l’avis de Dieu, directement consulté. (Voir Brenibu de Montmoranu, dans la lieviie philosophique, décembre 1904, p. 605-608)

Etat mystique et Monoidéisme. — Quelques-uns,. comme James H. Lbuba (/fei’ue/j/n/oso/jvi/^Htt, novem- ' bre 1903, p. 468-4yi), Pierre } k-urt (loc. ciV.), E.-MunisiEH (ouvrage cité, p. 42-53), A. GoDFEUNADx(flei’i(e philosophique, février 1902, p. 166-167). rangent les mystiques parmi les appauiTis et les simplifiés. Les mystiques feraient d’abord en eux le vide moral par une série d’exercices ascétiques. Puis ils concentrent leur esprit sur un nombre toujours plus restreint d’objets. Il y a rétrécissement progressif du champ de la conscience, rétrécissement qui va jusqu’au monoidéisme. Toute l’activité mentale évolue peu à peu vers un point central qui l’attire et l’absorbe. Toute idée, toute image qui ne fait pas groupe avec ce qui a été pris pour système principal, n’arrive plus dans le champ de la conscience. il

Ce qu’on décrit ainsi, c’est le Nirvana bouddhique, » la Yoga de l’Inde, la nudité des quiétistes. Mais à côté de la simplification par appauvrissement, il y a la simplification par coordination. A côté de l’idée fixe du dégénéré ou du maniaque, il y a l’idée centrale, vers laquelle le penseur, le savant, l’artiste, l’homme saisi par un puissant idéal fait converger toute son activité. Et lobjet auquel le mystique ramène tout ce qu’il a de vie, c’est Dieu, Dieu principe premier et terme final de tout être. Ainsi, d’une part, le mystique se concentre en Dieu, d’autre part, il se