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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL


force de celui-ci, bien iiu’il ne soit pas dit qu’il mangeait le dieu ; mais cette conception ne parait pas avoir passé dans les rituels liturg^iiiues contemporains de Paul. Les religions de mystères de son temps n’ont aucune aflinilé avec les conceptions anciennes de la manducation d’un animal, symbole de la divinité, et il ne semble pas que l’Apôtre ail pu avoir connaissance de ces conceptions anciennes. Dans les religions de mystères, la liturgie consistait essentiellement dans la reproduction des actions du dieu, laquelle devait être pour l’initié une participation à la divinité. Mais tout cela était symbolique et non réel. Ce n’était donc pas au moyen de repas sacrés que s’elfectuait l’union avec la divinité.

On a soutenu que primitivement le sacrilice avait pour but d’unir l’adorateur avec le dieu en le faisant participer à celui-ci par la manducation de l’animal sacrilié. Et d’abord, est-il certain qu’il s’agit ici d’autre chose que d’une participation malérielle à la cliair d’un animal qui représentait symboliquement le dieu’? Conception bien éloignée de celle de saint Paul, comme nous le dirons plus loin. El d’ailleurs, de son temps, personne n’adhérait plus à cette croyance. Témoin la question posée par le prêtre épicurien Cotta (Cicéron, De iiatitra dcuiutn, III, XVI, /)i) : t Quand nous appelons le blé Cérès et le vin Bacchus, nous employons une manière usuelle de))arler. Pensez-vous qu’il y ait quelqu’un d’assez insensé pour croire que ce qu’il mange est dieu ? Ecqueni tant amentem esse pillas qui iltiij, qito i escatiir, ileum credal esse.’»

On fait remarquer aussi qu’il y avait, au temps de saint Paul, des repas de confréries, analogues à ceux dont il parle dans sa première épître aux Corinthiens, XI, 17 ss. Ces repas servaient, en efl’et, à maintenir l’union entre les compagnons, mais on ne voit pas qu’ils aient comporté un acte de culte ou qu’ils aient eu une signilication religieuse.

Trouverons-nous dans les repas sacrés des mystères de Mitbra la preuve que le niyste aurait cherché, en mangeant la divinité, une union intime, même une union corporelle avec celle-ci ? Il n’y a aucun document établissant que les fêtes de Mithra aient exercé une influence quelconque sur le christianisme. Dans son plein développement, le mitliriacisme est postérieur à celui-ci. (Cf. l’article MiTiinA, col. 578 ss.)

« En fait, ainsi que l’a fait remarquer de Backkr

(op. cit., p. 827, 329), pas un auteur chrétien ne témoigne, d’une manière formelle, de la croyance à la manducation de la divinité dans les mystères païens… Les repas des mystères ne peuvent donc produire une union corporelle du myste avec la divinité. L’union qu’ils opèrent est tout au plus une union mystique : cette union est censée réalisée avec le dieu par l’union au mythe ou drame sacré dont le repas est la commémoraison, et à une époque plus tardive par lacollalion des vertus morales, symbolisées par les aliments que l’on consomme dans ces repas. »

Il en est tout autrement dans la cène eucharistique, telle que la présente saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens, xi, aS : « Car moi, j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis, que le Seigneur Jésus, la nuit où il fut livré, prit du pain et ajjrès avoir rendu grâces, il le rompit et dit : Ceci est mon corps lequel est’pour vous ; faites ceci en mon souvenir-. De même aussi, le calice, après avoir soupe, disant : Ce calice est la

1. Lequel est rompu, z/ci/zE/ov, d’aprts les mss. ËFGKLP, des minuscules ; ne l’ont pas les mss. NItAC

2. A-jû/rjr.zi^ signiiie action de rappeler au souvenir.

nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci, chaiiue fois que vous boirez en mon souvenir. Car cliaiiue fois que vous mangez ce pain et buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. De sorte que celui qui mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Que (tout) homme donc s’éprouve soi-même et qu’ainsi il mange de ce pain et il boive de ce calice. Car celui qui mange et boit’(indignement), mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur. » Auparavant, I Cor, , x, 16, Paul avait dit aux Corinthiens : « Le calice de bénédiction que nous bénissons n’est-il pas une communion au sang du Christ ? Et le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ? »

De ces textes il ressort clairement que le fidèle qui communiait participait au corps et au sang de Jésus-Christ ; en d’autres ternies, qu’il recevait en lui le corps et le sang de Jésus-Christ, corps et sang du Christ glorieux. La manducation du corps du Christ est donc réelle, mais elle n’est pas grossière et matérielle, comme l’était la manducation du corps des animaux pratiquée par les participants aux mystères de Dionysos ou d’Orphée. D’ailleurs le concept d’une communion à la fois réelle et spirituelle, qui est au centre du christianisme, ne se trouve pas dans les cultes des mystères.

Comment admettre d’ailleurs que l’Apôtre ait emprunté aux mystères païens ses enseignements sur la participation au corps du Christ et ses ordonnances sur lacélébralion de l’eucliarislie, lui qui a flétri si vivement les pratiques païennes et interdit avec tant d’énergie l’assistance aux repas sacrés des religions païennes ? « Ne formez pas avec les incroyants, dil-il aux Corinthiens, un attelage disparate. Qu’y a-t-il de commun entre la justice et l’iniquité ? Ou bien quelle union peut exister de la lumière avec les ténèlires ? Quel accord peut-il y avoir du Christ avec Bélial ? Ou bien quelle part le croyant peut-il avoir avec l’infidèle ? Quel rapport du temple de Dieu aux idoles ? » II Cor., vi, i/| ss. Paul avait déjà dit aux mêmes Corinthiens ; « Je ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons. Vous ne pouvez boire en même temps la coupe du Seigneur et la coupe des démons. Vous ne pouvez participer en même temps à la table du Seigneur et à la table des démons. » I Cor., x, ao, 21.

VII. Conclusions. — Les conclusions de cette enquête peuvent être résumées en quelques lignes. L’apôtre Paul connaissait à fond les Saintes Ecritures, dont il s’était instruit dès sa jeunesse ; elles étaient, on doit l’affirmer, la base de sa mentalité religieuse. Il avait reçu les enseignements des rabbins qui l’avaient initié aux spéculations de la théologie juive. Enfin et surtout, Paul avait reçu directement de Noire-Seigneur la révélation de l’Evangile et, de plus, il avait été instruit de la vie et des enseignements du Seigneur par la tradition apostolique. N’oublions pas la puissante personnalité morale et religieuse de l’Apôtre, éclairé tout d’abord par les lumières qui lui venaient des Saintes Ecritures, puis par la révélation directe du Seigneur et par l’enseignement apostolique.

On peut donc allirmer a priori que l’esprit de Paul ne devait pas subir profondément des influences en dehors de celles-ci, sauf, pour ainsi dire, à la périphérie de son esprit. Des conceptions aussi étrangères aux conceptions juives et chrétiennes que

1. Les mss. NBAC n’ont pos « vkÏim. ;,