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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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Commentant le passage de Gal., iii, aô-a’j, le P. Prat en fait ressortir les enseignements : « Baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ, vous avez la forme du Ghristet, par conséquent, la liliation adoptive, inhérente à cette forme. C’est, en effet, l’union au Christ qui nous fait enfants de Dieu, et cette union est opérée jiar la foi et par le baptême ; mais ni l’union effective du baptême ne peut se produire sans l’union affective de la foi, ni Punion affective de la foi sans quelque relation intrinsèque à l’union effective du baptême ; c’est parce que l’union affective de la foi tend essentiellement à l’union effective du baptême, qu’elle devient elle-même effective ; et les deux conceptions, loin d'être opposées, se rejoignent. » Donc, puisque saint Paul a étroitement uni pour la production de la justification du pécheur la foi et le baptême, celui-ci n’a aucun effet magique, il n’opère pas mécaniquement et, par conséquent, il est profondément différencié de l’ablution des cultes de mystères. Déjà, Notre-Seigneur, 3Ic., xvi, 16, avait uni la foi et le baptême comme conditions du salut.

Faisons une dernière observation. La plupart des religions de mystères, et en particulier les mystères d’Eleusis, assuraient à Pinitié l’immortalité de l'àme et la jouissance d’une vie heureuse après le trépas. Saint Paul aurait-il emprunté à ces religions ses enseignements sur le baptême, unissant le iidèle au Christ et lui assurant par cette union la possession de la vie éternelle ? Il n’en est rien. Sur ce point, l’Apôtre a développé l’enseignement du Seigneur, Me, XVI, 16 : Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé, et par conséquent aura la vie éternelle ; enseignement que nous trouvons mis en pratique dès les premiers temps chrétiens, Actes, ii, 38, Iti ; viii, 12. Il n’a jamais été soutenu que Jésus ou ses apôtres aient subi Pinfluence des religions de mystères. Et d’ailleurs cette doctrine de saint Paul se rattache à toute sa théologie et en est une conséquence. Le fidèle, uni à Jésus-Christ par la foi et le baptême, vit avec lui, ne fait qu’un avec lui et, par conséquent, participe à la vie du Christ. Or, le Christ ressuscité ne meurt plus, il vit éternellement auprès de son Père. De même, le chrétien, mort au péclié par le baptême, ressuscite comme le Christ et vivra un jour éternellement heureux avec lui.

Terminons cet exposé par les observations très justes que fait db Backer (Sacramenlum, p. 304) au sujet des emprunts qu’aurait faits le christianisme aux religions de mystères : « On reconnaît que ce serait une absurdité de prétendre que les premiers chrétiens auraient emprunté les plus anciens de leurs rites, particulièrement le baptême, qui déjà était pratiqué chez les Juifs avant la venue du Christ. (GoBLBT d’Alviell., Revue de V Histoire des relij^ions, igoS, p. 169. Sabatier, La Didaché, p. 85. Paris) D’après Harnack lui-même (Dos U’esen des Christentiims, p. 126, 187, 138, 1^8. Berlin, 1900), Loisv (L’Evangile et l’Eglise, p. 178, 179. Paris, 1902), les emprunts liturgiques n’ont pas été faits par l’Eglise avant le iv" siècle. Si l’Eglise n’a pu emprunter la forme, elle n’a pu davantage emprunter le fond, car la prédication du Christ n’a pas subi Pinffuence de l’hellénisme (Wendland, Die lielleJtistisclirumische Kultiir, p. 120). Or, dès le début du christianisme, le baptême apparaît avec ses attributs essentiels (renaissance, purification, illumination), Uébieux, V, 4, à une époque on la philosophie n’est pas encore entrée en contact avec le christianisme'.

1. Harnack, 1. c, rapporte la première introduction de la pensée et de la vie grecques dans le christianisme environ Ji l’an 130 après J.-C.

Les premiers docteurs chrétiens ont approfondi la signification du baptême dans toute son ampleur et sa profondeur (renaissance spirituelle à la vie surnaturelle de la grâce), alors que les idées à peu près semblables au sujet des rites païens correspondants ne se manifestent que plus tard ; en même temps, ils rapportent ces conceptions à la doctrine même du Christ » (Justin, I.iput., lxi ; Teutullien, de Ba/it., XII, xiii).

Rappelons que plusieurs Pères de PEglise ont accusé les païens d’avoir plagié le christianisme. D’après eux, si certaines doctrines des mystères sont très anciennes, celles qui se rapprochent le plus des idées chrétiennes, telles, par exemple, que l’etlicacilé morale attribuée aux purifications dans les mystères, sont une copie de la valeur attribuée au baptême chrétien. Il y a donc toujours lieu de chercher l'époque où sont nées les doctrines des mystères, recherche assez difficile pour ne pas dire impossible. Nous avons vu que plusieurs d’entre elles, celles que l’on peut dater avec certitude, n’ont que des attestations postérieures au christianisme et surtout à saint Paul. — Voir ci-dessus, article Initiation chrétienne.

VI. Les rites de l’Eucharistie. — On a soutenu, avons-nous déjà dit, que l’on retrouvait dans certaines religions de mystères des traces de festins analogues à la cène eucharistique. L’attestation documentaire de ces faits est assez faible. D’après un fragment du rituel des mystères d’Eleusis qu’a rapporté Clément d’ALEXANORiB (Protrepl., 11, 21), le néophyte disait : « J’ai jeûné, j’ai bu le kykéon, j’ai pris dans la ciste et, après avoir goûté, j’ai déposé dans le calathos et du calathos mis dans la ciste. » L’initié buvait et mangeait ; mais Folcart (op. cit., p. 382) rejette l’opinion de ceux qui supposent par là que le myste s’unissait à la substance des déesses : ces aliments n'étaient pas divins, mais sacrés. De plus, qu’on le remarque, il s’agissait ici de préliminaires à l’initiation. Le néophyte qui avait bu le cycéon n'était pas un initié, ce qui constitue déjà une différence fondamentale entre lui et le chrétien qui reçoit l’eucharistie.

Il n’y a rien non plus à tirer de concluant du texte de FiRMicus Maternus (De errore profiinarum religioniim, xviii), qu’on a appelé en témoignage. Le voici : In ijiiodiim templo, ut in interioiihus partihus, Itoino moriturus possit admitti, dicit : De tympano manducavi, de cynibalo bibi et teligionis sécréta perdidici. La même formule, avec des variantes, a été donnée par Clément d’Alexandrie (Protrept., 11, 15). Nous n’avons encore là que des cérémonies préparatoires à l’initiation.

On a essayé de trouver des rapports entre la manducation du corps eucharistique du Seigneur et les mystères dionysiens et orphiques, dans lesquels l’initié dévorait la chair crue d’un animal, qui était censé représenter le dieu, offert en sacrifice. Mais on ne voit pas que les mystes de Dionysos aient cru, en mangeant le taureau, symbole de Dionjsos, manger la divinité et s’en incorporer la force. En fait, cette omophagie du taureau symbolise probablement l'épisode de la destruction et de la manducation de Dionysos par les Titans ou les transports sauvages de Dionysos et des thiases ; tout au plus pourrait-on parler d’une union mystique avec le dieu. Cf. de Backer, op. cit., p. 326.

Cette conception de la manducation d’un animal, représentant la divinité, est très ancienne et se retrouve dans d’autres cultes, jus(iue chez les Aztèques du Mexique et chez d’autres peuples, où la manducation de l’animal conférait au participant la