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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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épîtres de saint Paul sous trois aspects : i. L’esprit pensant dans l’iiomme ; a. L’activité de l’EspvitSaint en l’homme, ou l’homme sous l’inlluence de l’Esprit Saint ; 3. La personne du Saint-Esprit. C’est la division proposée par le P. Prat (Théologie de saint Paul, t. II, p. io8, Paris, igia).

On reconnaîtra qu’entre la doctrine de saint Paul sur l’Esprit, qu’il soil considéré dans l’homme ou qu’il le soit comme personne divine, et la littérature des mystères, il n’y a d’autre point de contact que l’emploi du même ternie et qu’il n’y a ressemblance que lorsque Paul et les mj stères s’en servent dans sa signiflcation générale de partie pensante de l’homme. Le terme ttvsOuv a reçu chez l’Apôtre une variété et une plénitude de sens inconnues à la littérature des mystères ; c’est à peine si, sur quelques points, que nous allons signaler, il y a une certaine analogie. Et encore celle-ci ne prouve nullement dépendance, car on ne voit pas comment, du sens donné à 7 : vsû/i « par la liturgie des mystères, Paul aurait pu dériver les magnifiques développements qu’il a donnés à ce terme.

L’analogie la plus proche est dans la description qui est faite de l’action de l’esprit, produisant l’extase dans l'âme de l’initié aux mystères, ou du délire prophétique de la Pythie et dans celle de l’action du Saint-Esprit dans l’homme qu’il régénère, qu’il vivifie, d’après saint Paul. Tout au plus pourrait-on rapprocher les premiers de l’action de l’Esprit dans l’homme qui ])rophétise ou qui parle en langues, I Cor., xiv, i-a5. Et encore ceux-ci ne sont pas en extase : le premier sait bien ce qu’il dit et il est compris de tous ; le second ne se comjjrend pas lui-même, mais ses jjarolos peuvent être interprétées par celui qui les comprend.

On trouve bien un papyrus où le -KxOfi’j. reçoit les épilhètes de Od'^v et de icp’yj, mais nulle part saint Paul ne qualifie ainsi l’Esprit-Saint. Chez lui, d’ailleurs, l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Fils, l’Esprit du Christ n’est pas vine qualité de Dieu ou du Fils, c’est une personnalité distincte du Père et du Fils.

Quant aux passages d’ApuLRE et de Sénùque, cités par Reitzenslein pour établir que, d’après eux comme d’après Paul, l’homme est le temple de Dieu ou de l’Esprit, on fera remarquer qu’ils sont de date tardive et d’ailleurs assez oljscurs.

Reitzenslein afiirme que, dans la littérature hellénistique antérieure à Paul, -vaù/j-x et ^u ; ^ ; étaient en opposition directe, que l’un ne pouvait coexister avec l’autre. Il ne donne aucun texte établissant cette proposition. En tout cas, ce n’est pas l’enseignement de l’Apôtre. D’après lui, le - » £û//.k et la (j'/'i coexistent dans l’homme tant qu’il est vivant ; non pas en ce sens qu’ils sont substantiellement distincts, mais en ce sens qu’ils ne désignent pas exactement les mêmes qualités de l'àme.Le t : v=û//v, c’est la partie supérieure, intellectuelle de l’homme et la 'i-uy/, c’est, d’ordinaire, le principe de vie animale. Mais l’Apôtre n’emploie pas toujours ces termes avec cette précision : '{JX’i désigne quelquefois l'àme tout entière, comme distincte du corps. Dans la deuxième èpitre aux Corinthiens, i, 23, il prend Dieu à témoin sur son âme, êri t/, v èfir, » -^vy/,. !. Il semble même que pour lui les termes -n’jsii/jix et 'P'^'/. sont convertibles. Dans l'épître aux Philippiens, i, î'j.il veut apprendre que ceux-ci demeurent fermes dans un même esprit, h kvi Trjsù/j.y.Ti, combattant ensemble d’une même âme, //lâ 'puxj, pour la foi de l’Evangile. A diverses reprises, il exhorte ses lecteurs à faire de toute leur âme, U ij’y'.i, la volonté de Dieu, Eph., vi, 6 ; à accomplir leurs actions avec âme, u ^'>-/i, L, Col., iii, 28, ce qui prouve que Paul employait le terme iuyr, , pour désigner toute la partie de l’homme opposée à di/j-y. et

que, dans ce terme, était englobé le mvj ; j.y.. Nous avons dit que m^'j/j-v. et ^iv^ ; / ; coexistent dans l’homme tant qu’il est vivant ; ajoutons : avant la résurrection du corps, car à ce moment la '{jy.', disparaîtra pour être remplacée par le 7t » £J//K.

Remarquons cependant que, pour saint Paul, les adjectifs dérivés de 'piiyn et de 71 » =0//k, 'l-jx"-'k et 71v51///.KTi) ! o ; , sont employés dans un sens adversatif : e’pijy, mi est celui qui est en dehors de l’influence de l’Esprit de Dieu, et le m'.j/jv.zudiesl celui qui est sous l’infiuence de cet Esprit. L’opposition n’est donc pas au point de vue psychologique, mais au point de vue religieux. Quant à l’aflirmation que ces deux termes avaient été employés antérieurement à saint Paul dans le même sens que par lui, elle s’ai>puie sur des textes postérieurs au christianisme.

Reitzenslein a soutenu que la division qu'établit l’Apôtre entre îy^z-izo*', pvyu.oi, r.-Ji.>iJ.o~'./.oi^ I Cor., iii, I, 3, lui a été inspirée par les religions de mystères, qui distinguaient trois classes de personnes : les incroyants, les prosélytes, retigiosi, et les initiés. La seule ressemblance est la division tripartite. Remarquons seulement que les ïk/szizsi de Paul ne sont pas des incroyants, pas plus que les 'yjyixoi ne sont des religioti.

Le même auteur retrouve aussi dans les religions de mystères le même dédoublement de personne que l’on constate dans Paul, lorsqu’il dit : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi », Gal., II, 20. Mais il n’y a pas désintégration réelle, puisque l’Apôlre ajoute : « Mais la vie que je mène maintenant dans la chair ». Il n’y a là aucune ressemblance avec ce passage de la ^ ision de l’alchimiste ZosiME (BiïHïiiELOT, Les alcIuDiisles grecs, p. 109, Paris) ; a Les hommes qui veulent atteindre la vertu entrent ici et deviennent des esprits T-^iJ/iv--/, fuyant le corps. » Il en serait de même pour la Pythie, d’après Lucain (Pltarsale, V, 1C7, sqq.) : ^piritiis iugessit vali… inriipii pæan menieinque priorem expulit alque hominem loto sibi cedere jussit pee^ore. Il n’y a en fait aucun rapport entre cet état et celui du m’j/ic/.Tiy.o’i de Paul, lequel n’est pas un extatique, mais un fidèle vivant de sa vie normale de chrétien, c’est-à-dire de fidèle uni au Christ ; son état n’est pas passager, mais permanent, et il vit réellement de sa vie propre, puisqu’il doit prendre garde à lui de peur d'être tenté. Gal., vi, 1.

Reitzenstein (Op. cit., p. 117) affirme que, dans les écrits hermétiques, voO ; est employé pour r.-ji’jii.v. et qu’il en est de même en saint Paul. Cela nous parait peu prouvé par les deux textes cités, de date incertaine ou tardive. Quant à l’emploi qu’a fait saint Paul du terme « ûî, il a pu être influencé par les Septante, où » iC/ ; a quelquefois le sens d’esprit. Mais d’ordinaire l’Apôtre paraît l’avoir employé dans son sens courant, et il distingue très bien icû ; et Kisûjj.x. Dans sa première épître aux Corinthiens, XIV, 14, il écrit : o Car si je prie en langues, mon esprit, ri -viùy-x (j-oj, prie, mais mon intelligence, iï M’jj%liM, est sans fruit. Quoi donc ? Je prierai en esprit, tottusi/z/kti, mais je prierai aussi par l’intelligence, y.rjX ni V5I, je chanterai en esprit, zù mi’ju-y-i, mais je chanterai aussi par l’intelligence, tû voi. » Par to=û/^.k, Paul désigne ici la vie intérieure de l’homme sous l’influence de l’Esprit, l’homme inspiré, et par vîj ; , la faculté de l'àme qui comprend et juge.

Nous pouvons déjà conclure de cet examen, que saint Paul n’a pas emprunté aux religions de mystères les doctrines qu’il exprime par les termes, TzvsOfiv., vcû ; , p’jyô 7Tv « u// « T(j<'J ; , i’jyiy.ài ; il s’est servi à la vérité des mêmes termes grecs que la littérature des mystères, mais le fond de sa doctrine sur ce point 1 lui venait de l’Ancien Testament.