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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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subi, i^lus ou moins, dans leurs conceptions princijiales, l’influence du mysticisme inhérent à l’esprit humain.

La question est de savoir si Paul a donné à ces

vocables : /J.J7'r/ : piiVj -ysùy-a, 'io-/-/ ; , vsù ; , -/vwTt^, ô'^ça, le

sens qu’ils avaient dans les rituels ou dans la littérature magique et hermétique ; en d’autres termes, d’examiner si l’usage des mêmes expressions indiquerait une dépendance des doctrines pauliniennes à l'égard de celles des mystères.

Que saint Paul ait connu certains termes qui, à cette époque, avaient reçu un sens spécial, nous en avons, dit-on, pour preuve l’emploi répété qu’il fait du terme nT’uyvy., au sens d' « esprits élémentaires » qu’il déclare faibles et pauvres et auxquels le chrétien, qui a connu Dieu, ne peut retourner pour leur être asservis de nouveau. Gai. iv, 3, g. De même dans l'épître aux Colossiens, ii, 8, il adjure ses lecteurs de ne pas se laisser séduire par la philosophie et par une vaine tromperie, selon la tradition des bonimes, selon les éléments du monde, ri a-ror/ûy toO xiruîu, et non selon le Christ. Ici encore Paul fait allusion à ces pouvoirs cosmiques, des divinités astrales, que certains mettaient en opposition avec le Christ. Il aurait donc connu le sens qui était donné au terme uratyùm dans la religion du tem])S et dans la magie. On prêtait serment par les quatre éléments, -x rh^v.px azoïyt'"'- Dans le grec moderne les démons locaux sont appelés TTci ; i ; sr « '.

D’après des inscriptions, le terme rotosuiiy. était employé dans le sens de <t venue » du roi ou de l’empereur dans une province, mais il l'était aussi dans l’usage cultuel au sens de c, retour « d’un Dieu. Paul a pu connaître les deux sens de ce terme, que nous trouvons employé au second sens dans le Tesiament de Jtida, xxii, a : jw ; rv ;  ; nxpojiix-, 0toj (H. Charles, The greek Versions of tlie Teslaments of tlie hcelfe Patriurchs, p. 99. Oxford, 1908).etdans un écrit du 11" siècle, le Testament d’Abraham, xiu :

lJ-é)^ot T> ; ^ //r/a/y ;  ; xy.l évôl, ^Oij aùrsû (0£oO) 7T « ^0'j7(k ;. (^The 7'eà' tament of Abraham, by M. R. James ; Xexts and Studios, II, p. 92. Cambridge, 189a).

Mais doit-on croii-e, ainsi qu’on l’a soutenu, que saint Paul connaissait aussi certains termes employés dans les rituels liturgiques et quelques-unes des idées courantes chez les initiés aux mystères, et même qu’il y a fait allusion lorsqu’il écrivait aux Corinthiens dans sa première épître, ii, 6, ss. : « Mais nous prêchons une sagesse de Dieu parmi les parfaits, sagesse non de ce siècle, ni des princes de ce siècle qui ont été anéantis ; mais nous prêchons une sagesse mystérieuse de Dieu, sagesse cachée… Dieu nous l’a révélée par l’Esprit, car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. » Nous dirons plus loin quelle est la vraie interprétation de ce passage.

Enlin, la langue des religions de mystères a-t-elle donc influencé la terminologie de saint Paul, et par

1. Remarquons que cette traduction de ct51 ; < : <-x par

« esprits élémentaires », « divinités astrales », n’est pas

acceptée par de nombreux exégètes. Examinant Gal., iv, 3, 9, et Col., II, 8, 20, le P. Lvcraxge conclut : « Dans ces deux passages les éléments du monde sont les principes de conduite naturels, fort inférieurs à la vie dans le ChiisI, ce qui convient parfaitement à notre passage pour qualifier l'état du monde religieux avant lui… Cette solution, qui est celle de Jérôme, Gennadius pscudo-Primasius, Lightfoot, Sieffei-t, ScUæfer, paraît certaine.)> (L'épître aux Calâtes, p. 99.1 Le P. Pkat a discuté avec soin le sens de <tTOtysty. et conclut ; « Les éléments du monde sont des doctrines *l des coutumes opposées à l’enseignement du Christ ; et la Loi mosaïque elle-même, après son abrogation, peut être comprise sous cette appellation. " La Théologie de saint Paul, ii, p. 164, Paritf, 1912.

suite ses doctrines, au degré qu’a prétendu Reitzens tein ? C’est ce que nous ne pouvons admettre. Nou : avons donc à examiner les différents termes com muus à la liturgie des mystères et à saint Paul, alii de constater l’emploi qui a été fait par lune et pai l’autre, et de préciser le sens que tous les deux lu ont donné.

Et d’abord étudions le terme fxu^rr.otm. Mv7T^pi>y du verbe « ùw, fermer, se tenir la bouche close, si gnitie chose tenue secrète, chose non inconnaissabh de soi, mais qui a besoin d'être révélée, cérémoni. religieuse qui doit être tenue secrète, le sens cachi d’un passage, la signilication mystique d’un terme Reitzenstein, p. g5, fait remarquer que ni le mo y.j7T/ ; iiiv, ni T£/ir/} (célébration de mystères), ne com portent une idée stal)le. De la conception de secre on passe à celle d’une action cultuelle, rituelle 01 magique. Les deux termes désignent aussi un livr de révélations ou la prière révélée par Dieu et pro ductrice de miracle. Enlin, , u-j7zr, pt ! >'j était surtoH emploj'é au pluriel, rx fi.vTrr, pix, les mystères, c’esl à-dire des doctrines religieuses, secrètes, commun ! quées seulement aux initiés, d’où doctrines, dont i faut recevoir la communication et qui doivent ètr tenues cachées.

Avant d'étudier la signiQcation que le terme </v ; zr.pLO-.' a dans les épîtres pauliniennes, il faut s rendre compte du sens qu’il a reçu dans les Sep tante, car l’Apôtre a été fortement iuduencé pa ceux-ci. Deux fois, dans le livre de la Sagesse, //^ : Tï^, 115/ est employé au sens de rites ou cérémonies

« Un père allligé a institué des mystères et des ce

rémonies », xiv, 15 ;.< (Les idolâtres) célébraieu des cérémonies homicides de leurs enfants et de mystères cachés », xrv, a3. Partout ailleurs, dans le Septante, wjiT/, pfM signilie secrets, plans secrets d Dieu ou des hommes. Dans le livre de Daniel, 11, 18 19, 27, 30, 47 ; 'V, 6,.uvTT-/ ; , îi « signilie ce que Dieu ; mystérieusement annoncé et qui a besoin d’inler prétation.

Dans les évangiles, Jésus dit à ses apôtres qu’i leur a été donné de connaître les mj’stères di royaume de Dieu, rà uLu^-rripix zf, ; ^x’nj.ua.i rîO 6s ;  : Me., IV, II ; Lc, VIII, 10 ; Mt., xiii, 1 1 ; c’est-à-dir les doctrines cachées du royaume de Dieu, secret qi n’a pas été révélé aux hommes, ib., mais qui l’es par Jésus-Christ. Il s’agit ici probablement des des seins de Dieu pour le salut des hommes.

Pour saint Paul (Cf. la note : On the meaning ujcT/ioiw in the ; Veir Testament, dans St. Paul' Epistle ta the Ephesians by J. A. RoniNsoN, p. 234 London, 1908), lijr^zr.piov signihe les choses cachée qui ont besoin d’une communication spéciale 01 d’une révélation, Rom., xi, 25 : a Je ne veux pas frères, que vous ignoriez ce mystère,… c’est qu"un< partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu'à ce que la plénitude des gentils soit entrée et ainsi tout Isracl sera sauvé. » C’est dans le mêm sens que Paul emploie le terme, u.'jurr.pi’y.i quand i apprend aux Corinthiens le mj’stère de la Iransfor mation des croyants, lors de la parousie du Seigneur I Cor., XV, 51. Il l’emploie aussi pour désigner le mys tère par excellence, le dessein secret de Dieu pour l salut des hommes, mystère qui lui a été révélée qu’il est chargé de faire connaître : « C’est par rêvé lation qu’il m’a été donné de connaître ce mystère., mystère qui n’a point été dévoilé aux (ils des hommes… comme il a été révélé maintenant dans l’Es prit à ses saints apôtres et prophètes, à savoir qm les païens sont cohéritiers et font partie du corpse sont participants à la promesse de Jésus-Christ pai l’Evangile. » Epk., iii, 3 ss. Paul appelle ce mystère B l'économie de la grâce de Dieu », 16., iii, i. Cf.