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MYSTÈRES PAÏENS (LES) ET SAINT PAUL

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presque jamais les doctrines étrangères objectivement et pour elles-mêmes. Ils les font rentrer clans leurs systèmes, auxquels elles doivent servir de preuves et d’illustration ; ils les entourent d’une exégèse personnelle ou les noient dans des commentaires transcendants (Gl-mont, op. cit., p. 21) On trouve aussi chez les Pères de l’Eglise quelques renseignements infiniment utiles, mais auxquels nous ne pouvons nous lier entièrement. Les écrivains ecclésiastiques, saint Justin, Clément d’.Vlexandrie, surtout TertuUien, nous ont rapporté des rites des cultes de mystères dans lesquels ils avaient trouvé des analogies avec les rites chrétiens, mais il est possible qu’ils aient forcé ces analogies pour mieux établir leur thèse, à savoir que les démons avaient singé le christianisme dans ces cultes des mystères.

Pour la plupart des documents, formules mystiques, incantations magiques, hymnes aux dieux, il est impossible de Uxer leur date d’origine ; celle même de leur transmission est souvent incertaine. Ce qui nous est rapporté par les poètes satiriques, les philosophes, les Pères de l’Eglise, est peut-être plus ancien qu’eux ou peut ne dater que de leur temps. Le recueil des écrits hermétiques contient des pièces d’époque très différente et relativement récente. La liturgie mithriaque, qui remonte peut-être assez haut, ne nous est connue que par des textes des 11’et m" siècles après J.-C. On a essayé de la reconstruire (Dibterich, Eine Mithraslilurgie), d’après un papyrus, mais, au jugement de Cumont, ce morceau n’est ni liturgique ni mithriaque (cf. article MiTURA, col. 580 ss.).

Nous avons cependant quelques données chronologiques. La description de l’initiation de Lucius aux mystères d’Isis à Cenchrées a été écrite au II* siècle par Apulée, mais le rituel minutieux et les pièces qui l’accompagnaient sont certainement de date beaucoup plus ancienne. Il en est de même de queUiues formules mystiques, qui offrent tous les caractères de l’antiquité. Un peu partout et à différentes époques nous rencontrons les idées de communion avec la divinité et de régénération, ce qui nous oblige à conclure à leur ancienneté.

Reste à savoir si saint Paul a connu les doctrines des mystères telles que nous les connaissons maintenant. C’est seulement au commencement du II’siècle après J.-C. que les cultes des mystères, sur lesquels nous avons des renseignements précis, se sont répandus dans l’empire romain, et à ce moment ils avaient subi l’intluence de la philosophie grecque et surtout des cultes orientaux. Il s’exerça à cette époque sur ces cultes des mystères une façon de syncrétisme. Saint Paul n’a pu connaître ces cultes des mystères dans cette forme développée, puisque, de son temps, elle n’existait pas. En supposant qu’il ail connu les religions de mystères, il les a connues dans un état simple et non tels qu’ils furent lorsqu’ils se développèrent sous l’influence du <lésir grec de rédemption que manifestait l’esprit hellène, au 11= siècle après J.-C. Il y a donc toujours lieu de se demander à quelle époque remonte un document, ([ui nous transmet une doctrine ou un rite. Et sur ce point nous n’arrivons pas toujours à la certitude.

Observons que, sur les données inconsistantes que nous venons de signaler, on a élaboré des constructions qui ont donné aux religions de mystères une consistance et un développement qu’elles ne possédaient pas.

2. Les mystèrbs db Cybèlk et d’Attis. — Bibliographie : G. Showerman, The Great Mother of the

Gods : llulletin of the University of Wisconsin, n’43, 1901 ; Attis : Encyclop. of Iteligion and Ethics, vol. II ; Kybele, Ib.", vol. IV. llm-imm, Attis, seine Mythen undsein huit, Gies-sen, igo^ ; Frazer, Adonis, Attis, Osiris, London, 1907 ; F. Cumont, /.es religions orientales dans le paganisme romain, 2’éd. Paris, 1909 ; Id., Attis, Healencyklopâdie de Paulv-Wissowa ; Ka.pv, Attis, Kybele, Lerikon der griech. and roni. Mythologie de Roscuer ; TouTAiN, La légende de la déesse phrygienne Cybèle ." Kevue de l’histoire des religions, t. LX, p. 299, Paris, 1909.

Le culte de Cybèle, la grande déesse de Phrygie, adorée à Pessinonle et sur l’Ida, que les Romains appelèrent Magna Deum Mater, Mater Deuni Magna Idæa, est très ancien et se répandit de bonne heure en Occident. Nous reviendrons plus loin sur l’extension de ce culte. Nous n’avons pas à rechercher comment s’opéra la fusion de Ma ou Cybèle, la Grande Mère, et de son Dis et époux Attis, divinités anatoliques, et du dieu phrygien Dionysos-Sabazios, mais seulement à marquer ce qui en fut le résultat. Comme Vénus et Adonis, Isis et Osiris, Cybèle et Attis étaient ordinairement associés dans la célébration du culte, et formaient une dualité qui symbolisait les relations de la Mère Terre avec ses produits. La naissance, la croissance, la castration volontaire, la mort d’Attis symbolisaient la naissance, la croissance et la mort de la végétation. Les Phrygiens pleuraient la mort de la végétation, et célébraient sa renaissance par des orgies sauvages mais « ces mutilations volontaires, ces souffrances, qu’ils s’imposaient, témoignent d’une aspiration ardente à s’affranchir de la sujétion des instincts charnels, à délivrer les âmes des liens de la matière. Ces tendances ascétiques étaient d’accord avec certaines idées de renoncement, prêchées par la morale philosophique des Grecs » (Cumont, op. cit., p. 57).

Les sectateurs de Cybèle prali([uaient très anciennement des mystères où l’on révélait par degrés aux initiés une sagesse considérée toujours comme divine, mais qui varia singulièrement dans le cours du temps. On célébrait la mort d’Attis et sa résurrection, symboles de celle de ses adeptes. De même qu’Attis mourait et ressuscitait chaque année, de même ses fidèles devaient après leur mort renaître à une vie nouvelle : Réjouissez-vous, ô mystes, disait le prêtre quand il oignait les lèvres de l’initié, car le dieu est sauvé et, pour vous aussi, de vos épreuves sortira le salut. Le trépas d’Attis (Reit/.enstein, Poimandres, p. 93) a fait de lui un dieu et pareillement ses fidèles seront par la mort égalés à la divinité. Il se célébrait des repas mystiques, dont Clément d’Alexandrie nous a transmis une formule d’initiation : a J’ai mangé au tambourin ; j’ai bu à la cymbale ; j’ai porté le kernos (vase sacré) ; je suis entré sous le rideau nuptial » (Protrept, 11, l5). Fihmicus Matbrnus (De errore profanarum religionum, éd. ZiEGLER, p. 57 ; n° xiv) nous a conservé la même formule avec une variante : a J’ai mangé au tambourin ; j’ai bu à la cymbale ; je suis devenu un myste d’Attis. » L’initié pouvait dire, comme dans une ancienne formule liturgique à laquelle fait allusion Démosthène (De Corona, 269) : « J’ai fui le mal, j’ai trouvé le meilleur. »

Voici la conclusion de LoiSY (C)bèle et Attis ; R.II.L.H., t. IV, N. S., p. 326) sur ce qui se dégage du culte et des mystères de Cybèle-Attis : « Originairement le rite sanglant (la castration et les mutilations ) n’avait pas pour objet de rendre immortels ceux qui y participaient, mais de les faire capables de coopérer aux œuvres de la Mère et d’Attis, c’est-à-