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MONUMENTS ANTIQUES (DESTRUCTION DES)


seulement, après l’émeute suscitée par les païens retranchés dans leSérapeion d’Alexandrie, ce magnifique sanctuaire l’ut démoli, et avec lui périrent d’autres temples de la province ; cependant, au viîe siècle, le Tycheon, ou temple de la Fortune, existait encore à Alexandrie, avec les statues qui le décoraient (ïuÉoi’iiYLACTE, cité par Lumbroso, l.’Esitto ul tempo ilei Grecie dei Romani, p. 134). La seule mesure officielle dont les temples aient été l’objet dans le reste de l’empire, l’ut l’ordre, tant de fois déjà donné et transgressé, de les lermcr délinitivement (Co</e Théndosien, XVI, x, lo, 1 1). Toutporte à croire que, sous la forte main de Théodose, il fut cette fois exécuté, i Marnas pleure enfermé dans son templedeGaza », écrit saint Jérôme (fy ;. cvii). Cependant cette fermeture même souffrit des exceptions, autorisées par l’empereur. Ainsi, le principal temple d’Edesse, remarquable par la beauté de son architecture comme par ses vastes proportions, était devenu le lieu de réunion des liabilants, une sorte de musée et de promenoir public : Théodose, sur la demande du préfet de l’Osrhoène, en autorisa la réouverture ; les statues qui le décorent seront conservées, dit-il, à cause de leur valeur artistique, non comme objet de culte (Code Théodosieii, XVI, x, 8).

S’il y eut (en dehors de l’Egypte) des temples renversés sous "Théodose, ce fut sans son aveu, par le zèle des particuliers : révèi|ue d’.A.pamée, saint Marcel, se crut obligé de détruire les temples de sa ville et de la campagne environnante, en pui il voyait le principal obstacle à la conversion des habitants, et fut pour ce fait égorgé par les païens (Sozo.mknk, /L£., VII, xvi). Même après la révolte de l’usurpateur Eugène, fomentée par le parti païen, aucune représaille ne fut exercée svir les anciens sanctuaires. Les fils de Théodose, Honorius et Arcadios, mirent de nouveau les temples sous la protection des lois.

« Plus de sacrifices, écrit Honorius, mais que les monuments

soient respectés. » (Code Tkéodosien, XVI, X, 15.) « Que personne n’essaie de renverser les temples, désormais vides de toute superstition. Nous ordonnons que ces édilices demeurent intacts, u (Ibid., 18.) Ces deux lois sont de 3gy. La fermeture des temples, la conservation de leurs œuvres d’art, c’était la réalisation du vœu prophétique mis par un poète contemporain de Théodose dans la bouche du martyr saint Laurent : « Je vois dans l’avenir un prince serviteur de Dieu : il ne permettra pas que Rome soit souillée de l’ordure des sacrifices ; il fermera les portes des temples, il en clora les battants d’ivoire, il en condamnera les seuils impurs, il en tirera les verrous d’airain. Alors les marbres resplendiront, purs de tout sang versé ; alors les statues de bronze, adorées aujourd’hui, resteront debout, désormais innocentes. » (Prudence, Péri Stephiinon, II, 4^3-484.) Il sullit de lire les descriptions de Rome parles poètes païens du commencement du V siècle, Claudien (fle VI consulalu Honorii, 35-51), Rutilius Namatianos (Itinerarinm, I, gS), ou les statistiques dressées par les topographes de ce temps (Jordan, Topographie der Stadl Rom im Altertham, t. II, p. 54 1-5^4), pour reconnaître qu’après Théodose tous les temples et toutes les statues étaient encore debout dans la capitale de l’Empire.

Cependant, si les monuments païens des villes furent ainsi respectés, les sanctuaires idolâtriques des campagnes, qui n’avaient pour la plupart aucun droil au titre de monuments, n’obtinrent point les mêmes égards. Il sulfil de rappeler ici les destructions qui accompagnèrent l’apostolat de saint Martin et descs disciples dans les campagnes du centre de la Gaule, encore couvertes des ténèbres les plus épaisses. Les dieux vaincus s’y étaient réfugiés et

avec leur culte y régnaient en maîtresses la superstition et les mauvaises mœurs. Paysan, paganus était devenu le synonyme d’idolâtre. La destruction des rustiques chapelles des idoles par les missionnaires du iv « et du V’siècle fut un service rendu à la civilisation. L’art, généralement, n’y perdit rien. On en jugera par la description d’un sanctuaire de campagne, dans un pays cependant plus ouvert que nos contrées d’Occident aux iniluences helléniques :

« C’est un parallélogramme de quinze pas de long

sur dix de large, construit sur un tertre peu élevé, au milieu des arbres. Le pourtour est formé par des pierres d’un mèlre et demi de long et de cinquante centimètres de haut. Cette chapelle était seulement une enceinte qui ne paraît pas jamais avoir été couverte. La table qui porte l’inscription occupait une des extrémités. On ne trouve aucun vestige d’ornement d’aucune sorte ; le sol était pavé de briques. Ces ruines permettent de se figurer ce qu’était un sanctuaire rustique dans les campagnes de la Thrace gréco-romaine. » (Albert Ddmont, dans les Archives des missions scientifiques, 1876, p. 184.) Aussi comprend-on aisément les termes d’une pétition adressée aux empereurs, en Sgg, par le concile de Carthage : « Ordonnez de renverser tous les temples qui, étant situés dans les lieux écartés ou dans les champs, ne contribuent pas à l’ornement public. » (Haroouin, Concilia, t. I, p. 898.) La même pensée inspira la loi rendue, cette année même, , par Arcanius et Honorius : <i Que les temples des campagnes soient détruits, mais que cela se fasse sans combat et sans tumulte. Quand ils auront été ruinés de fond en comble, la superstition n’aura plus d’aliments. » (Code Théodosien, XVI, x, 16.) Le protestant Jacques GoDEFROY, savant commentateur du Code Théodosien au xviie siècle, a écrit cette » hrase. qui résume tout ce que nous venons de dire : « On dut songer à démolir les temples situés hors des murs ; mais, pour les temples situés dans l’enceinte des villes, la question ne se posa pas : car en eux résidait la principale beauté de celles-ci. » (T. V, p. 203, de son édition du Code Théodosien.)

A quels usages, cependant, furent destinés ces édifices, après avoir été purifiés du culte des idoles ? Nous avons dit qu’il y en eut de rouverts, parce que les objets d’art dont ils étaient remplis en avaient fait de véritables musées. D’autres furent transformés en églises, comme l’Augusteumd’Ancyre, le temple de Jupiter à Dodone, le Tycheon d’Antioclie, le Théseion, l’Erechtheion et le Parthénon d’Athènes, le temple d’Isis à Philé, plusieurs temples de Sicile, enfin le Panthéon de Rome (voir P. Allard, L’art païen sous les empereurs chrétiens, ch. xi). Les temples transformés en églises furent cependant, à Rome, beaucoup moins nombreux qu’on ne l’a cru souvent ; non par aucun scrupule religieux, mais par les difficultés d’appropriation que présentèrent souvent des édifices construits en vue d’un culte tout diŒrent (voir Duchbsne, iVotes sur la topographie de Rome au Moyen Age, II, p. 4 0- J^" province, certains temples reçurent une destination civile, et furent affectés à des services administratifs : des lois de 4 12 et 429 ordonnent de verser au Capitole de Carthage les contributions de l’Afrique (Code Théodosien, XI, I, 32-34).

On voit combien il serait injuste d’imputer la ruine des monuments antiques soit aux empereurs, qui firent tant pour les protéger, soit à l’Eglise qui, dans un de ses conciles, refusait le titre de martyr au chrétien tué pour avoir renversé une idole (conc. d’Elvirc, can. 60). Beaucoup d’édifices païens furent détruits par les Barbares : en Orient, lors des invasions musulmanes ; en Afrique, par les Vandales d’abord, les