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MONISME

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physicien, à des mouvements ; se/inr el se moiiioir, voilii donc les deux formules qui semblent exprimer l’univers intérieur et extérieur, le concave et le convexe des choses ; mais senlir qu’on se meut, voilà la formule exprimant la vie consciente de soi, encore si peu fréquente dans le grand tout, qui pourtant s’y dégage et s’y organise de plus en plus. Le progrès mèuie de la vie consiste dans celle fusion graduelle des deux formules en une seule. Vivre, c’est en fait évoluer vers la sensation et la pensée. »

Si l’on voulait désigner d’un nom spécial cette dernière forme de monisme, on pourrait l’appeler soil aveeGuYAU lui-même, le Xaturalisme moniste, soit plus simplement, bien que le mot ait d’ordinaire un autre sens, le ÎSattirisnie. Au reste, morne en |)assant condamnation sur les hypothèses gratuites, voire les contre-vérités évidentes qui émaillent celle page de l’Irréligion de /' « i’e « (>, la théorie du double aspect, pas plus sous ce nom et sous celle forme que sous les autres, ne supporte le plus superflciel examen. L’idée de vie peut sans doute servir, comme d’autres idées très générales, à unifier les connaissances philosophiques, en les groupant de façon utile ou harmonieuse, surtout quand on se propose, comme Guyau, de les envisager au point de vue esthétique, moral ou sociologique ; mais, transportée dans l’ordre du réel, une telle solution du dualisme manifesté par les choses, n’est pas vme explication, c’est un pur escamotage. De même que dire avec Taine que toule chose a un dedans et un dehors, n’est pas expliquer comment le même être traduit au dehors des i)ropriétés aljs<jlues contradictoires de celles qui le constituent au dedans ; ainsi alTirmeravec Guyau que la vie consiste à o sentir qu’on se meut n ne dinjinue en rien le mystère de l'évolution, grâce à laquelle « le mouvement se saisirait comme sensation ».

Une réfutation plus complète de ce dernier système, comme de tous les précédents, ressortira au surplus de la discussion générale du monisme qui nous reste à présenter dans un dernier paragraphe.

VIII. Réfutation générale. — A. Le monisme

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Avant de mettre en lumière les absurdités que recouvre toute interprétation strictement unitaire du monde, il ne paraît pas inutile de présenter quelques remarques préliminaires sur les procédés d’exposition et de déraonstralion généralement suivis par ses partisans : tels sont en effet les vices de méthode révélés par ce premier examen, quils sutliraient pour enlever toute valeur aux conclusions.

En parlant de ces vices rédhibitoires, nous ne faisons pas allusion aux préjugés d’ordre moral ou religieux, qui dans bien des cas imposeraient plus ou moins inconsciemment à l’esprit le sens de ses recherches dans ces hauts problèmes spéculatifs qui dominent nécessairement toute la pratique de la vie. Même sans faire état de certains aveux dépouillés d’artifice et à condition de réserver la question de bonne foi, on peut, il est vrai, alTirmcr sans témérité que les convictions philosophiques des monistes, comme celles des athées, procèdent le plus souvent, psychologiquement parlant, de considérations étrangères aux seules données de l’expérience et de la raison ; toutefois, si ces dispositions subjectives sont une mauvaise préparation à la recherche impartiale de la vérilé, elles échappent, de leur nature, à la discussion et n’infirment pas nécessairement l’objectivité delà thèse soutenue, tant, bien entendu, qu’elles ne sont pas, comme il arrive parfois, sous

une forme ou sous une autre, transformées en arguments.

C’est à l’ordre logique, au contraire, qu’appartiennent les vices essentiels de méthode qu’il importe de relever dans les prétendues démonstrations du monisvne. Le premier et le plus grave de tous, c’est qu’elles reposent finalement tout entières sur deux postulats qui, s’ils ne constituent pas une pure pétition de principe, ne sont rien moins qu'évidents. Ces deux postulats sont ceux de l’unité ontologique de l'être et de la nécessité de son évolution progressive.

») Pour commencer par le dernier, comment établir que le progrès est la loi universelle et constante de l'être ? Plusieurs auteurs contemporains, étrangers pourtant aux préoccupations religieuses, le contestent absolument, au nom même de l’expérience et dans des matières bien diverses : tels UeNOUviER et M. Gaston Kichard, M.Vi, André Lalandh et D. Parodi, le physiologiste belge Jean Demoor et l’anthropologiste américain Franz Boas, d’autres encore. Peut-on, en dépit des faits en apparence contraires invoqués par ces auteurs, donner la loi du progrès comme la conclusion d’une induction légitime, basée sur un nombre sullisant de vérifications indubitables ? Ce semble être la pensée de Vacherot, suivant lequel, nous l’avons vu, « la loi du progrès, pour être une révélation de l’expérience, n’en trouve pas moins son explication dans la raison… Le progrès est inhérent à la réalité, de même que la perfection l’est à l’idéal. Il est certain que cette loi essentielle de la réalité, cet attribut du Dieu vivant n’a pu être conclu de la nature même de l’Etre universel qu’après avoir été signalé par l’expérience… La réalité est nécessairement en progrès, parce qu’elle est l’acte d’un principe qui est la perfection en puissance. Tel est le caractère de la plupart des explications rationnelles. C’est le fait qui révèle l’idée ; mais c’est l’idée qui marcque le fait du sceau de la nécessité. » (/.a Métaphysique et la Science, II, p. 636-637) Autrement dit, l'état actuel du monde, tel que nous le révèle l’expérience, ne peut s’expliquer, dans un système strictement unitaire, cpi’en faisant de l'évolution progressive la loi même de la réalité : les monistes n’ont pas en effet, sous peine de grever leur système d’une contradiction de plus, la ressource de faire, avec M. Georg Simmel (voir liev. de Met. et de Mor., t. XX, p. 855, suiv.), de cette loi du progrès une pure idée du sujet pensant. S’il en est ainsi, c’est, en dernière analyse, de l’unité même de l'être qu’ils infèrent, sous une forme ou sous une autre, la nécessité de l'évolution ; mais, dans cesconditions, l’objection n’est pas résolue, elle n’est que reculée et le postulat du progrès n’a d’autre valeur de certitude que celui même de l’unité ontologi « jue de l'être, dont il est la conséquence.

b) Or, cette unité de l'être, principe essentiel de toute leur doctrine, de quel droit les monistes l’affirment-ils ? A en croire iilusieurs, elle s’imposerait à la raison comme une évidence immédiate : c’est ce que répète, par exemple, Vachtrot en toute occasion : « Cet Etre universel, infini, nécessaire, absolu, nous est donné tout d’abord dans toute sa réalité par la raison, au sein des choses finies, contingentes, relatives, que nous atteste l’expérience… Il est donc entendu que la raison pose a priori le Cosmos, c’està-dire l’Etre universel dans sa réalité. >) (La Métaph. et la Se, II, p. 606) « Que nous dit la raison sur le Monde ? Qu’il est infini, nécessaire, absolu, que l'être y est continu… Or, si l'être est partout et toujours, s’il n’est pas possible d’y supposer le moindre vide, le moindre intervalle, il s’ensuit que les distinctions