Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

875

MONDE (LE SYSTÈME DU)

876

dans la mesure des précisions que l’expérience comporte. Ainsi encore les mêmes postulats sont à la base de la science des phénomènes calorifiques, lumineux, magnétiques, électriques, qu’ils se passent à la surface de la Terre ou dans les espaces célestes. Leur représentation a pour élément essentiel la propag’ation des ondulations de l’étber. Mais ici, la précision croissante des observations montre que l’harmonie du système n’est pas parfaite. Ainsi le déplacement de l’observateur relativement à l’éther devrait produire certains phénomènes optiques que les expériences les plus délicates n’arrivent pas à constater (LoRENTz, Considérations élémentaires sur le Principe de Relativité, dans la Revue générale des Sciences, t. XXV, n" 5, 15 mars igiii, p- 179-186). Un postulat proposé pour expliquer ee fait, le « principe de relativité », s’accorde mal avec les postulats de la gravitation (H. Poincaré, Science et Méthode.

— Max Abraham, La Nouvelle Mécanique, collection 5c ! en<ia, janvier 191^. — Voir aussi Revue générale des Sciences, 15 avril igii, p. 286-287), et, si rien n’est modifié par ailleurs, conduite des conséquences de nature à troubler les notions communes d’espace et de temps. Il faut en conclure, non pas que ces notions devront être modifiées dans ce qu’elles ont d’essentiel et de certain, mais simplement que notre représentation intellectuelle du monde, dans son stade actuel, n’est pas entièrement satisfaisante.

La critique philosophique peut aussi s’exercer sur les concepts d’espace et de temps al>svlus qui figurent en effet dans les postulats de la Mécanique, et en particulier de la Mécanique céleste (Nbwton, Philosopitia naturutis, Principiii niatlientatica, Uh.lll, De Mundi Sjstemate. — Duhkm, Mouvement absolu et Mouvement relatif, Extrait de la Revue de Pliilosopliie, 1909, p. 186-ao8. — Emile Picard, De la Métliode dans les Sciences, la Science, p. 22. — Painlevk, ibid., la Mécanique, p. Sgi. — Cari Neu-MANN, Ueber die Principien der Galitei’JVe » ton’schen Théorie, p. 14-21. — Duhem, Commentaires aux principes de la Thermodynamique, dans le Journal de Mathématiques pures et appliquées, 4’série, t. VIII, 1892, p. 270-271). A ces concepts, certains, comme Henri Poincaré, semblent refuser toute valeur objective (PoracARÉ, La Science et l’h’rpothèse, passim). Quoi qu’il en soit, il résulte de ces postulats que certains mouvements, par exemple celui de l’extrémité libre d’un pendule, ont des apparences différentes suivant qu’on les rapporte à des axes de directions

« absolument fixes » ou à des axes de directions variables ; 

ils conservent au contraire les mêmes apparences quel que soit le mouvement de « translation » des axes de directions « absolument fixes » auxquels on les rapporte. Or le mouvement d’un pendule, observé à la surface de la Terre, rapporté à des axes de directions déterminées par rapport à l’ensemble des étoiles, présente sensiblement l’apparence (mouvement circulaire dans un plan vertical fixe) que la théorie prévoit dans le cas où les directions des axes sont a absolument fixes ». Ce même mouvement, rapporté à des axes liés à la Terre, présente sensiblement l’apparence que la théorie prévoit dans le cas où les axes sont entraînés dans un mouvement

« absolu de rotation uniforme ». Le philosophe ne

peut en déduire la vérité objective de tous les postulats de la Mécanique moderne, ni la valeur objective de tous les concepts qui y entrent, car rien ne prouve que d’autres explications ne soient pas possibles. Mais il peut légitimement en conclure au moins que la distinction entre mouvement « absolu » et mouvement « relatif » n’est pas un pur jeu de l’esprit.

De divers côtés on rencontre donc des dilTicuIles de détail, propres à nous rappeler que la science

humaine est toujours courte par quelque endroit. Néanmoins il est bien certain que la représentation moderne du monde est singulièrement plus détaillée, plus précise, plus riche, plus grandiose, plus satisfaisante en un mot, que les représentations anciennes rencontrées au coxirs de cet article. Celle représentation moderne fournit-elle, aussi bien qiie les anciennes, un point d’appui au mouvement de l’àme qui veut remonter de la créature au Créateur ? S’il s’agit d’un mouvement de sentimentalité, aucune de ces représentations intellectuelles ne vaut l’impression purement sensible d’une nuit étoilée. Mais s’il s’agit du mouvement de l’àme cherchant à s’élever, par l’intelligence, à une certaine connaissance des perfections de la Cause première, connaissance qui doit éveiller l’admiration et un certain amour, il est clair que la représentation actuelle fournit à ce mouvement un point d’appui incomparablement plus solide. Dieu a permis à l’intelligence humaine de découvrir la notion de gravitation universelle. Cette unique notion d’une force inhérente à la nature matérielle explique tout à partir d’un état initial donné. Mais elle ne s’explique pas elle-même, et n’explique pas cet état initial. La gravitation et l’état cosmique initial postulent une Cause. Si l’on reste dans l’ordre de la Mécanique céleste, on ne peut rien allirmcr de plus ; quel que soit cet état initial, l’ensemble des mouvements est complètement déterminé ; l’ordre qui règne dans les mouvements des astres ne prouve pas à lui seul l’intelligence de leur Cause. Mais si l’on réfléchit à l’évolution des phénomènes cosmogoniques, mécaniques, physiques et chiraiciues que contenait pour ainsi dire en puissance cet état initial et qui s’est faite suivant les lois d’un absolu déterminisme, si l’on réfléchit que de cette évolution a résulté, entre tous ces phénomènes et les phénomènes biologiques, l’équilibre stable que nous constatons aujourd’hui, on est amené à conr clure que la Cause de l’état cosmique initial a dû prévoir, ou plus exactement voir, dans cet état, tous les détails de cette évolution multiple. Si l’on réfléchit ensuite à la dilficulté de prévoir les seuls mouvements de trois corps, on peut se faire par là quelque idée de l’infinie transcendance de l’intelligence de cette Cause. Et voilà, serable-t-il, comment, avec une éloquence austère et abstraite sans doute, mais singulièrement expressive pour qui sait la comprendre, les Cieux de l’Astronomie moderne continuent de « raconter la gloire de Dieu ».

Bibliographie. — Max Abraham, La nouvelle Mécanique (collection Scientia, janvier 1914). — Alexander AcHiLLiNus, De Orbibus (dans ses Opéra omnia, Venise, 1545). — Alpktragius, Planetarum Theorica, physicis Rationibus probata, latinis Litteris mandata a Calo Calonymo Hebræo Neapolitano (Venise, 1581). — J.-B. Amicus, De Motibua Corporum cælestium jujcta Principia peripatetica (Venise, 1536). — Roger Bacon, Liber Communium A’aturalium (Èihl. Mazarine, ms. n" 3676) ; — Opus Tertium(Bihl. Nationale, fonds lat., ms. n° 10364, fol. 186-’220). — F. Bernard de Vkrdun, Tractatus optimus super lutam Astrologiam (Bibl. Nationale, fonds, lat., ms. n° 7333, 7334). — Domenico Bkhti, Copernicoe le Vicende del Sistema copernieano in ltalia(Rom « , 1876). — S. Bonaventuhe> In secundum Librum Sententiarum Disputata. — Giordano Bruno, La Cène de le Ceneri (dans ses Opère itidiune, t. I, Goltingen, 1888). — Chrislophorus CL^vviusi S. i, In Sphæram Joannis de Sacro Bosco Commenlarius (Rome, 1581). — Nicolas Copernic, De Revvlutionibus Orbium cælestium (Niiremberg, 1543). — Ludovicus Coronel,