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MONDE (LE SYSTÈME DU)

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Frascator (Livre des Homocentriques, 1535), Gian-BATTisTA Amico (De motibus Ctirporum cælestium, Venise, 1536).

Le deuxième courant d’idées, celui en faveur de la vérité objective du système de Ptolémée, paraît avoir eu moins de partisans. M. Duliem ne cite que le franciscain Bernard db Vbrdun, au xiii" siècle, et, au xv^, Francisco Capuano, d’abord professeur d’astronomie à l’Université de Padoue, puis chanoine régulier de Latran. On ne le retrouvera qu’au moment où tous les péripatéliciens se ligueront contre l’ennemi commun, le système de Copernic.

Le troisième courant d’idées, celui qui s’oriente, avec quelques restrictions, dans la direction indiquée par Proclus, Siraplicius, Maïmonide, se manifeste dans la condamnation que portèrent en 1277, contre un aristotélisme exagéré, les docteurs de la Sorbonne, sous la présidence de l’évêque de Paris, Etienne Tempier, et à la demande du pape Jean XXI (DcHEM, Mollement absolu et Mouvement relatif, p 61. — R. P. Denikle et E. Châtelain, Chartularium Unisersilatis Parisiensis, t. I, pièce n° 4^3, p. 546). Il a pour lui saint Thomas (op. cit., in lib. I, c. 3 ; Sum. theol., I", q. Sa, a. 1, ad 2), Pierre d’Abano (Lucidator Astro7wmiai’), el, malgré ses préférences averroïstes, Jean de Jandun (Aculissiniae quæsliones…, lib. XII, q. 20) : les hypothèses doivent expliquer les phénomènes ; il est légitime de se servir de toutes hypothèses fournissant cette explication ; mais il ne faut pas en conclure à leur vérité objective. Ainsi pensaient sans doute les astronomes techniciens de l’Université de Vienne, fondée en 1380 par Henri Heinbuch de Hesse, maître es arts et bachelier en théologie de l’Université de Paris. Ils se consacrèrent, notamment Georges de Peurbach et Jean Muller de Koenigsberg (Regio-MoNTANUs ) à la t.iche vraiment scientilique de perfectionner le détail des théories, de construire des instruments, d’imaginer des méthodes d’observation (Duhem, Tliévrie physique, p. 53). Ces mêmes principes de philosopliie scientifique étaient afDrmés par le dominicain Sylvestre de Prierio (Commentaire de la Théorie des Planètes de Georges de Peurbach, Paris, 1515), par Giovanni Gioviano DE PoNTANo (Œ re/(Hs coelestibus, ^i^âe, 1540), et surtout parle cardinal Nicolas de Cubs (Z>e docta ignoranlia, Bàle, lô^S), par son disciple Lefèvrb d’Etaples (.J.s/rono/niiim theoreticnm, Paris, 1510), et par Luiz Goronel, professeur de physique au collège de Montaigu (Pliysicæ perscruUitiones, Paris, 1511). Avec ces trois derniers apparaît pour la première fois cette idée : il y a lieu de distinguer deux physiques ; non pas, comme le faisait Proclus, une physique terrestre accessible et une physique céleste radicalement inaccessible ; mais d’une part la physique des phénomènes, lois et hypothèses, et, d’autre part, la physique des essences et des causes, qui sont choses inaccessibles à la connaissance directe mais néanmoins susceptibles de représentations intellectuelles abstraites (Dohbm, Théorie physique, p. ji). Vers la Un du xv’siècle, l’apparition du système de Copernic, système proprement astronomique, différent de celui de Ptolémée, mais représentation aussi exacte des phénomènes, fait entrer la question philosophique dans une nouvelle phase. Dès li"}"), Nicole Orbsme, grand-maître du collège de Navarre, évêque de Lisieux, dans un ouvrage resté manuscrit (Traduction et Commentaires des quatre livres du Ciel et du Monde d’Aristote), énonce l’hypothèse de la rotation diurne de la Terre (Duhem, Un précurseur français de Copernic, dans la Revue générale des Sciences, 15 novembre 1909). Dans le système de Copernic, le Soleil est au centre du Monde ; toutes les

planètes, y compris la Terre, décrivent, d’un mouvement uniforme, des circonférences ayant leurs centres au centre du Soleil ; la Terre tourne sur elle-même autour d’un axe de direction lixe. Le mouvement héliocentrique de chaque planète est alors déilni par le plan de la circonférence décrite, son rayon, et la vitesse angulaire. On en déduit le mouvement géocentrique compliqué, que le système de Ptolémée délinissait directement.

En présence de ce nouveau système, trois courants d’idées se dessinent dans la philosophie scientilique. Les idées que nous avons vues triompher à l’Université de Paris s’appliquent à ce nouveau système exactement comme à l’ancien ; c’est un ensemble de suppositions rendant plus simple l’explication des phénomènes. Ainsi pensait l’éditeur de Copernic, HossMANN (Osiander), et la plupart des astronomes jusqu’à la fin du xvi° siècle (Duhem, Théorie physique, p.’j7-io4). Ainsi pensaient les astronomes pontificaux de la Commission pour la réforme du Calendrier, qui utilisaient dans leurs calculs les « Tabulae prutenicæ », tables astronomiques construites, en 1551, d’après le système de Copernic, par Erasme Reinhold, à Wittemberg (Duiiem, Théorie physique, p, 108). Cette manière de voir semble se retrouver, au moment du procès de Galilée, chez le cardinal BBLLARMiN, danssaletlreauP. Foscarini, 12 avril 1615 (citée par Domenico Berti dans son Copernicoe le Vicende del Sistema copernicano in Italia, p. 1211 25), et chez le cardinal Mafi’eo Barberini, plus tard Urbain Vlll, dans son entretien avec Galilée, rapporté par le cardinal Orbgio (Philosophicum Præludium, p. 1 19).

Mais bientôt se développe un courant réaliste en faveur de la vérité objective des hjpothèses de Copernic, et, par réaction, un courant réaliste en faveur des hypothèses de Ptolémée. Dans un camp comme dans l’autre, l’eflort se porte sur l’étude critique des hj’pothèses fondamentales, étude faite à la double lumière des principes d’une physique bien douteuse et des textes de l’Ecriture sainte. Copernic lui-même, dans sa dédicace au pape Paul 111, semble bien présenter son système comme conforme à la nature des choses. En conséquence d’un principe a priori, dernier vestige de la physique péripatéticienne, il n’introduit que des mouvements parfaits, c’est-à-dire circulaires et uniformes. En tout cas, c’est bien la vérité objective du sjstème que défendent, par des arguments philosophiques et théologiques, Rheticus (De libris JRevolutionum… Copernici… Aarratio prima, Genadi, 1540), Giordano BRUNo(£e Opereitaliane, ol.l, p. 150-152), Kepler (Mysterium cosmngraphicum, Epitome Astronomiae Copernicanae), et enfin Galilke. De l’autre côté nous voyons Georges Hohst de Torgau, qui enseignait à Wittemberg en 1604 (Duhem, Théorie physique, p. 116), Galilée, au début de sa carrière (Traité de Cosmographie, 1606), le P. Clavius, jésuite, qui attribue au système de Ptolémée au moins une probabilité objective (//( Sphneram Joannis de Sacro Jioseo Commentarius, p. 4>6-442). Beaucoup, sans pour cela rien affirmer du système de Ptolémée, tiennent, au nom de la raison et de la foi, le système de Copernic pour objectivement faux ; ainsi les théologiens protestants, tels que Mklanchton (Initia doctrinæ physicae, Wittemberg, 1550) ; ainsi les ; juges des deux procès de Galilée de 1616 et de 1633 (voir article Galilée).

De cet exposé des systèmes astronomiques au Moyen Age, il paraît résulter que le grand obstacle au développement de la science astronomique fut la singulière persistance des principes de la physique péripatéticienne, ou, d’une façon plus précise, de