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MOÏSE ET JOSUÉ


de ces textes poétiques à celles que peuvent fournir des récits circonstanciés.

188. — f) Or, bien que moins nombreux pour cette partie du voyage, ces textes existent. Nous avons d’abord le récit de JE dont il serait peut-être imprudent de vouloir séparer les éléments. Il nous fournit les étapes : désert de Sur (Ex., xv, aa), Marah (Ex., XV, 23), Elim{Ex., Ti, 27)', liaphidim{Ex., xvir, 8). Cet itinéraire nous reporte vers le Sud de la péninsule. Qu’on l’identilie avec le nâdi Gharandel on avec l’oasis de Tor, la palmeraie d’Eliiu témoigne en ce sens ; on n’en rencontre pas de pareille sur le chemin qui mène directement de la mer Rouge à Cadès. Des critiques prétendent que le récit du combat contre Amaîec n’est pas à sa place, qu’il se rattache au cycle de Cadès, que le nom de Raphidim y a été ajouté après coup et sous l’inlluence de P (cf. Ex., xvii, i). L’argumentation ne nous paraît pas décisive. Il est vrai que le centre des Amalécites était dans le négéb, non loin de Cadès ; mais on n’est pas autorisé à nier qu’ils ne lissent des razzias dans le Sud de la péninsule, qu’ils ne s’y trouvassent un peu chez eux ; la venue d’un groupe d'émigrants qui leurdisputeraient leurs ressources était de nature à les inquiéter et à leur faire prendre une altitude hostile. On remarquera que le défaut général des opinions que nous étudions provient de ce que leurs auteurs, se conlinant dans la critique littéraire, ne se préoccupent pas assez d’en contrôler les résultats par les réalités objectives. M. Wbill, par exemple, tient un tel contrôle pour une faiblesse'. — (/)Soit au cours des récits de l’Exode et des Nombres, soit dans la grande table de Nain., xxxiii, attribuée à une couche secondaire, le Code sacerdotal, reconnaissable à son slyle très caractéristique, nous fournit les stations suivantes : le désert [Etham] (Nuni., xxxni, 8) ; Marah (Num., xxxiii, SI") ; Elim (Num., xxxiii, 9) ; campement près de la mer Rouge (Num., xxxiii, 10) ; désert de Sin, qui est entre Elim et le Sinaï (Ex., xvi, i ; Num., xxxiii, 1 1) ; campements indiqués par Yahweli (Ex., xvii, 1), qui sont Duplica et.4tus(iVum., xxxiii, 12, 13), Kapilidim (Ex., xvii, i ; Num., xxxiir, i/|), désert du Sinaï (Ex., xix, 1, 2 ; Num., xxxiii, 15). Avec les stations de Mara et d’Elim, cet itinéraire nous ramène, comme celui de E, vers le Sud de la péninsule ; la mention du campement près de la mer Rouge, que l’on peut maintenir malgré certaines difficultés de critique textuelle, prouve que, sur le chemin, on retrouve la côte orientale du golfe de Suez. — e) Nous n’avons pas de raisons de nous attarder ici à l’identiQcation des stations 3. Notons qu’on fait d’ordinaire coïncider le désert de Sin avec la plaine maritime de 'Ain.Markha. Mais, tandis qu’on plaçait volontiers Raphidim à Voasis de Férân, des auteurs aussi compétents que le P. Lagrange songeraient plutôt au Debbet er-Hamleh, au pied du Djébél et-Tih. Les derniers détails de l’itinéraire sont modifiés en conséquence.

186. — f) En toute hypothèse, on arrive au Sinaï. C’est une question secondaire, en comparaison de celles que nous avons abordées, que de savoir s’il faut identilier la montagne avec le Serbâl ou avec le Djébél Mùsà. Nous n’entreprendrons pas de discussion à ce sujet. Les arguments d’ordre purement topographique ne permettent pas de résoudre le

1. C’est une idée assez particulière a Steuernagel que de rattacher Ex., xv, 27 à P.

2. Cf. Le séjour, p. 22, 23.

3. On peut lire à ce sujet tous les commentaires, à quelque école qu’il » appartiennent. Cf. aussi Fr. M.-J. L.vCKA.XŒ, L’itinéraire des Israélites du pays de Gessea aux bords du Jourdain, 1° article, dans lleiue Biblique, l’JOO. p. 63-86. 1 >

Tome m.

problème. De part et d’autre, on a des sommets imposants, dignes de servir de piédestal à Yahweh ; de part et d’autre, on a des emplacements (plaine er-Iiàha au pied du Djébél Mùsà : wâdi 'Aleyât et wâdi Férân au pied du Serbâl) favorables à un campement considérable et prolongé. Les documents historiques tendent à prouver, au dire de bons juges, que les traditions anciennes sont en faveur du Djébél Mùsà ; l’antiquité voyait dans les environs du Serbâl le site de Raphidim et le lieu du combat avec Amalec'.

187. — g) D’après les évaluations du Code sacerdotal (et. Ex., XIX, I et.V « m., x, 1 1), le séjourauSinaï dura près d’un an. De toutes les étapes du voyage, ce fut de beaucoup la principale. Il nous sullira de résumer ici ce que nous en avons dit ailleurs (cf. Ji’iF (Peuple) dans Dict. Apolog. de la foi catholique, tome II, col. 1565 à 1651). C’est au Sinaï que, dans son premier voyage, Moïse était entré en relation avec Yahweh ; c’est là qu'à son tour le peuple participa à la manifestation de la majesté divine. Une alliance fut solennellement contractée entre les tribus et Yahweh. D’ailleurs les tribus qui se rattachaient à la famille de Jacob n'étaient pas seules en présence. Lorsqu’elles avaient quitté l’Egypte, une multitude bigarrée s'était attachée à elles (Ex., xii, 38, J) ; on y voyait sans doute des descendants d'.-Vsia tiques, immigrés ou prisonniers de guerre, établis en Gessen comme les Israélites ; il pouvait y avoir aussi des Egyptiens. Ailleurs on parle du ramassis de peuple qui était au milieu d’Israël (Num., XI, 4> J). Or l’alliance conclue avec Yahweh devait avoir pour complément l’union intime de ces divers éléments en une fédération, disons mieux, en une nation. De la permanence de cette union le gage serait avant tout la permanence de l’alliance avec la divinité ; il fallait que les événements qui se déroulaient eussent un grand éclat et une grande pussance pour que leur inlluence et leur souvenir puissent sulhre à grouper, malgré certains heurts et certaines dissensions, des éléments aussi disparates. — h) Aussi bien avait-on posé la base d’institutions destinées à perpétuer les effets de ces grandes théoplianies. De là la première ébauche de la législation sociale qui allait régir le nouveau peuple ; de là la première organisation de la vie religieuse, dorainéepar la personnalité de Yahweh, Dieu unique, jaloux et moral ; la première réglementation du culte autour d’un sanctuaire portatif qui abritait l’arche ; la première institution d’un sacerdoce et la reconnaissance du privilège de la tribu de Lévi. — Bref, les lils de Jacob étaient arrivés au Sinaï à l'état de dans qui avaient conscience de leur parenté, mais poursuivaient encore chacun leur voie propre ; ils en devaient partir en forme de peuple 2.

188. — E. Cadès. — a) Les documents présentent de nouveau des difficultés, quoique d’un ordre plus secondaire ; les uns sont fragmentaires à l’excès ; d’autres ont subi de sérieux bouleversements. JE, dans lequel nous hésitons toujours à opérer des dissections, fournit les données suivantes : départ de la montagne de Yahueh (Num., x, 33), marche de trois jours en vue de trouver un lieu de repos ((61rf.) ; il n’est nullement dit ni insinué que cette marche conduise à Cadès et elle est d’ailleurs topographiquement insuffisante. Il est tout naturel de penser qu’elle mène à la station iminédiateiiient mentionnée dans la suite, ou à une station dont le nom aurait

1. Cf. Fr. M.-J. Lagra.ngf, Le Sinai l>ibliqut dans Revut Biblique, 1899, p. 369-392, surtout p. 389-392.

2. Cf. les commentaires et Fr. M.-J. Lacramge, L’itinéraire…, 2* article, dans Revue Biblique, 1900 p 273280. '^'

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