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MOÏSE ET JOSUÉ

[Num., xiv, 31 [E ?], 34 [P.’J), laque semblent se produire les incidents et se développer les législations dont il est question Num., xv-xix. Néanmoins c est seulement avec I’um, XX, la-x (P) que nous voyons les Israélites arriver au désert de Sin dans le premier mois, que nous apprenons {.Vk/h., xis, la ?i>, E) que le peuple séjcuirna i Oadès et que Mûrie, sœur de Moïse, y mourut. Suit (jVk/ «., xx, 2-13, E et P) le miracle des eaux de Méribah. Après quoi se préparent les étapes qui de Gadès conduiront Israël dans les plaines de Moab, — f) On ne saurait dissimuler les heurts que produisent en ces récits la juxtaposition et la combinaison des divers documents. Mais il est deux points d’une absolue certitude. Dans les récits actuels, les Israélite » n’arrivent à Cadès qu’après être passés au Sinaï. D’autre part, le Sinaï se trouve dans la partie méridionale et montagneuse de la péninsule. — g) Jusqu’à ces derniers temps, aucun doute ne s’était élevé sur les grandes lignes de cet itinéraire. On discutait seuleoient au sujet d’identifications locales parfois très difficiles ; on se demandait si, dans le massif méridional, c’était le Serbdloue Dj’ébcl Miisa ou le Safsâf qui avaient servi de marcbcpied à Yahweh. Mais des opinions se sont récemment produites auxquelles il nous faut prêter quelque attention.

l’78. — B. Les opinions des critiques. — C’est une idée à peu prés courante dans l’école de Well-BAUSBN, que les Israélites sont allés directement de l’Egypte à Gadès sans passer par le Sud de la péninsule sinaïlique. — a) Un argument d’ensemble domine cette théorie. C’est que, dans le cas où les fils de Jacob quittaient l’Egypte pour s’acheminer vers la Palestine, telle était, à défaut du chemin de la côte méditerranéenne, la voie normale pour s’approcher de la frontière à conquérir. C’est que tel était aussi l’itinéraire tout indique au cas où, sans un but ultérieur, les Israélites eussent simplement voulu échapper à la servitude, regagner le désert, c’est-à-dire peut-être leur point de départ et leur séjour primitif. Le détour par le massif méridional ne correspond à aucun itinéraire rationnel. — b) Du voyage conduisant directement les émigrants de l’Egypte à Cadès, les critiques prétendent retrouver les traces dans les récits eux-mêmes. D’après Ex., iii, 18, E [ ?], Yahweh, du milieu du buisson, invite Moïse à demander au pharaDU la permission de faire, à la tête des Hébreux, un voyage de irais jours pour aller sacrifier à l’endroit même de l’apparition. De fait (Ex., v, 3, J), Moïse présente cette requête au roi qui refuse de l’accueillir. Mais, à la suite du passage de la mer Rouge, on voit les Israélites marcher trois jours dans un pays sans eau, c’est-à-dire dans le désert (Ex.,

XV, 22*’, JE). Cette indication a pour suite Ex., xvii, i(JE), qui de nouveau nous remet dans un désert sans eau. C’est alors que prend place le miracle de la source de Massah-Méribah (Ex.. xvii, 2^--j, JE). Ce miracle serait identique à celui de la source de Méribah qui est racoi.té A’um., xx, 2-13 (i" », 3^, 5, gaab.^ g*, iiaby^ de E ; le reste de P) et explicitement localisé à Cadès. — c) Nous aurions donc déjà un doublet. Il y en a d’autres : celui de la manne (Ex.,

XVI, 2-36, et Num., xi, ! -çj), celui de l’adjonction des anciens à Moïse pour le jugement et le gouvernement du peuple (Ex., xviii, 13-26 [E]et Num., xi, lo25 [J, sauf 1 1*, 12, 14, 16, 17, a4*, a5, qui se rattachent à Ej). Il est clair que ces doublets ne se rapportent en chaque cas qu’à un seul et même événement, que tantôt les documents primitifs (J, E, P ; ila pour la manne et les anciens), tantôt les rédacteurs (RJE ; les eaux de Cadès) ont placé en des contextes et en des cadres locaux différents. Dans les deux hypothèses, ces doublets attestent des variations touchant l’itinéraire des Hébreux au désert.

173. — d) Le premier itinéraire conduisait directement les Israélites à Cadès (Wellhausen’, Bernard

l.Cf. J. W’ellhaushn, hrælitische…, p. 13-14 ; Prolegomena zur Geschichte Iiræls, 3 » éd., 1899, p. 357-359.

Stadb’, Bruno Bæntsch^, Edouard Meyeh-’). C’ctail celui de J’que M. Raymond Weill’, par exemple, reconstruit comme il suit : E.r, , xv, 22 (en ajoutant : et ils arrivèrent à Cadès) ; Num., xx, 1 » " ; Ex., xvii, ib ?, 2 » « [= Num., XX, S""], aa.-’J, b^, ù^, jab » ; XV, 25 : Après trois jours de traversée dans un désert sans eau, on arrive à Cadès. Ici non plus il n’y a pas d’eau ; le peuple s’en prend à Moïse qui leur en procure par une opération miraculeuse dont le détail a disparu des éléments de J’qui nous ont été conservés ; on donne à l’endroit, à la source, les noms symboliques de Massah et Méribah. Le peuple lit à Gadès un long séjour pendant lequel Yahweh, en même temps qu’il l’éprouvait, lui donnait une législation. Cadès apparaît ainsi comme un sanctuaire ; qu’auparavant il fût, ou non, consacré à un autre dieu, il est considéré, au temps de Moïse, comme le sanctuaire de Yahweh. Moïse en est le prêtre. En effet, Gadès n’est autre chose que le sanctuaire du buisson ardent de J. Par sa lutte avec Yahweh (Ex., IV, 24-26), Moïse a acquis des droits sur ce lieu dont la vision (éléments de J dans Ex., iii, 2-6) lui a révélé le caractère sacré s.

174. — e)Mais, bien que sans rapport avec la législation, le Sinaï avait sa place dans la tradition primitive (Wellhausen f"). Gadès n’était qu’un sanctuaire secondaire, le pied à terre de Yahweh pour ses relations avec son peuple ; la demeure f’ivine véritable, c’était la montagne sainte, le Sinaï. Cette subordination de Cadès par rapport au Sinaï a trouvé son expression dans la relation établie entre Moïse, prêtre de Cadès, et le prêtre de Madian ou du Sinaï, son beau-père (Weill’). — /) Dans J’, c’était Yahweh qui, du Sinaï, venait à Gadès 8. Déjà toutefois on trouve dans le Yalnviste des traits qui nous montrent le peuple à la montagne sainte (Ex., xix, 18, 20, à lire 20= » -(- 18-)- 20). Il faut donc admettre que J2 conduisait les Israélites au Sinaï ; mais tout porte à croire que le voyage était intercalé dans le séjour^ Cadès. Il va de soi que, du moment où les fils de Jacob allaient au séjour principal de la divinité, le prestige de ce dernier allait nuire au sanctuaire secondaire. D’une part, l’œuvre législative allait être rapprochée de la montagne sainte ; de l’autre, le séjour propre de la divinité tendrait à devenir le but du voyage’.

175. — g) On admet assez volontiers chez ces critiques que VElohiste est plus récent que J-, bien plus, qu’il s’en est inspiré. Or tandis que, dans J, Yahweh donne rendez-vous au buisson, autrement dit à Cadès (Ex., ii, 18), c’est à sa montagne, à l’Horeb, que, dans E, Dieu appelle les Israélites (Ex., iii, 1, 12). Par

1. Cf. B. Stade, Geschichte…, 1, p. 129-134 ; Die Enlstrhung des Vol/ces fsrnel, p. 12 8V. ; Stade, au moins dans son Histoire (cf. p. 132, note 2), se défend de rodierchcile véritable emplacement du Sinaï. Mais les allées et venues des tribus ont pour théâtre le Nord de la péninsule, même jusqu’au Musiir.

2. Cf. Bruno Bæntsch, Exodus-Leviticns-Numeri l’iberseizt und erhîàrt (dans Uandhomnientar zurn AUen Te.’?(o~ ment, de W. Nowack), p. 139 (cf. p. l’i, 18, etc.).

3. Cf. Ed.MiïTEii et Luther, Die hrælilen…, p. (ÎO-VI.

4. Cf. Raymond Wfill, Le séjintr des Israélttes au désert et le Sinaï dans la relation primitlee, V ri’oltiiiùn du texte bibUcjue et la tradition c/iristiano-nwderne, p. fJ9-77.

5. Cf. R. Weill, Le séjour …, ç..56-r, 9 ; Ed. Mfter et U. Luther, Die Isræliten…, p. 62 et 3-fi. 56-59.

6. Cf. J. Wellhausen, Isrætitische…, p. 13-14. On notera d’ailleurs que, contrairement à R. Weill, J. Wellhausen identifie le Buisson avec le Sinaï.

7. Le séjour…, p. 77-89. Cf. Ed. Meyek, Die Isræliten. .., p

8. Cf. J. Wellhausen, Isrælitische…, p. 14, note I. — Prnlegomena…, p. 349 (où il allègue Deut., xixiii, 2).

9. Cf. R. Whill, te séjour.., p. 89-94.