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MOÏSE ET JOSUE

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ces exemples et dans la plupart de ceux que l’on pourrait alléguer, ou bien l’on n’a que le seul mot .}Iisraïm, oii bien l’on manque de détails circonstanciés. Tout autres sont les récits de l’exode. Ici, tout est précis et les détails concrets abondent qui nous ramènent dans la vallée du Nil et au royaume des pharaons. Les données sont à ce point déterminées que, non sans vraisemblance, on en a pu prendre argument pour établir que les récits ont été composés à répoque même des événements qu’ils racontent. Si donc il y avait ici confusion, il faudrait reconnaître que non seulement on a perdu le souvenir du Miisur, que non seulement on lui a substitué un autre nom, mais encore qu’on a élaboré une conception géographique et historique qui nous en écarte complètement. Or il est impossible d’assigner une date compatible avec une pareille transformation. Ce ne peut être évidemment celle des événements eux-mêmes et il est à propos de se rappeler que les tenants de cette hypothèse ramènent volontiers jusqu’au temps des Juges et de David l'époque à laquelle les Judéens et leurs alliés ont quitté le r)égéb pour venir habiter larégiond’Hébron. Apartirde David, les confusions, qui auraient été à la rigueur possibles durant la période obscure qui suivit Moise, deviennent de plus en plus difficiles à imaginer. Le Miisur prend dans l’histoire une place de plus en plus grande précisément jusqu'à ces dixième-huitième siècles, au cours desquels les critiques placent la composition du Yaht' isie et de VElohiste. D’autre part, il faut faire disparaître le nom de l’Egypte et le souvenir des épisodes qui s’y rattachent, non seulement diiPetiiateuqiie, mais encore de nombreux textes prophétiques dans lesquels on les rencontre (cf. Jni., ii, lo ; ni, i ; iv, lo ; v, a5, 26 ; ix, 7 ; Os., 11, 16, 17 [Vulg. 14, 15] ; XI, I, 2 ; XII, 10, 14 ; XIII, /t-6 ; etc.). L’opération réussit toujours, mais au préjudice des procédés et méthodes que l’on y met en œuvre. Il faut donc retenir que les Israélites sont allés dans le véritable pays de Misraïm, c’est-à-dire dans le royaume des pharaons.

134. — B. Mais les fils de Jacob r sniit-ils tous allés.' — a) Il est encore des critiques qui font à cette question une réponse alTirmative. E. Renan' admettait que l’immigration des Beni-Isracl s'était faite en deux coups. Le premier groupe, celui qu’on devait appeler le clan des Joséfel on les Beni-Josepli, devait toujours, à raison de ses initiatives, garder vis-à-vis de ses frères des airs de supériorité ; il apparaît comme doué d’une culture supérieure. Etablis en Egyple ou plus exactement dans les environs de San, au pays de Gessen, les Joséphites s’j- développent. Mais, loin d’oublier leurs frères, ils les appellent près d’eux, peut-être à l’occasion d’une famine ; bientôt tous les Beni-Jacob sont dans l’empire des pharaons. On lit de même sous la plume de C. Piepenbring - :

« Nous pensons… que les ancêtres d’Israël ont réellement fait un séjour en Egypte, qu’ils y ont été opprimés, qu’ils ont réussi à secouer ce joug… Nous

croyons historiques le séjour des Israélites et leur oppression en Egypte, parce que la délivrance de la servitude d’Egypte est le fait capital de toute l’ancienne histoire d’Israël, comme l’attestent, non seulement les légendes de VExode, mais encore d’autres passages nombreux et, en partie, fort dignes de foi. De là nous pouvons conclure que les récits de la Genèse qui se rapportent à Joseph reposent sur un fonds historique… Une tribu…, après avoir souffert

1. Cf. Ernest Renan, ///5/0/rtf du peupie d’Israël, tome I, surtout cliap. x. Les Ileni-lsraî-I en Egypte.

2. Cf. C. PiEPENBRi.'SG, Histoire du peuple d’Israël, p. l’i-15.

de la malveillance d’autres tribus parentes, a immigré dans ce pays et y a prospéré ; [elle] fut rejointe là par des tribus sœurs, leur accorda sa protection e) acquit ainsi sur elles la suprématie. » Cari Cornill professe des idées sensiblement analogues.

155. — ^) Il y aurait plus d’une critique de délai à faire sur la manière dont ces théories sont présen tées ; au moins sauvegarilent-elles la substance de données bibliques. Il en va tout autrement avec le : systèmes dont nous avons à parler. Beaucoup d’his toriens d’Israël n’admettent aujourd’hui le séjour ei Egypte que pour un groupe de tribus. On remarquer ; d’ailleurs que, parmi ces dernières, celles qui se rat tachent aux servantes Bala et Zelpha n’attirent qui secondairement l’attention. Volontiers on les traiti comme étant à l’origine plus ou moins contaminée par le sang étranger (Wkllhausbn-) ; volontiers 01 les regarderait comme des tribus cananéennes, con quises d’abord, puis assimilées par Israël. Au rcgan de Wellhausen^, le long séjour en Egypte pourrait n convenir qu'à la tribu de Joseph. La tribu de Benjs min, pareillement rattachée à Rachel, aurait pri naissance en Canaan, mais seulement après l’immi gration ; tel serait le sens de l'épisode raconté Gen XXXV, 16-20. Quant aux tribus dérivées de Li (Ruben, Siniéon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon), i n’est pas sur qu’elles soient allées en Gessen ; il es fort possible que ce soit de leur séjour oriental (d Musrii) qu’elles aient tendu la main aux Cls d Rachel, avec lesquels elles auraient ensuite contracl les liens de l’unité future. Le voyage (d’après la Bible le retour) de Moïse du pays de Madian en Egypt (, Ex., IV, 18-31 ; cf. II, 15-j2) trouverait en cette hypt thèse une explication facile. Comme on s’en douti c’est le rôle fait à Joseph dans la Genèse (Gen xxxvii-l) qui sert de base au système de Wellhausen d’autre part, la théorie expliquerait et les prêtez tiens des tribus descendant de Lia à un âge plu avancé et celles de Ruben à l’hégémonie. Enfin toute ces vues sont dominées par un postulat ; l’unité di tribus ne remonte pas aux origines du peuple d’I raël. Wellhausen toutefois la regarde comme ant rieure à la conquête de la Palestine propremei dite.

156. — c) Le même postulat est à la base du sy tème de Bernard Stade '.Mais, d’après lui, ce sont li tribus issues de Lia qui se sont établies dans le dése de Gessen et qui ont connu les années de servitud En revanche, celles qu’il faut rechercher au Sud d négéb, ce sont celles que l’on présente comme issui de Rachel ; elles y vivaient en union intime avec h bédouins madianiles, formant avec eux une sorte ( confédération et honorant le même Dieu. C’est pri d’elles que Moïse, échappé d’Egypte, s’est réfugic’est dans le négéb qu’il a eu la vision de Yahwe c’est de là qu’il est retourné en Egypte proclamer, a nom de son nouveau Dieu, la délivrance de se peuple ; c’est là qu’il est revenu à la lëte de ce de nier ; c’est là, autour de Cadès, que s’est réalise l’union nationale. B. Stade paraît préoccupé, € énonçant cette théorie, de tenir compte des liei qui unissent Moïse avec l’Egypte et de ceux qui rattachent à la tribu de Lévi (issue de Lia).

157. — </) Une autre théorie, qui gagne aujou d’hui de la faveur, est beaucoup plus radicale. a) Nous rentrons en contact avec les idées chères

1. Cf. Cari HeinrichCoKMLL, Getehichle des Volkeshrai p. 39-40.

2. Cf. J. WELLiiAL’StN, Isrælitische und jiidische Ge chichte, ô* éd., p. 16.

3. Ibid.

4. Cf. B. Stade, Die Entstehung des Volkes Israël, 3 « ée p. 10-13.