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MOÏSE ET JOSUÉ

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de Gen., x. Or, bien que neltement asiatique par son origine et son territoire, Canaan est dans cette liste associé à trois groupes africains, Kiii, Misraim et J’iil, comme descendant de Jfam (Geii., x, 6). On en peut sans doute conclure qu’au moment où le catalogue a été dressé, Canaan se mouvait dans l’orbite de la grande puissance africaine, était en dépendance de l’Egypte. Les liens étaient, nous le verrons, des plus lâches. — l>) Il est vrai que nous n’avons, pour la période patriarcale, que des renseignements très maigres et très vagues. La facilité avec laquelle les ancêtres d’isracl passent en Egypte montre que les Asiatiques de la côte regardent toujours volontiers du côté de la vallée du Nil. D’autre part, la liberté avec laquelle les petites nations, Moab, Ammon, Edom, peuvent s’organiser, permet de ]ionser que les pharaons n’ont ou n’exercent, en dehors de leurs frontières naturelles, qu’une autorité limitée. Pour ce qui concerne le Canaan proprement dit, les patriarches n’ont que rarement alîaire avec ces principicules qui auront bientôt une grande importance, mais dont, pour le moment, le rôle paraît effacé. Chodorlabomor en frappe cinq au Sud de la mer Morte, donc hors de Canaan (Cen., XIV, 8). Le roi de Gérare est pareillement en dehors delà frontière du pays ; d’ailleurs les affaires qu’il traite avec Aiiraham et Isaac sont d’ordre essentiellement local (Gen., xx, xxi ; xxvi). Le seul prince vraiment cananéen avec lequel les patriarches aient affaire est Melcbisédecli de Salem (Jérusalem ?) ; mais sa démarche n’a, semble-t-il, rien qui puisse intéresser son suzerain (Gen., xiv, 1^-20).

J39. — c) Des renseignements précis nous sont fournis par le livre de Justié et le récit de la conquête. Au moment où les Israélites envahissent le pays, Canaan apparaît comme divisé en une multitude de

« royaumes ». La liste des rois vaincus (^os., xii, 9-2^)

en mentionne trente et un. Il est à croire qu’elle n’est pas exhaustive ; rien ne démontre, en effet, que tous les souverains du pays se soient levés contre les Hébreux ou aient été frappés par eux. De l’étendue du territoire de ces principicules on peut se faire une idée quand on voit un roi de Haï à côté d’un roi de Béthel, un roi de Debir à côté d’un roi d’Hébron, un roi de Lachis à côté d’un roi d’Eglon ; quelques kilomètres séparent parfois une capitale de sa voisine. — d) Non moins que par le nombre de ces

« royaumes » et par l’exiguïté de leur territoire, on

est frapjié par leur indépendance réciproque. Aucun lien ne paraît les rattaclier ; ni l’autorité prédominante de l’un d’entre eux ne les groupe, ni, semblet-il, l’influence d’une suprématie étrangère. On nous dit bien qu’à la nouvelle de l’arrivée des Israélites et du passage du Jourdain, tous les rois des Amorrhéens et des Cananéens sont atterrés et perdent courage (./ys., v, i ; cf. II, 9-1 3). Mais on ne les voit pas, dès le début, tenter un essai de résistance commune et coordonnée. Les rois de Jéricho (Jos., vi), de Haï (Jos., VII, VIII ; cf., pour Béthel, JucL, i, 22-26) sont seuls en présence d’un ennemi qui est pourtant l’ennemi commun. Sans doute, deux coalitions se forment ensuite, celle des rois du Midi (.los., x) et celle des rois du Nord (705., xi). Mais, d’une part, ni Adonisédec de Jérusalem, ni Jabin d’Asor n’agissent comme ayant une suprématie quelconque sur ceux qui les entourent ; ils usent simplement du prestige que leur assure leur situation et l’importance de leur capitale. D’autre part, leur action apparaît restreinte. Le roi de Jérusalem, à propos duquel les données sont plus concrètes, ne groupe que quatre rois, ceux d’Hébron, de Yarmuth, de Lachis, d’Eglon (Jus., i, 3). Ni celui de Libna (los., X, 29, 30), ni celui de Debir (los., x, 38, io) ne

faisaient partie de l’alliance ; quant à celui de Gézer, il s’est ravisé après coup, pour venir porter secours au roi de Lachis (Jos., x, 33). — e) Nous nous trouvons donc en présence d’une sorte de féodalité, d’un agrégat de princes qui traitent sur un pied d’égalité et ne reconnaissent aucune suprématie locale. Us ne semblent guère non plus se préoccuper de la suprématie égyptienne ; ni ils ne consultent les pharaons sur leurs mouvements, ni ils n’implorent leurs secours. L’Egypte est loin et, au moment où son prestige est menacé, elle n’a pas l’air de songer à le dél’endre. De nouveau nous sommes en présence d’un grand morcellement, d’un véritable émiettement de territoire ; la situation politique complète, à cet égard, l’oeuvre de la multiplicité des races. On peut ajouter que cet état de Canaan facilitera singulièrement la conquête.

4 " Les données bibliques et les documents étrangers

140. — De la consultation biblique qui précède, il faut tirer une double conséquence : — a) Les renseignements que nous avons groupés ne sont en aucune manière extraits d’un tableau d’ensemble de la migration Israélite. Tout au contraire, ils sont pris à droite et à gauche, empruntés à des contextes très multiples. On ne saurait donc être surpris de relever assez fréquemment des discordances de détail. Elles témoignent de la variété des sources auxquelles nous avons puisé et du respect avec lequel les rédacteurs en ont conservé les particularités. — h) Ce qui, toutefois, est beaucoup plus frappant, c’est l’accord général de tous ces éléments pour nous fournir, de la période et du milieu auxquels nous nous intéressons, un tableau à la fois très compréhensif et très nuancé. Cette constatation a déjà par elle-même une grande valeur apologétique. Un pareil tableau présente, en efl’et, toutes les chances d’être conforme à la réalité. Dès lors, il faut se refuser à regarder les documents sur lesquels il repose comme de plusieurs siècles postérieurs à l’époque qu’ils décrivent’. A i)lusieurs siècles de distance, on ne saurait répandre, au travers d’une œuvre disparate, une i)areille série de détails concrets, parfois minimes, qui aboutiraient à former d’une période ancienne une peinture parfaitement cohérente et, en plusieurs endroits, très délicatement nuancée. La tradition orale est, de son côté, impuissante à conserver à l’état dispersé des éléments qui puissent se réunir en un tout aussi harmonique. Sans doute les canaux par lesquels ces renseignements nous parviennent peuvent être très divers, les dates où ils ont pris leurs formes propres peuvent être, elles aussi, fort variées. Mais ils dérivent tous d’un même courant dont la source remonte à l’époque et aux événements qu’ils illustrent. La comparaison de ces données avec celles des documents étrangers ne fera qu’accentuer ces conclusions.

141. — 1’Les données de l’archéologie palestinienne ^.— ha plupart des documents de l’archéoiogie palestinienne sont anépigrai)hes ; on ne saurait donc y rechercher des données d’une trop grande précision technique et surtout chronologique. Ils ont toutefois leur langage, que tiennent, chaque groupe à sa manière, les poteries, les restes de mobilier, les bibelots, le matériel funéraire, le matériel cultuel ; la place que ces éléments occupent dans les couches superposées, telle ou telle inscription qui, à un étage

1. C’est suitout l’époque mosaïque que nous avons en

TUP.

2. Cf. P. Hugues Vincent, Canaan d’après l’rrploralion récente, surtout le chap. TU, Canaan dan » l’histoire générale.