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MOÏSE ET JOSUE

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— à) En premier lieu, on n’est pas forcé d’admettre une telle rédaction de l’ouvrage entier qu’il faille dire que Moïse a écrit ou dicté à des copistes tous et chacun des détails. En d’aulres termes, nous ne sommes pas tenus de souscrire à la thèse de l’unité absolue d’auteur, même pour les parties qui remontent à l'époque mosaïque. — b) On peut admettre des documents. Moïse a pu recourir, en effet, au ministère d’un ou plusieurs secrétaires. Leur activité est ainsi déterminée : Ce n’est pas à eux qu’il faut attribuer le projet, la pensée, le plan de l'œuvre ; celle-ci a été conçue par Moïse lui-même, sous le souflle de l’inspiration divine. Les secrétaires ont eu mission de l'écrire et de l’exécuter, de façon toutefois à rendre (idèlement les pensées de Moïse, sans rien écrire ni omettre contrairement à sa volonté. Ainsi composée, l'œuvre a été approuvée par Moïse, que l’on doit considérer comme son principal auteur inspiré, elle a été publiée sous son propre nom.

74. — c) Il est intéressant d’euvisayer ces décisions dans leurs rapports avec les assertions des critiques. On remarquera qu’il s’agit d’un ou de plusieurs secrétaires ; le nombre n’en est pas limité. Hien n’est dit non plus touchant la part de travail qui leur fut assignée. Rien n’indique, par exemple, qu’il s’agit de secrétaires successifs, dont l’un aurait été au service de Moïse depuis la sortie d’Egypte jusqu’au Sinaï, un autre à Cadcs, un autre dans les plaines de Moab. On n’est pas davantage invité à penser que chacun de ces secrétaires n’a eu à s’occuper que d’une partie de l'œuvre mosaïque, que l’un ait été chargé de la Genèse, un autre de l’histoire du séjour en Egypte et des premières migrations jusqu’au Sinaï, un troisième d’un groupe de législations, et ainsi du reste. On peut fort liien comprendre que les secrétaires, ou au moins plusieurs d’entre eux, aient eu mission de traiter le même sujet : une histoire des origines du monde, des origines du peuple de Dieu, de sa fondation, de sa première organisation. La remarque a son importance. Les memlires de la Coiitmission connaissaient les théories des critiques pour lesquels plusieurs des documents, le YalHiste, VEloliisle, le Code nacerdotal sont des œuvres en grande partie parallèles ; ils savaient que l’hypothèse de plusieurs secrétaires serait facilement et naturellement invoquée comme constituant une explication plus orthodoxe de la thèse des sources. Il leur était facile d’exclure cette interprétation, s’ils avaient voulu le faire.

— d) La Commissionse garde de confondre ces secrétaires avec les simples copistes dont elle parlait dans la première partie de cette deuxième réponse. Les secrétaires ont une mission d'écrire, de composer. Par le fait qu’on présente Moïse comme un auteur principal, on qualiiie les secrétaires d’auteurs, secondaires sans doute, mais d’auteurs véritables.

73. — e) Aussi bien les précisions ne manquentelles pas. De Moïse, qui l’a conçu sous l’inspiration du Saint-Esprit, les secrétaires reçoivent le plan de leur travail : conception générale sans doute, mais avec assez de lignes distinctes pour qu’ils se rendent un compte exact de ce qu’ils ont à faire. On peut même entrevoir ici la raison pour laquelle on suppose ou on admet plusieurs secrétaires. Les critiques ont signalé entre plusieurs des documents, entre le Yaluriste par exemple et le Code sacerdotal, des différences caractéristiques. L’explication en peut être assez simple. Tout en donnant à ses secrétaires le même sujet à traiter, le même plan de travail, les mêmes idées d’ensemble. Moïse a pu suggérer à chacun d’eux des points de vue particuliers. L’un aura été invité à s’en tenir principalement aux récits et aux lois d’une i^orlée plus générale, en un mot à

ce qui intéressera l’ensemble du peuple ; un autre aura eu mission de faire une œuvre idutôt litui’gique, à l’usage du personnel du sanctuaire, dont le point central serait constitué par l’exposé des lois cultuelles, dont le cadre serait fourni par les récits plus spécialement en rapport avec les origines et le développement des institutions religieuses. — f) Une autre explication est sans doute possible. Auteurs secondaires, les secrétaires sont de véritables auteurs et il semble, de ce fait, que les différences dont nous venons de parler puissent être mises à leur compte. L’un d’eux, par exemple, aura pris goût à une histoire populaire ; il aura parlé le langage du peuple, saisi les faits les plus susceptibles d’intéresser le peuple, les racontant de la façon pittoresque et avec les expressions et métaphores qui ont davantage prise sur le peuple. Un autre secrétaire, un liturgiste je suppose, avide de législations cultuelles, de rubriques minutieuses et précises, érudit par ailleurs et aimant à rechercher les origines des usages consacrés par Moïse, réalisera son œuvre d’une tout autre manière. Il fera sa spécialité de tous les règlements qui, d’une manière ou d’une autre, se rattachent au service de l’autel ; dans l’histoire, il s’intéressera à tout ce qui concerne les origines des rites les plus en honneur, il aimera à les voir en vigueur ou au moins en (igure dans le passé, il saisira avec empressement ce qui peut s’y rapporter soit dans les récits concernant les origines, soit dans l’histoire patriarcale, soit dans les événements du désert. — g) Mais des uns et des autres l'œuvre devra demeurer conforme aux intentions de Moïse. Comme garantie de cette conformité, il faut admettre, sans parler d’une surveillance générale, une approbation de l’ouvrage par Moise, ai^probation telle et si complète que l’ouvrage puisse être publié sous son nom, qu’il doive lui être attribué comme à l’auteur principal et inspiré La teneur dvi texte ne permet pas de douter que l’approbation portera, en cette hypothèse, sur l'œuvre de chaque secrétaire, que, par conséquent, l'œuvre de chaque secrétaire devra être attribuée à Moïse et traitée comme inspirée'. Et l’on voit par là quel’inspiration des divers documents est compatible avec les divergences secondaires qu’y peuvent présenter les narrations parallèles des mêmes faits ; ces divergences de détail n’atteignent pas ces traits caractéristiques du fait lui-même qui seuls constituent la matière de l’enseignement de Dieu inspirateur et de Moïse son principal intermédiaire et instrument.

76. — II) Dans toutes ces considérations, nous avons évité de parler du Deutéroiiome. Il ne nous paraît pas, en effet, assimilable aux autres documents. Nous sommes ici en présence d’une œuvre à part et, si Moïse en a confié la rédaction à un secrétaire, celuici ne se trouvait pas dans les mêmes conditions que les précédents ; son œuvre n’est pas parallèle à la leur, mais lui sert de complément. — i) Il y a toutefois une ressemblance entre le Deutéronome et les autres documents. Il faut, en effet, le remarquer :.si le décret parle de l'œuvre de chacun des secrétaires, il ne dit rien, ni explicitement, ni implicitement, du travail rédactionnel qui a abouti à fusionner ensemble ces travaux séparéselàconstituer le Pentaleiique tel que nous l’avons aujourd’hui ; il n’y a pas un mot pour attribuer directement ou indirectement cette activité rédactionnelle à Moïse. Il semble donc qu’ici encore la Coniinissiuti n’ait pas voulu opposer

1. Il va de soi que ce n’est pas l’approbation de Moïse qui crée ou constitue l’inspiration des œuvres composées par ses secrétaires ; elle ne fuit que la reconnaître et la constater.