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MOÏSE ET JOSUÉ


les variantes proprement dil6s (même incident attribué, ici à

Abraham, là à Isaac ; même anecdote localisée, ici à Géraro, là en Egypte). — c) Ces trailitioiis avaient pour la plupart un car.ictère sacré ; elles tendaient : i signaler une action très spéciale de Dieu dans l’histoire des anc^-tres d’Israël, dans la fondation même du peuple et d^ns son établissement en Canaan. — d Ces traditions ont, en outre, un caractère esscntifllement légendaire. Elles ont trait, en eflet, à des faits do plusieurs siècles antérieurs à l’organisation de la nationalité israélite par l’institution de la royauté, c’est-àdire à des faits dont on n’a pu garder le souvenir exact ; elles donnent souvent un reliel cgal à des événoiuents considérables et à des incidents sans importance ; elles multiplient les miracles, les interventions divines et angéliques. Bref elles sont pareilles aux traditions qui existent chez tant de peuples touchant leurs origines, pareilles à toutes les traditions orales et populaires. — e) Ces traditions et légendes sont de diverses sortes. Laissons de côté les mythea^ dont on parle à propos des périodes antérieures à l'àgo mosaïque et même à l'époque patriarcale. — a) Il y a d abord les légendes que l’on pourrait nommer historiques. Elles conservent la substance du fait. Mais elles en modernisent l’aspect, en projetant sur ce fait les particularités des milieux dans lesquels elles sont nées ; les liens assez lâches, par exemple, qui unissaient les tribus à l’origine seront représentés sous une forme qui évoquera l’idée de l’unité nationale réalisée au temps de Salojnon. Elles en idéalisent le contenu, en transformant en miracles les grands événements dans lesquels l’action providentielle était la plus facile à diï^cerner. — /3) Dans les légendes que l’on peut appeler semi-historiques, la substance même du fait est atteinte ; c’est ce qui arrive, par exemple, quand on met au compte d’un héros éponyme les traditions qui concernent les tribus. — y On distingue encore : les légendes étiologiques [y.ixi’x, cause), qui donnent la raison d’un nom, d’une expression populaire, d’une institution, d’un usage ; d’ordinaire elles se rattachent à des légendes plus étendues, appartenant à l’une des catégories précédentes. — 5) Certaines légendes servent de revêtement à une idée reli odieuse : l'épisode du sacrifice d’Isaac (Gen., xxii, i-14 ; E) souligne la substitution des animaux aux premiers-nés de l’homme dans les sacrifices. — e) L’histoire do Joseph enfin nous montre comment certaines légendes finissent par revêtir la forme d’un véritable roman historique'.

33. — B-Le Yahwiste. — a) De nombreux indices marquent que ces traditions ont, en co qui concerne leurs éléments les plus nombreux et les principaux, pris leur furme à l'époque de la royauté indivise, au temps de David et de Salomon. Comme elles revêtent nettement les caractères de traditions orales, leur transmission de bouche en bouche a nécessairement dépassé la date du schisme ; c’est après 9135 '933 j qu’elles auront été fixées par écrit. — b) On s’imagine facilemontque les deux royaumes s intéressèrent à ces traditions d’une origine commune. De fait, chacun d’eux en vit naitre une rédaction. L’histoire, qui tient la place principale en ces deux documents, a le même objet : histoire d Israël et de ses aïeux depuis la création jusqu'à la mort de Moïse (de Josué). Si les premiers extraits de VEÎohiste ne remontent pas au delà de la période patriarcale, ce n’est pas une raison de croire qu’il no renfermait pas primitiv^-ment une section consacrée aux commencements du monde et de l’humanité. — r) Dans les deux documents, cette histoire est envisagée au même point de vue : souligner l’action de Dieu conduisant les événements d’après des plans très précis, formulés dès l’origine eu des prédictions ; triomphant, pour les réaliser, de toutes sortes de difficultés ; faisant ainsi éclater sa puissance, sa souveraineté, sa sainteté. Le plan peut ainsi s’exprimer : Abraham choisi du milieu de l’humanité pour devenir le père d’une nation que Dieu traitera comme son peuple et à laquelle il donnera en héritage la terre de C ; uiaan. Les difficultés à vaincre sont, entre autres, la stérilité de Sara, la migration des patriarches hors de la Terre Promise, l’oppression égyptienne et. d’un autre cuté, les multiples infidélités d’Israël. — d) Dans les deux docu 1. D’une manière générale, M. Lucien Gautier se montre plus réservé dans le jugement qu’il porte sur la crédibilité des traditions qui sont à la base des documents ; il nianifestc).orticulit’rement cette réserve quand il s’agit du yahi’iste et de V Eiohisie, plus spécialement encore à prq)Os des récits concernant la période mosaïque (cf. IrUrt.duclion…, 2e édit., t. I, p. Î4't st.}. — R. DrivëR ne traite pas ex professa cette question.

menta, l’histoire demeure épisodique, faite de sections indépendantes comme les traditions. D’ailleurs, bien quelle résulte de l’idée dominante du document beaucoup plus que de la rédaction elle-même, la connexion générale est, en certains cycles surtout, admirablement réalisée. — e) On notera enfin que les deux documents présupposent déjà des sources écrites. VEL’hisle moniionne explicitement le Z-fcre du y’a^ar (Jos., x, 12 sv.) et le Livre des Guerres de Yahivek [Num., XXI, 14 sv). Il serait possible de relever, soit dans le Yafi^visle, soit dans l'^'/oZ/tpe. d’autres extraits, de caractère surtout poétique, qui remonteraient ou bien aux recueils que nous venons de citer ou à d’autres écrits similaires.

34. — f) C’est dans le royaume du Sud ', en Juda, que parut le premier de ces documents, le y’ahiviste (J). Seul, on efi’et, il renferme les traditions propres à cette fraction du peuple de Dieu, celles notamment qui concernent le sanctuaire dllébron. C’est de même aux institutions religieuses du royaume du Sud qu’il porte le plus vif intérêt : la fête du printemps est pour lui la solennité judéenne de la Pâque. Toutefois, en tant que judéen, il n’admet pas la légitimité du schisme. En conséquence, il peut à l’occasion s’intéresser à ce qui concerne le peuple tout entier. — i^) Postérieur au schisme, le }a/itvi> ; c est, comme d ailleurs l’i'/o/d’s/c, certainement antérieur au Dentcronome, ou au moins à sa découverte (G22). On n’y relève, en elTet, aucune influence des lois spécifiquement deutéronomiques, notamment de la loi de l’unité de sanctuaire ; aucune trace non plus de certains épisodes caractéristiques conservés dans le dernier livre du Peutateuqiie (v. g, conquête du nord de la Transjordane par Moïse, son attribution à Manassé), ni du style de ce document. Bien plus, on n’y découvre aucune des idées caractéristiques du prophélisme inauguré en Juda par Isaïe. C’est donc au ix^e siècle que le Yakwisic aura vu lo jour. On notera que Jos., XV, 03 etJud.^ i, 21, qui appartiennent à co document, n’ont pu être écrits qu'à un moment où il y avait encore des Jébuséens à Jérusalem, c’est-à-dire, d’une part, après la prise do lavi’lepar David, mais, d’autre prrt, avant que cet élément étranger n’eût été expulsé ou absorbé par Israi’l : celle remarque paraît bien nous reporter dans la première moitié du ixe siècle 2. — h) En exploitant les sources traditionnelles, le Vafnvisie a fait son choix, il a des épisodes qui lui sont propres, souvenirs auxquels peutêtre on attachait plus de prix dans le royaume du Sud : seul il raconte l’attaque de iMoïse par Yahweh (Eu, iv, 24-aG ;, la longue résistance du prophète à la parole divine. Il a sa manière de présenter les événements qui lui sont communs avec VElohiste. On s’en aperpoit surtout dans les récits relatifs à l’entrée en Canaan [Num, ^ [éléments de xiii, i-xiv, 45] ; XXI. 1-3 ; /O.S., xni, 13 ; xv, 13-19, 63 ; xvi, 9^ [?], 10 ; XVII, ii-13, [14-18] ; XIX, 47 ; Jud.^ i) : au lieu d’une conquête en masse réalisée par lEst sous la conduite de Josué, il nous présente une conquête progressive, commencée par le Sud, due à l’elTort isolé de chaque tribu ou, en certains cas, : "i l’effort combiné d’un groupe de tribus. — i' Ce n’est pas tout. On perçoit dans l’utilisation des traditions l’influence de certaines préoccupations théologiques et morales. Le Yakivisie laisse subsister des anthropomorphisme* encore naïfs (cf. Gen., m. 8, ai, 22). Mais déjà pourtant Yahweh apparaît à Moïse dans une flamme de feu (£'.t., m 2) ; il apparaît en songe (Gen., xxvi, 24 ;, il intervient par le ministère de son ange (Gen.^ xvi, 7 sv !  ; cf. £'x., iii, 2). Dans le culte populaire, on critique déjà les idoles de métal fondu( ; /'a.ssc/ : rt/i.' iV., XXXIV, 17) ; on réagit déjà coiitre les idées morales par trop primitives. — /) A noter encore les préoccupations d'érudition en certaines retouches des récits tra<litionnels [Gen., Il, 10 sv., les fleuves du paradis ; Gen., x. divers éléments dt la table ethnographique ; etc.). — A^ Ces dernières retouches ne sont peut-être pas à rattacher aux éléments les plus anciens du Yahwiste (Ji). On distingue, en effet, dans

1. L’unanimité n’est pas complète touchant la provenance du Yahyviste : des critiques renommés, tels que SiiiiBADER, Reuss et KuKNTN le raltacheut au royaume du Nord (cf, Cari H. Cohmll, Einleitung in dus Alte Testament, § 11, 5). Mais l’autre opinion est sûrement prépondérante.

2 II y a pareillement des diverofences touchant les dates respectives du Yahwiste et de VElohiste. Des critiques qui jouissent d’une hau’e autorité sont favorables ù l’antériorité de VElohiste : Dillmann (E, 900-S50 ; J, 750^ KiTTEL (E, 900-850 ; J, 830-SOO). RiruM (E, 'JOO-SoO ; J, vers 850). Wei.i.hausen, Kurnpn, Stade, placent le Yahivisle vers 850-800, VElohiste vers 750.