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MOÏSE ET JOSUE

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les histoires et généalogies de la Ce/ièse se présentent comme si Moïse les avait prises dans quelques livres authentiques ou empruntées à une tradition constante. Ces documents dilféraient les uns des autres quant à leur style et leur contenu, même lorsqu’ils se rapportaient à un même sujet. De là les confusions que l’on peut relever, par exemple, dans Gen., i, ii, ou encore dans le récit du déluge (Gen., vi, i-ix, 17) D’ailleurs on peut aussi penser à des déplacements des feuillets ou rouleaux sur lesquels les livres étaient écrits. — l) Dans Ex.-Deut., les législations ont clé divinement inspirées à Moïse lui-même. — c) On noiera avec un intérêt spécial la place que Richard Simon fait aux scribes de Moïse. Le grand législateur n’avait pas besoin que Dieu lui dictât le récit des événements qui se passaient de son temps. Il avait sous lui des scribes qu’il avait établis et qui n’étaient pas sans analogie avec les scribes publics des âges postérieurs. Ce sont eus qui ont rédigé pour la postérité les récits des faits dont ils étaient les témoins. Ils ont ensuite fait des recueils, juxtaposant plusieurs de ces récits sans se préoccuper de les harmoniser parfaitement. Ce sont ces recueils que le Penluteiique nous a conservés ; ils ont une autorité divine parce que ces divers scribes étaient inspirés ; on peut en une certaine manière les attribuer à Moïse puisqu’ils avaient été faits sous ses ordres’.

IV. Au XVIII’siècle

13. — L’œuvre du xviii’siècle fut de poursuivre d’une façon méthodique les résultats précédemment obtenus.

I") Les premiers pas furent faits en ce sens par un médecin catholique français, Jean Asinuc, de Montpellier. Il développa ses idées dans un livre qu’il publia en 1 yôii à Biuxelles sous le voile de l’anonyme : Conjectures sur les méintiires originaux dont il /jaraii que, 1/ovse s’est servi pour composer le livre de la Genèse. D’après le titre même de l’ouvrajje, Aslruc limite son examen à la Genèse, à laquelle il adjoint toutefois Ex., 1, 11.

a) Il part d’un fait que l’on avait sans doute remarqué auparavant, mais sans lui donner l’attention qu’il réclamait : c’est que, dans certaines portions du premier li re du l’entatcuque. Dieu est désigné par le nom propre Yalnveh, tandis que, dans les autres, on retient le nom commun Elohini. — h) De plus, alors que ses prédécesseurs avaient surtout insisté sur l’unité d’ensemble de la Genèse, Astruc met en relief les confusions que l’on remarque en maints endroits. — <’)Il est d’abord amené à distinguer deux grands documents dont il suit la trace depuis Gen., I jusqu’à E.v., 11. Us sont antérieurs à Moïse, à l’exception de la partie renfermée E.r., i, 11, qui est attribuée à Amram, père du législateur (Er., vi, 20) ; ils alimentent le courant principal de Ihisloire patriarcale. L’un deux, A, est élohisle ; l’autre, li, est

1. R. Simon fut attaqué par l’arminien Jean Lccleuc dans l’ouvrage nnoliyme intitule Sentiments de quelques th^olvi^ieiis de Hollande sur Vilistoire critique du Vieux Testament (Amsteidam, 1685, surtout p. 107-130). A la base du Pentateuque sont des documents de caractère privé, dont plusieurs peuvent cire antérieurs ù Jloïse. Faite on pays chaldéen, l’œuvre de fusion serait due au prêtre qui fut envoyé de l’exil enseigner aux habitants de l’ancien royaume de Samarie comment honorer Ynliweh (cf. Il Reg^., xvii, ?, 4-28). La partie essentielle de l’œuvre serait constituée par la Loi découverte au Temple sous Josias (cf. II Reff., xxii). Richard Simon réfuta ces assertions dans Défense des sentiments de quelques théologiens de Hollande (.Amsterdam, 1686), surtout lettre Yll, p. 166-168. Leclerc atténua plus tard ses opinions.

yaliwiste’. — d) A côté de ces documents fondamentaux, Astruc en distinguait neuf autres, CM, qui se rapportaient à des sujets plus accessoires et qui avaient pris naissance dans les divers milieux avec lesquels Moïse avait été en relation. Ces nouveaux documents se réduisent parfois à des fragments de minime étendue. — e) Le médecin de Montpellier attribuait à Moïse la première coordination de ces documents, qu’il avait disposés en quatre colonnes parallèles. Mais, dans la suite, tout avaitété maladroitement ramené à une colonne et à un récit, et c’est ce qui explique les confusions que l’on est obligé de constater.

16. — 2") Astruc avait été un précurseur :

a) Vite trentaine d’années plus tard, Joiîann Gotti-iuKD Eionnonx (Einleitung in das Aile Testament, Leipzig, 1780-1 783) arrivait à des résultats analogues par des investigations personnelles, à propos desquelles il employait pour la première fois le nom de Haute Critique. — k) Comme Astruc, il distinguait dans la Genèse un document élohiste et un document yahwisle, auxquels il en ajoutait trois autres, sinon cinq (v. gr., Gen., xiv et encore Gen., xux, 1-27). Le récit du déluge lui donnait l’occasion de préciser le caractère littéraire de chaque écrit et, par exemple, de noter la méthode chronologique de l’élohiste. Eiclihorn poursuivait, lui aussi, l’application de son système jusqu’à Ex., 11. — /5 ; Il ne se faisait pas fort de déterminer l’origine des documents. Il pensa d’abord que Moïse les avait utilisés dans la rédaction de Gen. cl d’Ex., i, 11 ; ensuite ses allirmations furent jilus imprécises. — /) A la différence d’As-Iruc, Eichhorn s’occupait du reste de l’E.iude et du I.évitiqne ; mais il n’y voyait qu’une collection de documents séparés, souvent incomplets et fragmentaires, remontant aux temps mosaïques ; il ne cherchait pas à établir des connexions entre ces pièces.

— h) Karl Davii> Ilgek poussera plus loin encore l’analyse de la Genèse et, au lieu d’un élohiste, en distinguera deux, qui, comme le yahwiste, formaient chacun un tout indépendant, avec des caractères })ropres (Die Vrkunden des jerusalemischen Tempelarchivs in ihrer Urgestalt, I, 1798).

3") C’est ainsi que l’effort criticjue du xviii* siècle aboutissait à l’exposé d’une Première forme de l’hypothèse documentaire.

V. Au SIX’siècle

17. — 1°) Le xix’siècle devait voir se poursuivre l’étude du l’cnlateuque en deux manières. D’abord on allait appliquer aux cinq livres qui le composent l’œuvre de critique jusque-là à peu près exclusivement limitée à la Genèse. Ensuite on allait coordonner en systèmes les résultats obtenus.

2") Malheureusement on commença par s’engager dans des hypothèses fantaisistes ; leur élaboration ne fut pas, il est vrai, sans entraîner la constatation d’un certain nombre de faits qui furent retenus dans la suite. Uhypolhèse des fragments- ne fut guère au-Irechose qu’unerégressionpure et simple. Mais, avec Vliypothèse des compléments", on s’achemine vers la

1. Astruc dit : jcho^iste.’2. D’une manière générale, Vhypoihèse des fragments substitue aux documents continus un grand nombre de njorceaux, plus ou moins étendus, réunis et mis en un ordre tout relatif par un i-édacteur. Les principaux partisans sont : A. Geddès (17y2), Vatku (18ùi-lS05), de Wette (1805-1807), Beuthold (1813), Hartmann (183t), etc.

3. Dans Vhypothèse des compléments, on met à la base du Pentateuque un noyau primitif ou écrit fondamental (Grundschrifi) formant une histoire complète et suivie, autour de laquelle ont été rattachés des suppléments de toute sorte et de toute étendue. Ses principaux partisans