Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée

699

moïse et JOSUE

700

simplemenl interrompue ; saint Jean Ghrysostome, il est vrai, sait qu’il en demeurait des fragments dont on a pu faire usage dans la suite. — d) Notre fentaieuque actuel remonte à Esdras et à l'époque d’Artaxerxès. Le prétre-scribe, au dire de saint Irénée, de Clément d’Alexandrie, de saint Jean CUrysostome, rétablit l'œuvre de Moïse sous l’influence de la même inspiration divine qui avait présidé à son élaboration première. Les autres Pères, qui ne mentionnent pas explicitement cette inspiration, ne doivent pas être censés la méconnaître ; les données de IV Esdras ne permettaient pas de se méprendre. La seule réserve à faire concernerait le Pseudo-Athanase, au regard dmiuel Esdras aurait eu en sa possession un exemplaire de la Loi. C’est l'œuvre d’Esdras qui est venue jusqu'à nous. — d) Aucun de ces Pères ne précise le degré de conformité de l'édition du prêlre-scribe avec celle de Moïse. Il va de soi qu’ils admettent plus qu’une conformité substantielle. Mais, si un exégote tel que saint Jérôme pai-ait disposé à reconnaître de légères modilications, rien n’indique la mesure que l’ensemble de ces docteurs prétendait garder '.

8. — 4°) On trouve facilement dans la tradition juive uu écho de la légende de / F Esdras. Qu’on en juge par ces deux textes du Talmud : « La Tliorah était oubliée des Israélites jusqu'à ce qu’Esdras vint de Bal>yl<)ne et la restaura : elle était oubliée jusqu'à ce qu’Hillel, le Babylonien, vint et la restaura » {Soiiklia. 20"). « Quoique la Thorali n’ait pas été donnée par lui [Esdras), l'écriture a cependant été écrite par lui. » (Sanhédrin, io^)

IL Au XVI' siècle

9. — I*) Pendant le moyen-âge, les catholiques se désintéressent de ces questions ; mais les Juifs font quelques remarques utiles. Déjà, tout en admettant l’authenticité mosaïque du Pentatcuque, les JurFS TALMUDisTEs faisaient exception pour les huit derniers versets du Deutéroiiome (xxxiv, 5-12 ; récit de la mort de Moïse)qu’ils attribuaientà josué (Cf. Baba Batlira, fol. 14-15'). Au xi' siècle, un rabbin espagnol, IsAAC BEN Jasus (ySz-i oS^), avait remarqué que, dans Geii., xxxvi, 31, Ie titre de la liste des rois d’Edom « Voici les rois qui ont ré^né dans le pays d’Edom avant qu’un roi râsinàt sur les enfants d’Israël » ne pouvait avoir été écrit qu’au temps de la royauté Israélite ; il assignait ce chapitie ensaforme actuelle au règne de Josaphat. Cette opinion ne nous est connue que par Aben Ezha (io8y-u6j), qui la

I. Dès ces époques loînt » iiies toutefois, on tronve des auteurs qiii s’en prennent à l’authenticité même du Pcnlateuque. Tout en distinguant, parmi les lois juives, celles qui venaient de Dieu, celles que Moïse avait promulguées de sa propre autorité, celles qu’avaient promulguées les anciens, ProLÉMiîE, disciple de Valenlin (Lettre à Flora, citée par saint Epiphane, // «  « /es., xxxiii, n" 3-7). ne paraît pas avoir nié que la rédaction définitive ne soit l'œuvre de Moïse. A en croire saint Ëpiphane [Ilæret., xviii, n » 1) et suint Jean Damascène (Hærcs.. six), la secte judéocUiétienne des Nazaréens professait une opinion beaucoup plus radicale : la loi donnée aux Juifs par Moïse didévait de celle que contient le l’enialeur/ue, et ce livre n'était pas de lui. Mais c’est dans les Homkliks Gléme.nTINES, écrit gnostique du troisième siècle, qu’on trouve les données les plus précises. D’une part, saint Pierre déclare que la Loi donnée par Dieu à Moïse et confiée oralement aux anciens n’a été mise par écrit qu après la mort du grand prophète ; d’ailleurs, successivement perdue et retrouvée, elle a été brûlée au temps de Nabucho(lonosor. Cette assertion ne va pas sans preuTes, et l’on s’appuie sur le récit de la mort de Moïse que ce dernier ne peut avoir écrit (llomil. iii, n » kl). D’autre part, des réserves sont faites (Homil. ii, u » 52) sur la vérité du contenu de cette première section de la Bible.

réfute. En revanche, d’après R. Simon', ce célèbre docteur juif fait des réserves sur six passages du Pentaleuque ; d’ailleurs, afin de laisser à la critiifue le moins de prise possible, il s’exprime en termes assez équivoques. D’après lui, la formule « Le Cananéen était alors dans le pays », Gen., xii, 6, a été nécessairement écrite après l’expulsion des terribles adversaires des Israélites, donc longtemps après Moïse. De même, Gen., xxii, 14, la remarque « d’où l’on dit aujourd’hui : « Sur la montagne de Yahieh il sera vu », n’est pas seulement de beaucoup postérieure au sacrifice d’Isaac ; elle ne peut se placer qu'à iin âge où l’on portait un intérêt spécial au mont Moriah, c’est-à-dire après Salomon etla construction du Temple. Demême, Z/e » /., i, i, les mots h de l’autre coté du Jourdain » n’ont pu être écrits que par quelqu’un qiti vivait en Cisjordane, non par Moïse qui est mort dans les plaines de Moab. Dans Dent., iii, 1 1, la reuiarque relative au lit de fer de Og, roi de Basan, ne se comprend pas dans le livre d’un contemporain de ce roi. Dent., xxxi, g, 1 emploi de la 3= pers., Moïse écrivit, suppose que le récit est, non de Moïse, mais d’un tiers. Enfin Aben Ezra parait avoir fait les mêmes remarques que les talmudistes sur Deut., xxxiv, 5-12. Comme on le voit, ces remarques aboutissaient, non à contester l’origine mosaïque du Pentaleuque, mais à relever des additions de dates diverses.

10. — 2°) Ce furent les assertions des premiers propagateurs (le la Réforme qui ramenèrent l’attention sur ces difiiciles problèmes. Dans un essai ^ publié à Wittemberg (1620), Carlstadt fut le premier à se servir de l’argument du style. Constatant que Deut., XXXIV, 5-12, qui ne pouvait être de Moïse, ne trahissait pas une autre main que ce qui précède, il en conclut à la légitimité de l’assertion que le Pentaleuque n’avait pas été écrit par le grand législateur. Toutefois la mention de l’activité littéraire de Moïse et de Josué (Deut., xxxi, g ; Jos., xxiv, 26), le récit de la découverte de la Loi sous Josias (II Iteg., xxii), l’empêchaient de descendre jusqu'à Esdras. L’auteur demeurait inconnu. — De son côté, Luther, qui avait remarqué la difficulté de Gen., xxxvi, 31, se deuiandait quel inconvénient il y aurait à ce que Moïse n’eiit pas lui-même écrit le Pentaleuque.

11. — 3°) Le premier auteur catholique qni envisagea le problème avec quelque précision fut André Mars ; son ouvrage^ (1574) fut mis à l’index donec corrigalur (ibç)6). Il rapprochait le Pentateuque des

1. Cf. Richard Simon, Histoire Critique du Vieux Testament, Livre premier, chap. vu (édit. de 1685, p. 4'i sv.). C’est nous qui, sauf une exception ou deux, soulii^nons les raisons qui militent contre l’authenticité mosaïque de ces versets. D’ordinaire Aben Ezra emploie des formules évasives ; a C’est un mystère : que ceux qui le comprennent ne divulguent pas ! » Ou encore : « Vous en comprendrez le véritable sens si vous concevez le secret des douze (sans doute de douze passages qui font difficulté, ou encore de Deut, xxxiv, 1-12) ».

2. De Canonicis Scripturis libellus, Wittemberg, 1520.

3. Josuæ imperalons histuria iliustrala, Anvers, 1574, præf., p. 2. Cf. Migke, Cursus conip’ettts Scripturæ iacrae. VII [fn Jnsitarn Masli Præfutio), col. 853 : « Mlhi certe ea est opinio, ut putem Esdram, sive solum, sive nna cum aequalibus, insigni pietate et eruditione viris, coelesti spii-itu alilatum, non solum hune Josuae, verum etinm Judicum, Regum, alios, quos in sacris, ut vocaut, Bibliis legimus libros, ex diversis annalibus apud Ecclesiam Dei conservatis compilasse, in eumqvie ordinem, qui jnm olîm habetur, redegisse atque disposuisse. Quin ipsum eliam Mosis opus, quod vocant TTivrâr^j/^v, longo post Mosen lempore, interjectis saltem hic, illic, verboruni, et sententiarum clausulis, veluti sarcitum, atque omnino explicatius reriditum esse, conjecturée bonæ aiTerri Facile poa « uiit. Nam ut unam, exempti causa, dicam, Cariath-Arbe