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MODERNISME

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que les dogmes sont des vérités et qu’ils sont immuables.

M. Loisy s’est jugé lui-même, lorsqu’ila écrit sur le sujet <iui nous occupe : « Si l’on suppose que la vérité, en tant qu’accessible à l’intelligence humaine, est quehjue cbose d’absolu, que la révélation a eu ce caractère et que le dogme y participe » — voilà bien ce que pensent tous les chrétiens — « que ce n’est pas seulement l’objet de la connaissance qui est éleruel et immuable en soi, mais la Coriiie que cette connaissance a prise dans l’histoire humaine », — c’est encore ce que nous disons des vérités révélées et de certaines vcrilts naturelles, entre autres des premiers principes de la morale — c< les assertions du petit livre sont plus que téméraires, elles sont absurdes et impies. » (Autour, p. 190). Ce n’est pas sans tristesse que nous aboutissons à la même conclusion.

Marcel Chossat, S. J.


IIe Partie

L’Encyclique " Pascendi "

I

SYNTHÈSE DU MODERNISME PHILOSOPHIQUE

Sommaire. — Introduction. Notion du Modernisme. — C’est avant tout une erreur philosophique. — Précieux aveux. — Importance et ditlicultés de cette étude. — Il faut ramener à leur unité synthétique les trois théories maîtresses du Modernisme énumérées par l’Encyclique : VEvolutioiinisme, l’Agnosticisme, l’Immanentisme.

l"-’Partie. f.’Ei’oliitionnisme radical. Théorie du

« Devenir pur » ou du Mobilisme. — Origine du

problème. — Ses trois solutions : Zenon, Heraclite, Aristote. — Bergson, après Hegel, reprend parti pour Heraclite. — Conséquences métaphysiques, logiques et critériologiques. — La philosophie du

« non être » identilie les contradictoires et renie la

raison. — Causes d’une si grave méprise.

II" Partis. L’Agnosticisme siihjectiiiste. Il est à la racine du mal signalé. — Le triple postulat subjectiviste, — phénoméniste, — et relativiste. — Il importe de les démasquer en rétablissant la vraie doctrine.

IIP Partie. L’Immanence Vitale. C’est le second mouicnl de la théorie moderniste. — Elle cherche à sortir de l’Agnosticisme après s’y être emmurée.

— L’intuition immanente du « moi profond ». — La conscience universelle. — Méthode et théorie monistique. — Ses prétendues découvertes.

IV Partie. Conséquences antispiritualistes et antireligieuses. Elles ruinent de fond en comble toutes nos croyancessur — Dieu, — l’Ame humaine et son immortalité, — la Morale. — la Kévélalion extérieure et les motifs de crédibilité, tel que le miracle, — et le Dogme révélé. — Modernisme et Protestantisme libéral.

Conclusion. Jamais un magistère divin n’avait paru si nécessaire pour sauver du naufrage la raison et la foi.

Introduction. — Le « centre vital » du Modernisme étant une erreur, ou plutôt un ensemble d’erreurs p/u/oso^/i/i^Hei, nous nous bornerons à ce point de vue capital dans tout le cours de cet article.

A ceux qui exigeraient, tout d’abord, une définition del’hérésieiï/orfcrHisie, nous proposeriouscelleci. Elle est, — malgré des apparences contraires, car

elle affecte de conserver toutes les antiques formules du christianisme après en avoir changé le sens, — elle est a la négation du surnaturel chrétien », ou, si l’on préfère, « la transposition, sur un mode naturaliste, de tous les dogmes de la foi chrétienne. »

L’encyclique PascenJ i, Aontiïous nous inspirerons constamment, n’en donne, il est vrai, aucune stricte définition. Mais la description si minutieuse et si complète qu’elle en fait ne saurait laisser aucun doute. Elle déclare viser a ces ennemis de la Croix de Jésus-Christ, qui, avec un art tout nouveau et souverainement perfide, s’elforcent d’annuler les vitales énergies de l’Eglise, et même, s’ils le pouvaient, de renverser de fond en comble le règne de Jésus-Christ. … Ce n’est point aux rameaux ou aux rejetons qu’ils ont mis la cognée, mais à la racine même, c’est-à-dire à la foi et à ses fibres les plus profondes… ils amalgament en eux le rationalisme et le catholicisme, avec un tel rafiinement d’habileté qu ils abusent facilement les esprits mal avertis… Pour eux, une chose est parfaitement entendue et arrêtée, c’est que la science doit être sans Dieu, pareillement l’histoire… Dieu et le Divin en sont bannis… Notre sainte religion n’est autre chose qu’un fruit propre et spontané de la nature. Y a-t-il rien, en vérité, qui détruise plus radicalement l’ordre surnaturel ? » (Encyclique y^ascenrfi, édition des Questions actuelles, p. 3, 5, g, 15). — Aussi l’Encyclique pourra-t elle conclure que cette erreur n’est pas seulement une hérésie partielle, mais la synthèse ou u le rendez-vous de toutes les hérésies. « (Ihid. p. 61).

C’est donc la vieille erreur du Naturalisme qui renaît de ses cendres — si tant est qu’elle se soit jamais complètement éteinte au cours des âges de foi. Mais elle s’est aujourd’hui rajeunie en se greffant sur la tige de la philosophie « nouvelle » dont elle emprunte ainsi la séduction et la vogue passagère. Et c’est uniquement par ce côté, dans ses principes philosopliiques empruntés à la pensée moderne, que nous l’étudierons dans ce travail.

Sans doute, les modernistes ont essayé parfois de dissimuler les préoccupations philosophiques de leur théologie et de leur exégèse nouvelles. Us s’en défendent même hautement dans cette très irrévérencieuse Ltisposta à l’Enc.vclique de S. S. Pie X, où ils alfectent de ne parler qu’au nom des faits et de la science pure, (/l programma dei modernisti^ liisposta air Enciclica, Roma, 1908. — Le Programme des modernistes, Paris, 1908. Pour la commodité des lecteurs nous citerons la traduction française).

Mais, à la suite du Cardinal Mercier, nous nous inscrivons en faux contre cette audacieuse afiirmation. Leur apriorisme philosophique, — conscient ou inconscient, peu importe, — éclate et saute aux yeux de tout lecteur sincère. Son Em. en a donné des exemples typiques dont nous pourrions sans peine allonger la liste, démesurément. (Caiîd. Mercier, Discours à l’Univ. de Louvain, 8déc. igoy).

C’est leur philosophie qui animeet soutient toutes leurs hypothèses, en sorte qu’en extraire les données philosophiques, ce serait aussitôt dégonfler leur brillant aérostat et le faire choir très lourdement. Ou bien, — nouvelle épreuve, — qu’ils changent leur philosophie, en la remplaçant, par exemple, par les théories scolastiques, et leur système ne tiendra plus debout. L’expérience en serait facile et convaincante.

Du reste, avant de s’être rendu compte que cet apriorisme philosophique était pour leurs théories le défaut de la cuirasse, ou, si l’on veut, le talon d’Achille où toute blessure est mortelle, — les modernistes en faisaient facilement l’aveu et même s’en glorifiaient naïvement.

Ecoutez M. Loisy : « La simple connaissance de