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MODERNISME

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initiale, invariable ; et pour nous cette donnée se compose des articles de foi.

M. Loisy admet lui aussi une donnée initiale invariable ; mais celle donnée n’est autre chose que la religion naturelle. C’est ce qu’il faut expliquer, parce que c’est le fond de tout le procédé par lequel M. Loisy pense rester chrétien tout en niant la foi aux articles, dans le sens où l’Efjlise l’enseigne.

a) La révélation initiale est la perception du rapport essentiel qui doit exister entre l’homme et Dieu {Autour, p. 196). Cette perception est la foi, car M. Loisy n’admet pas de connaissance naturelle de Dieu dans l’ordre où nous sommes (p. iy4). Ces deux propositions sont inconciliables avec le concile de Trente et celui du Vatican. Inutile d’insister [D. B., 798(680) ; 1785(163/ ;) ; 1789(1638)].

b) L'évolution de la foi est coordonnée à l'évolution intellectuelle et morale de l’homme (p. igij). Cependant « la révélation demeure toujoui-s substantiellement identique à elle-même w (p. 199). Celte phrase aurait un sens e.'cact, si JI. Loisy admettait à l’origine la révélation proprement dite, et les anciens théologiens ne craignaient pas de dire : n Actu fidei impUcito, omnia quæ nunc credunlur, fnerunt seiiiper in Ecclesia Dc.i crédita. » Mais M. Loisy se moque de cette conception anlhropomorphique des théologiens et de n la fourniture de vérité » qu’on suppose que Dieu aurait donnée à l’homme dès l’origine (Autour, p. ig3). Ce qui reste identique, c’est donc au fond la religion naturelle, puisque la religion naturelle ne serait autre chose que l’expression du « rapport essentiel » qui existe entre Dieu et l’homme. « Le développement delà religion révélée, dit M. Loisy, s’est elfectué par la perception de nouveaux rapports, ou plutôt par une détermination plus précise et plus distincte du rapport essentiel, entrevu dès l’origine, l’homme apprenant ainsi à connaître de mieux en mieux et la grandeur de Dieu et le caractère de son propre devoir » (197). — Cette dernière formule n’est nullement acceptable, parce qu’il est faux que la religion révélée ne nous enseigne que le rapport essentiel qui doit exister entre Dieu et l’homme : 1" elle nous instruit de ce rapport essentiel, qiie nous aurions pu connaître sans la révélation [D.B., 1786 (1635)j ; et 2" elle nous instruit de la manière dont il a plu à Dieu d'être honoré dans l’ordre surnaturel où il nous a librement et gratuitement placés ; et notre élévation, ainsi que les devoirs qui en résultent, ne pouvaient pas être connus de nous sans la révélation ; il en faut dire autant des mystères proprement dits que la révélation propose et impose à notre croj’ance.

c) C’est par « intuition », sous l’action de Dieu, que l’homme perçoit ce fond commun de toutes les religions qui est le rapport essentiel entre Dieu et l’homme (p. 200). L’action de Dieu et la nôtre constituent l’expérience religieuse. Nous nous traduisons à nous-mêmes cette expérience par des idées, par des représentations de foi. Ces idées, « images décolorées de nos impressions subjectives », sont variables avec le temps, suivant les conditions où nous sommes, et le stade de l'évolution où nous sommes parvenus. Car le dynamisme intérieur trouve « dans les rencontres de l’histoire les occasions, les excitants, les adjuvants, la matière de son propre développement i> (p. 47). M. Loisy ne nie pas que ces idées expriment le divin ; elles l’expriment inadéqualemenl — et ceci est exact ; mais elles n’expriment qu’un seul objet. Dieu et son rapport essentiel avec nous. Et cela est faux, nous l’avons déjà dit.

d) Pour M. Loisy, le prophétismc, l’Evangile, nos formules dogmatiques ne sont que des efforts pour arriver à se représenter intellectuellement l’objet

religieux, le rapport fondamental qui doit exister entre Dieu et l’homme. Les prophètes se représentaient cet objet sous le symbole du messianisme ; Jésus, par celui du royaume ; nous, par nos formules de foi, dogmes, sacrements, hiérarchie : la représentation a varié, l’objet est le même, il est unique. '( Qu’est-ce que la révélation chrétienne, dans son principe et dans son point de départ, sinon la perception, dans l'ànie du Chrisl, du rapport qui unissait à Dieu le Chrisl lui-même et de celui qui relie tous les hommes à leur Père céleste ? » (p. 196). Et ailleurs : « La doctrine catholique est l’expression intellectuelle d’un développement vivant. Elle correspond substantiellement à la foi des prophètes. » D’après l’Eglise, le lien qui ratlache notre foi, nos formules dogmatiques à l’Evangile est avant tout l’unité doctrinale. D’après M. Loisy, <( le lien qui l’y rattache est un lien vital moyennant lequel toutes les formes essentielles de la pensée ecclésiastique procèdent d’un même principe que les formes essentielles de la pensée èvangélique, et se dégagent de celles-ci comme un effort pour atteindi’e, dans des conditions dill’crcnles, à la représentation du même objet vivant et diversement exprimé. Dieu, l’homme et sadestinée, réconomiedusalul.)>(./ » ioHr, p. 65).Si M. Loisy concédait que cet objet « Dieu, l’homme et sa destinée, l'économie du salut » nous a été révélé explicitement, formellement, dans le détail, par le Christ, qu’il se trouve consigné dans l’Ecriture, on pourrait se dispenser d'épiloguer sur cette formule : elle reviendrait à dire que iJieu rémunérateur est l’objet unique de la foi implicite par laquelle ceux à qui l’Evangile n’a pas clé proposé peuvent, à certaines conditions, être sauvés, suivant une opinion connue en théologie. Mais M. Loisy n’ignore pas que la foi explicite des articles est nécessaire à ceux à qui l’Evangile a été proposé ; et que ces articles sont d’après l’Eglise formellement révélés dans l’Evangile. On voit que c’est toujours la même équivoque surTobjet de la foi qui fait le fond du système, e) La réduction de l’objet de notre foi à l’unité, par la suppression de la révélation et de la foi des articles, met M. Loisy tout à fait à l’aise pouradmettre dans le christianisme autant d'éléments étrangers qu’on voudra. En effet, cette réduction donne à M. Loisy le moyen de retrouver toujours et partout la vraie religion : aussi bien dans les formules scolasliques que dans les données païennes, helléniques, que notre faculté d’idéation emploie, suivant les temps, pour exprimer l’unique objet de la révélation, le rapport essentiel entre Dieu et l’homme. Par exemple, les formules dogmatiques de l’Eglise sont vraies et « leur sens ne change pas ». D’après la doctrine de l’Eglise, le sens des formules dogmatiques ne change pas, et cela vient de ce que l’Eglise, tout en adoptant quelquefois pour exprimer le dogme révélé desconceplsqui ne se trouvent pas in terminis dans les livres saints, n’exprime par ces termes nouveaux que la pensée des livres saints : c’est une nouvelle expression du dépôt, mais on ajoute rien au dépôt. D’après M. Loisy, il y a un sens des formules de foi qui ne change pas ; mais, ajoute-t-il, « le sens qui ne change pas n’est pas celui qui résulte précisément de la lettre, c’est-à-dire la forme particulière que la vérité prenait dans l’esprit de ceux qui ont libellé la formule ; il n’est pas davantage dans la forme particulière des interprétations qui se succèdent selon le besoin ; il est dans leur fond commun, impossible à exprimer en langage humain par une délinition adéquate à son objet et suffisante pour les siècles des siècles n (Autour, p. 201).

Mais si l’objet de la foi chrétienne n’est que cela ; si nos dogmes ne sont que l’image décolorée de nos