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MODERNISME

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dans le cours des siècles tous les prophètes « du nouvel évangile ». (Voir art. Dogme, t. 1, i 158-i iGo.)

Ici se pose enfin la question du développement du dogme chrétien. En désaccord évident avec Khanzklin et l’école classique, M. Loisv a cru pouvoir se réclamer de Nkwm.vn (Evangile, p. 161 ; Autinir., p. ;). Mais Newman relient les données essentielles du problème et le pose correctement. S’il considère l’objet du jugement initial, apostolique, de foi, il admet ce jugement. M. Loisy au contraire est, nous allons le voir, en désaccord avec Kranzelin, avec Newman, sur toute la ligne. C’est que M. Loisy n’admet pas la révélation initiale des articles. Et de là vient que, loin de nous proposer une solution acceptable du problème du développement, il ne pose pas correctement la question ; à proprement parler, il la su[)prime. Delà vient aussi qu’on peut dire qu’il n’y a entre M. Loisy et Newman d’autre ressemblance ((ue l’emploi de la pliraséologie nevmanienne, mise à la mode en France par quelques immanentistes newmanisants. Mais M. Loisy a beavi employer les termes de vie, de foi vécue, etc., chers à Newman, la ressemblance n’est que verbale. M. Loisy change le sens newmanien des termes de Newman, comme il a changé le sens chrétien des termes fui, révclatinn, et le sens catholique des mots tradition, interprétation, de l’Eglise.

Que si M. Loisy prétend que du moins il a pour lui Newman dans le point où celui-ci est en désaccord avec Franzelin, il faut encore nier que M. Loisy donne au mot oh jet de foi le même sens que Newman, que la foi cliez M. Loisy soit la même chose que la foi dont parle Newman. En elTet, pour Newman, comme pour l’Eglise entière, l’objet de foi est constitué par la révélation des articles faite aux apôtres, la foi est l’adhésion à cet objet. D’après M. Loisy au contraire, les apôtres n’ont point reçu la révélation proprement dite des articles ; la foi n’est donc pas l’adhésion aux vérités révélées aux apôtres et consignées dans l’Ecriture. L’accord avec Newman reste donc ici encore purement verbal. Et quand il serait démontré — ce qui n’est pas — que la foi vécue de Newman n’est que la reprise en style moderne d’anciennes opinions d’Auréolus, d’Occam et de Melchior Gano (voir Vazijukz, in I, disp. v) ; quand il serait prouvé — ce qui l’est moins encore — que les a assertions vivantes de la foi » de M. Loisy ne sont psychologiquement autre chose que la foi vécue de Newman ; l’accord resterait encore verbal entre M. Loisy et ces auteurs catholiques : car Aureolus, Occam, Cano, Newman sont tous partis de ce fait |ue l’objet invariable de la foi est constitué par la révélation, et tous ont cherché à expliquer comment notre foi plus explicite — foi infuse, foi vécue

— peut atteindre ce même objet, l’atteint en effet. M. Loisy au contraire cherche comment, avec la phraséologie de Newman, on pourrait arriver à se passer de cet objet précis et de la révélation des articles qui l’a constitué. Telles sont les équivoques foncières par lesquelles M. Loisj’a semé le doute dans l’esprit de plusieurs, et hélas ! amené l’apostasie de quelques-uns de ses lecteurs.

2" Le dévelop/iement du dogme par évolution. — Le lecteur sait déjà pourquoi la théorie du développement des dogmes par évolution n’est pas admissible. Il ne nous reste plus qu’à dire un mot des quelques propositions condamnées qui n’ont pas encore été expliquées.

1° M. Loisy n’admet pas l’objet de foi initial constitué par la révélation des articles. Il écrit : « On peut dire que Jésus au cours de son ministère n’a ni prescrit à ses apôtres ni pratiqué lui-même aucun règlement de culte extérieur qui aurait caractérisé

l’Evangile comme religion. Jésus n’a pas plus réglé d’avance le culte chrétien qu’il n’a réglé formellement la constitution et les dogmes de l’Eglise… L’Evangile comme tel n’était qu’un mouvement religieux, qui se produisait au sein du judaïsme pour en réaliser parfaitement les principes et les espérances. Ce serait donc chose inconcevable que Jésus avant sa dernière heure eût formulé des prescriptions rituelles…, le regard de Jésus n’embrassant pas directement l’idée d’une religion nouvelle, d’une Eglise à fonder, mais toujours l’idée du royaume des cieux à réaliser. Ce fut l’Eglise qui vint au monde, et qui se constitua de plus en plus, par la force des choses, en dehors du judaïsme. Par là le christianisme devint une religion distincte, indépendante et coni[)lète ; comme religion, il eut besoin d’un culte, et il l’eut. » (Evangile, p. 181-182). Ce passage est caractéristique du procédé. C est lui qui paraît avoir été visé par la proposition 59 : « le Christ n’a point enseigné un[corps de doctrine applicable à tous les temps et à tous les hommes, mais il a plutôt commencé un mouvement religieux adapté ou capable d’être adapté aux différents temps et lieux. » Il est vrai que le Christ a commencé un mouvement religieux, que ce mouvement était adapté à son temps et à son milieu, qu’il est capable d’être adapté à tous les temps et à tous les lieux ; ces propositions ont un sens exact. Mais il est faux que ce mouvement religieux n’a point eu de base doctrinale, et que la doctrine révélée par le Christ n’est pas universellement ap|)licable. C’est précisément parce que la doctrine du Christ est convenable pour tout pays et toute époque, que le mouvement religieux qui est le christianisme est d’une extrême plasticité et convient à tous les temps et à toutes les latitudes.

Si ni les dogmes, ni les sacrements (Autour, p. 22/4), ni la hiérarchie (^ » (oi(r, p. i-)2, 177, sqq.) ne viennent immédiatement du Christ, comment notre religion peut-elle se dire chrétienne ? Ce que M. Loisy vient d’appeler mouvement religieux, ailleurs — et très souvent — il l’opiiclle un germe. Les dogmes étaient dans la tradition primitive « comme un germe dans une semence n (Evangile, p. 162). Cette métaphore est classique ; et pour cette raison, malgré l’abus qu’en a fait M. Loisy, elle restera. On a essayé récemment de lui substituer celle du ferment. Métaphore pour métaphore, les plus vieilles sont les meilleures. Celle du germe a d’ailleurs l’avantage de bien affirmer l’invariabilité du dépôt : Crescat. Le tort de M. Loisy n’est pas de s’en être servi, mais d’avoir réduit ce germe aux formes particulières par lesquelles la faculté d’idéation du Christ se représenta le contenu de la religion naturelle.

2" M. Loisy réduit le sens de nos dogmes à la perception du rapport simple que la religion naturelle découvre entre Dieu et nous. L’Eglise catholique enseigne que les sacrements sont des Signes sensibles institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ qui produisent la grâce que d’après la volonté du Christ ils signifient ; et cette doctrine des sacrements fait l’objet de toute une session du concile de Trente. M. Loisy supprime l’efficacité des sacrements ou, si l’on veut, la réduit, ainsi que leur signification, au minimum qui suit : « Ils ne font que rappeler à l’homme la présence perpétuellement bienfaisante de son Créateur » (Evangile, p. 220). C’est littéralement la lii’proposition condamnée par notre Décret.

Cette proposition hérétique est caractéristique du système de M. Loisy. Le lecteur a compris par ce qui précède que le catholicisme ne peut pas admettre un développement du dogme par évolution et par accession, parce que le dogme révélé est une donnée