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MODERNISME

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exprime quel est le développement du dogme contre lequel le Décret veut mettre en gnide les lidèles.

Cette tliéoiie du dévelo])ppinent des dogmes par évolution et par accession fe trouvait dans la préface de l’Evangile et l’EfiUse. Elle ctait présentée dans l’ouvrage comme « un dogme nouveau » à conquérir (p. 162) ; et à la dernière page du volume, l’auteur se flattait d’avoir trouvé le moyen de « concevoir, à l’heure actuelle, l’accord du dogme et de la science, de la raison et de la foi, de l’Eglise et de la société j. On sait que l’autorité ecclésiastique sévit promptement contre le nouveau dogme. M. Loisy s’expliqua. Jntoiir d’un petit livre dessilla les yeux les moins perspicaces. Il devenait évident que, pour défendre l’interprétation évolutionniste de l’histoire du christianisme qu’esquissait V Evangile et l’Eglise, M. Loisy changeait et abandonnait phisieurs des notions fondamentales reçues dans l’Eglise et, en réalité, réduisait notre foi chrétienne à la croyance en un Dieu provident. C’est ce qu’il faut brièvement expliquer à propos de la proposition 5/|. Nous n’avons point à redire ce qu’on peut trouver ailleurs dans ce Dictionnaire. CVoir art. Agnostioismb, Dogme et Foi) Mais 1° nous rappellerons la doctrine catholique sur le développement du dogme ; 2<J nous dirons en quoi consiste la théorie de M. Loisy. Chemin faisant, nous indiquerons pourquoi cette théorie est inadmissible.

1° /, e développement classi<jiie du dogme. — L’Eglise admet un certain développement, un certain progrès du dogme. Le concile du Vatican est très explicite sur ce point. Il rappelle que la raison aidée de la foi peut acquérir une intelligence croissante des mystères ; et il exprime le vœu que cette intelligence croisse dans chacun des lidèles, dans l’Eglise entière, tout en soulignant la loi nécessaire de ce progrès : Crescat… sed eodem sensu. D.-B., 1996, 1800 (16441 16^7). Les idées du public sur cette matière ont été tellement brouillées par les récentes controverses qu’il paraît utile d’expliquer ici le problème réel qu’il s’agit de résoudre en théologie quand on s’y pose la question classique : An dogmata creverint : ’Les théologiens sont d’accord sur les propositions suivantes :

1° Si l’on parle de l’objet de la foi en faisant abstraction de notre mode particulier de connaître la vérité, qui est le jugement, l’objet de notre foi est simple et unique, Dieu. Objeclnni fidei est incomplexum.

2° Comme l’acte de foi est un acte intellectuel, comme d’autre part la foi ne change pas notre mode naturel de connaître en tant que celui-ci tombe sous la conscience expérimentale, l’acte de fol est un jugement. D’où, si l’on parle de I objet de notre foi, en tenant compte de notre mode de connaître la vérité, l’objet de foi est multiple. En d autres termes, il y a plusieurs articles à croire ; ces articles nous sont proposés et s’expriment par des propositions ; de là vient la pluralité des formules dogmatiques.

3" Comment l’objet de foi unique et simple, Dieu, devient-il pour nous l’objet de foi multiple ? Par la révélation, communication surnaturelle de la pensée divine, non pas seulement par le moyen d’images et d’idées, mais aussi et surtout par des propositions, conformément à notre mode naturel de saisir intellectuellement la vérité. Ces propositions sont la parole de Dieu, le dictuni a Deo : leur ensemble constitue ce qu’on appelle le dépôt de la foi ; c’est par elles que nous atteignons l’objet multiple de la foi, et la réalité de l’objet matériel de la foi.

M. Loisy a brouillé tout cela. El c’est grâce à l’équivoque des termes qu’il avait créée et réussi à répandre dans un certain public sous le nom de Fir-MIN, qu’il a surpris la bonne foi de quelques-uns.

M. Loisy, on le sait (prop. 20, Autour, p. igS ; prop. 22, Evangile, p. 158), n’admet pas la révélation proprement dite. Il n’admet pas cet acte par lequel la Vérité première manifeste à l’homme la pensée divine sous la forme d’une proposition surnaturelle ment communi([uée ; pour lui, la forme native des vérités révélées est « une intuition et une expérience religieuse », la révélation a « pour objet propre et direct les vérités simples contenues daus les assertions de la foi » (Autour, p. 200) ; et ces vérités simples se réduisent « au rapport essentiel qui doit exister entre l’homme, conscient de lui-même, et Dieu [>résent derrière le monde phénoménal » ; la révélation est « la perception de ce rapport » (Autour, p. 196, sq.). M. Loisy n’admet pas non plus que la foi soit un acte intellectuel par lequel nous adhérons aux vérités divinement communiquées sous la forme d’articles. Et cette théorie de la foi est corrélative de la théorie de la révélation que soutient l’auteur.

Cependant, M. Loisy parle continuellement de révélation, de foi, d’objet de foi, de représentation de foi, de vue de foi et même d’assertions de foi, etc. IJien plus, il en appelle aux anciens théologiens pour prouver, contre ses détracteurs, que les représentations de foi correspondent à l’état des laits psychologiques et historiques (Autour…, p. 190) ; il connaît la formule des théologiens, que Dieu considéré absolument est l’objet de la foi et de la théologie : car « la christologie, la grâce, l’Eglise rentrent dons la théologie, le dogme de Dieu » (p. 204) ; et il fait sienne la formule de quelques autres théologiens, que l’objet de la foi, de la théologie, se réduit à Dieu, au Christ, à son œuvre (Evangile, p. 17^) ; il lui paraît d’ailleurs que ces deux formules peuvent se concilier si l’on dit que Dieu pris relativement est l’objet de la foi, et il réduit la révélation à la perception du rapport essentiel qui doit exister entre Dieu et l’homme (^ « <o » ; ’, p. 196) : la révélation n’a pu être que la conscience acquise par l’homme de son rapport avec Dieu « (p. 195). L’assurance du ton eu a imposé à plusieurs des lecteurs de M. Loisj". Distinguons un peu, ou, ee qui revient au même dans l’espèce, rétablissons les faits.

Toutes les propositions des anciens théologiens auxquelles en appelle M. Loisy, ont un sens sinon vrai, du moins soutenable, dans le contexte des auteurs qui les ont énoncées. Ces auteurs entendent ces propositions de l’objet de la foi incomple.rum, c’est-à-dire de la chose crue, en faisant abstraction de notre mode de la croire. Mais les mêmes théologiens sont unanimes à soutenir que l’objet de nos actes de foi n’est pas incomptexum, (i’ileiil multiple, dès qu’on tient compte de la manière dont subjectivement nous atteignons l’objet révélé. Le sophisme perpétuel de M. Loisy consiste donc à parler toujours comme si les Pères et les scolastiques avaient enseigné : i" que Dieu, ohjectum incomple.r.iint, est l’objet de notre foi surnaturelle indépendamment de toute révélation proprement dite ; a" que l’objet

« propre et direct » de notre fol surnaturelle n’est

pas constitué par la révélation proprement dite, dont le contenu global forme le dépôt de la foi chrétienne {Autour, p. 200) ; 3° que notre acte surnaturel de foi atteint Dieu, considéré en lui-même, autrement que par l’adhésion au dépôt de la foi, aux divers articles de foi (Ibid.).

C’est à l’aide de cette équivoque fondamentale que M. Loisy est parvenu à employer, d’un bout à l’autre de ses deux petits livres, les mots foi et révélation dans un sens qui n’est pas le sens catholique de ces termes. Beaucoup de ses lecteurs s’y sont laissé prendre, soit parce qu’ils n’étaient pas assez