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MODERNISME

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PonLE, T.ehrbiich^ l. I, p. 2^ sqq.) On y soutient l’univocité ou l’analogie : mais de telle sorte que l’enseignement patristique reste intact. C’est la première condition de toute spéculation Ihéologique ; et M. Le Roy, en étemlant à tous les dogmes ce qui, jusqu’à un certain point, est vrai de quelques-uns. l’a trop oublié.

c) Pour M. Le Roy, Notre Père signiGe l’attitude^ filiale que ce mot commande : rien de plus. Des formules aussi exclusives décèlent une analyse peu approfondie du contenu réel des attributs relatifs, conçus sous des symboles d’action. D’après M. Le Roy, nous aurions de la paternité divine à notre égard une connaissance à peu près semblable à celle qu’ont de la paternité de leur propre père les enfants de cinq ou six ans. L’enfant, on le sait, ne tarde pas à prendre de la paternité de son père une notion causale, justificative des attitudes qu’il doit prendre. Dans le système pragraatisle que nous étudions, rien de semblable ne peut arriver. Que Dieu est notre Père, signilie, d’après saint Tliomas, qu’il est notre cause ellicientc ; et qu’il est notre bien, honum nostrum, signifie qu’il est notre cause finale ; c’est clairement indiquer en Dieu un fondement, une raison déterminée, intelligible, explicative et justificative des attitudes qu’emportent les mots lotre Père, notre bien suprême ; M. Le Roy, lui, ne veut pas de relation définie entre les attitudes respectueusement afTectueuses et reconnaissantes, commandées, et l’essence divine. D’après lui, si on applique la notion de paternité à Dieu, « il ne faut garder à peu près rien de ce qui la constitue proprement dans le monde de notre expérience » (^Do^me, p. 71). Que la relation causale du père au fils ne soit à peu près rien de ce qui constitue la paternité dans le monde de notre expérience, une doctrine est désespérée quand elle met en question ces sortes d’évidence. On concède que la causalité divine est mystérieuse ; mais qu’une vérité soit difficile à concilier avec d’autres, ce n’est pas une raison de la nier, si elle est prouvée ; ceci est une règle de méthode admise dans toutes les sciences. Et ce n’est pas une solution que de nous dire que la réalité sous-jacente des formules dogmatiques « contient {sons une forme ou sous une autre) de quoi justifier, comme raisonnable et salutaire, la conduite prescrite » (Ibid., p. 25). Et si l’on demandait à M. Le Uoy ce qu’est en Dieu cette prescription (car elle n’est pas rien ; et puisqu’elle est divine, il fautbien qu’elle soit en Dieu), répondrait-il qu’elle y est sous une forme ou sous une autre ? Pour avoir le droit de commander, pour commander de fait, il faut être intelligent et libre, il faut intimer une volonté. Que M. Le Roy se demande de quelle manière l’intelligence et la libre volonté sont en Dieu, c’est la question de l’univocité et de l’analogie ; se contenter de dire que la réalité divine contient, sous une forme ou sous une autre, de quoi justifier la conduite prescrite, et refnser d’avouer un Dieu personnel, c’est rester dans l’équivoque. Et si tous les noms de Dieu sont équivoques, novis ne connaissons pas Dieu, dit justement saint Thomas contre les agnostiques de son temps I, q. 13, art. 5).

2" De la négation de tout vérificatif des noms divins déterminé, intellectuellement connaissable, tiilit l’impossibilité de la révélation proprement dite des principaux mystères. Parmi les vérités révélées, il en est, et des plus fondamentales de la religion chrétienne, qui concernent Dieu lui-même, sa nature ; d’autres se rapportent aux volontés libres de Dieu, à ses œuvi-es au dehors pour notre salut. Or on ne voit pas comment la Trinité, la volonté salviUque universelle, la prédestination, la Rédemption

auraient pu être révélées par les symboles de M. Le Ro.y, je veux dire par des symboles dont le vérificatif ne serait en Dieu que « d’une façon ou d’une autre «. Sans doute Dieu est l’Incompréhensible, mais il n’est pas l’Inconnaissable ; et si nous ne pouvons pas le connaître par des concepts, inadéquats, inexhaustifs, mais en même temps exacts et précis, comment nous communiquera-t-il les secrets de son invisible essence, les décrets libres de sa volonté ?

Enfin et par contrecoup, la théorie de M. Le Roy tend à supprimer la notion catholique de la foi. D’après le concile du Vatican et tous nos catéchismes, l’acte de foi surnaturelle est >in acte intellectuel par lequel nous adhérons fermement aux vérités révélées et que l’Eglise nous enseigne, à cause de l’autorité du témoignage divin. Ceci est, comme on dit, à prendre ou à laisser. C’est un grand honneur pour un homme d’être cru sur parole, en toute hypothèse ; nous honorons grandement Dieu par l’acte de foi, jiuisque non seulement nous le croyons sur parole, mais encore nous faisons profession de le croire ainsi, parce qu’il en est digne : (/ » i nec falli nec faltere potest. M. Le Roy supprime cet hommage de la soumission intellectuelle. Il admet l’hommage de la prière, celui de l’amour, celui de certaines expériences mystiques : il confond perpétuellement l’acte de foi avec la prière, la charité, l’union mystique ; et comme il lui semble que ces expériences religieuses seules ont quelque valeur, il en conclut qu’elles sont la foi. L’adhésion intellectuelle aux dogmes lui paraît de si peu de prix qu’avec M. FoGAzzARo, il admet que, pourvu qu’un « homme aime la vérité, aime le bien, et mette en pratique ces deux amours », il sera sauvé sans la foi des dogmes. Le concile du Vatican, citant saint Paul, dit nettement le contraire : sine fide impossibile est placere l)eo, D. B., i^g.’i (16/t2). Pour un catholique, le choix est fait entre la théologie du concile et celle d’un romancier, fût-il cent fois plus grand que M. Fogazzaro.

Plusieurs ont été séduits par l’arppel fréquent que M. Le Roy fait à l’expérience religieuse. Bossuet explique fort bien à quoi l’expérience religieuse des croyants est destinée dans le plan divin : la suavité que Dieu donne à tous dans la foi, D.B., 1791 (1640), la connaissance du divin que Dieu nous donne par sentiment plutôt que par lumière (gustate et videte ; et piæ deyotionis erudiamur a/J’ectu) n’ont pas jtour but de nous faire négliger, mépriser, vider de leur contenu les formules dogmatiques, comme paraît le croire M. Le Roy. Leur rôle, c’est de nous les faire mieux comprendre. Elles sont le moyen par lequel la masse des fidèles « qui sont bien instruits par l’Eglise, mais à qui leur imagination représente mal ce que l’Eglise leur enseigne », est amenée à dépasser les idoles, c’est-à-dire " les images grossières qu’elle s’est formée de la première essence » (0/iuvres oratoires, éd. Lkbahq, t. V, p. io/(). D’après Bossuet, l’expérience religieuse nous est donnée pour épurer les représentations de l’objet de notre foi, pour nous amener à mieux croire ; d’après M. Le Roy, la même expérience supprime le croire (D. B., 1238-ia39 [1 io51106]). Cf. d’ailleursl’article Agnosticisme.

3*^ Le développement du dogme. — Prop. 54 :

« /.es dogmes, les.’sacrements, la hiérarchie, soit

quant à leur notion, soit quant à leur réalité, ne sont que des interprétations et des évolutions de la pensée chrétienne, qui, par des apports venus du dehors, ont accru et perfectionné le petit germe caché dans l’Evangile. » Cette proposition condamnée résume les deux petits livres de M. Loisy. Elle