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MITHRA (LA RELIGION DE)

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audacieuse et d’avance condamnée, vu le petit nombre et l’imprécision des textes anciens qui nous font connaître cette religion éteinte. Nous avons du moins la bonne fortune de trouver aujourd’hui tous ces textes réunis dans l’ouvrage monumental de M. Franz Gumont, le maître incontesté des études mithriaques. On ne saurait puiser à meilleure source les éléments d’un aperçu sommaire sur le culte, les dogmes et la morale de Mitlira, ainsi que sur ses relations avec la religion du Christ (Voir notre Bibliographie).

II. Le culte de Mithra. — L’initiation mithriaque comprenait sept degrés, que saint Jkrome (Epist.^ cvn. Ad Lætam) énumère dans l’ordre suivant : CoTax, Crypitius, AJiles, Léo, Perses, lleliodronius, Paler. Les trois premiers constituaient un stade préliminaire, une sorte de catéchuménat. Tertulliex parle déjà des soldats (De haptisino, v ; I)e præscriptione Iiæreiicoruiii, XL ; De corona, X’s) et des Huns de Mithra (I Adv. Marcionein, xiii), et nous donne quelque idée des épreuves par lesquelles le myste s'élevait à un degré supérieur. Au soldat, on présentait une couronne sous le tranchant d’un glaive : après l’avoir reçue, il devait la repousser de la main, en déclarant que Mitlira serait désormais sa seule couronne ; et dès lors il ne se laissait plus couronner. Le Père, — Pater, Pater sacronim, — présidait aux initiations (allusion probable chez Teritllien, Apologeticus, VIII, éd. Œhlbr, p. 70. — Voir Gumont, Textes et monuments, t. II, p. 45g), et réglait le détail des cérémonies. Le rituel milhriaque comportait encore (Tkrtullien, De præscriptionc, xl) des ablutions sj’inboliques, l’impression d’un signe sur le front, l’oblalion de pain et d’eau (Saint Justin, I Apolog., Lxvi. — Cf. CuMONT, Textes et monuments, t. I, p. 320), des onctions de miel (Porphyre, De antro nympharum, xl) : thèmes de rapprochements faciles avec les sacrements chrétiens. L’Occident paraît avoir réservé aux hommes l’accès des mystères mithriaques : les femmes n'étaient généralement admises qu'à ceux de la Mater Magna, qui en formaient le pendant. Mais en Orient elles recevaient communément certains degrés d’initiation, et jusque dans l’Afrique latine, le sol d'Œa (Tripoli) nous rendait récemment la tombe d’une lionne : on a retrouvé les sépulcres de deux époux, avec des peintures représentant un lion et une lionne bondissants, et ces inscriptions : Quæ lea jacet ; Qui leo jacet. (Communication de M. GLEUjio.Nr-GANNEAU à l’Académie des Inscriptions, 20 février igoS)

Les premiers sanctuaires de Mithra, en Perse, furent des grottes naturelles, arrosées par des sour- ces. Plus tard, à défaut de grottes, on aménagea des ; cryptes, dont le nom (spelæum, specus, spetunca, antrum) rappelait ces lointaines origines. De nos ! jours, bon nombre de mithréums ont été mis au ! jour, et l’archéologie supplémente heureusement une ' tradition littéraire très incomplète. j

De dimensions toujours assez restreintes, car les I collèges mithriaques ne dépassaient guère une cen- 1 taine d’initiés, ces édicules reproduisent presque | invariablement les mêmes dispositions d’ensemble. ! Au bas des degrés donnant accès dans la crj’pte, s’ouvre une galerie centrale : c'était la partie réservée aux ministres du culte. Au fond se détache le groupe | hiératique de Mithra tauroctone ; devant l’image du j dieu, le feu sacré brûlait sur un autel. Parallèlement | à cette galerie centrale, s'étend, de chaque côté, une ' estrade en maçonnerie, ])our les assistants. Un j récipient pour l’eau lustrale est placé près de l’en- | Irée. La lueur mystérieuse des lampes, l'éclat des 1 mosaïques et des stucs, la complexité des symboles 1

astronomiques figures sur les voûtes et les murs, complétaient le décor. Nous sommes réduits aux conjectures quant au détail du rituel, et en particulier quant à l’ordonnance de la grande fête célébrée en Orient sous le nom de Mithracana.

Albert Dieterich a pourtant publié une soi-disant liturgie de Mithra, d’après un pap^ rU9 de Paris, liibl. nat., supplément giec, papyrus 574. (Eine Mithr-asliiurgie crlaiilerl, Leipzig et Berlin, 1003 ; 20éd. par R. Wilnsch, 1912). Voici le jugement de M. Cumout, Les mystères de Milhra^, p. 153, n. 1 ; « A mon avis, ce morceau n’est ni liturgique ni milhriaque. J’ai exposé les raisons de mon scepticisme, Revue de l’instruction publique en Belî^ique, t. XLVII (1904) p. Iss., cf. Religions orientales, 2 » éd., p. 300. Je puis d autant mieux me dispenser de m'étendre sur celle question, que la controverse provoquée par la thèse de Dieterich a été résumée par M. Wansch dans la 2* édition de sa Milhrasliturgie (190y) p. 227 ss. Nous nous rallions volontiers à sa conclusion que eher wir hier sicher zu urteilen verniogen, muss die Gescliichte des Synhretismus in Acgypten viel kiarer vor uns liegea. n — Ile « t probable que le nom de.Milhra servit simplement à mettre en circulation une contrefaçon égyptienne.

III. Les doctrines. — Sur le fond de la doctrine milhriaque, notre information est encore plus précaire. Ecoutons M. Gumont, Les mystères de Mithra^, préface, p. 18 : « D’un côté nous ignorons jusqu'à quel point l’Avesta et les autres livres sacrés des Parsis représentent lesidéesdes mazdcens d’Orient ; de l’autre, nous n’avons guère que ce commentaire pour interpréter la masse considérable de monuments figurés qui ont été peu à peu recueillis. Les inscriptions sont un guide toujours sfir, mais leuicontenu est, somme toute, assez pauvre. Notre situation est à peu |>rès celle où nous serions s’il nous fallait écrire l’histoire de l’Eglise du moyen âge en ne disposant pour toute ressource que de la Bible hébraïque et des débris sculptés de portails romains et gothiques. Dès lors, l’exégèse des représentations mithriaques ne peut souvent atteindre qu’un degré plus ou moins grand de vraisemblance. »

Un premier regard sur les traditions mithriaques y distingue trois stratilications. La plus ancienne représente l’antique naturalisme des tribus iraniennes : Mithra apparaît déjà comme dieu de la lumière solaire, dans ces conceptions mazdéennes dont l’apothéose des éléments constitue le fond primitif. La Chaldée y superposa une astrolatrie savante, imprégnée de fatalisme. A son tour, la Syrie apporta son contingent de mythes : Attis, Mên, Cybéle entrent tour à tour dans l’orbite du dieu persan. La célèbre inscription d’Antiochus de Commagène (6g-3A av. J.-C. ; Gumont, Textes et monuments, t. II, p. 188) montre la fusion accomplie entre la légende persane et les divinités helléniques : Antiochus, rejeton des Achéménides et des Séleucides, institue des fêtes en l’honneur de Zeus-Oromasdès (AhuraMazda), d’Apollon-Mithra et d’HercuIe-Artagnès (Verethraghna).

L’art grec, après s'être prêté à la traduction de la donnée persane, lui imposa certaines formes consacrées, que l’Occident latin copia indcliniment. La mort du taureau, motif obligé des bas-reliefs mithriaques, symbolise la victoire de Mithra sur cette première créature sortie des mains du dieu suprême. Coifl'é du bonnet phrygien, la chlamyde au vent, du genou gauche faisant ployer l'échiné de sa victime, de la main gauche lui tenant les naseaux, de la main droite lui plongeant au liane un large couteau, le jeune dieu, entre deux dadophores dont l’un lient une torche droite, l’autre une torche renversée, personnifie, aux yeux de ses adorateurs romains, le soleil vainqueur des ténèbres. Le taui-eau expirant donne naissance à toute la