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MIRACLE

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et satisfaisante qu’ils connaissent. Ceci n’implique cependant pas que la volonté ne joue, en ce cas, aucun rôle. Elle peut avoir des habitudes profondes, des attitudes prises non sans mérite, une absence de passions qui rende raison de ses démarches les plus instinctives en apparence.

Tout cf ijui précode ne doit pas donner l’idée que lacerlitude du miracle soit une certiludemalappuyée. Ce serait en elTet une ijrossière méprise que de confondre les dispositions du sujet avec les motifs de ses jugements. Il ne faut pas croire qu’à une certitude, où la volonté intervient, corresponde nécessairement un objet vacillant ou incertain. On sait assez qu’en philosophie, par exemple, aussi bien qu’en histoire, les thèses les mieux appuyées ne sont pas à l’abri de contestations, dont l’origine est très souvent la variété des tendances du sentiment. Et il est superllu d’insister sur ce fait bien connu que la claire vision de certaines vérités, nécessaires pourtant, — telles que l’exislence de Dieu ou l’immortalité de l’âme — requièrent, pour l’ordinaire au moins, une jiréparalion morale. L Eglise catholique enseigne aussi que la certitude de la foi est une certitude libre et cependant la mieux fondée de toutes. De même, le caractère moral de la certitude du miracle n’ôle rien à sa solidité. Il sullit que les motifs en soient bons et qu’ils s’imposent à une vue que rien n’olTusque.

d- — Le lien du miracle et de la yérité qu’il atteste.

— Quelle est enfin la fermeté du lien qui rattache à lacerlitude du miracle, celle de la vérité qu’il atteste ? Nous n’avons pas à nous demander si, une fois la première acquise et tant qu’elle subsiste, la seconde peut venir à manquer, à cause par exemple d’une défaillance de la volonté. Ce serait aborder une question qui n’olTre pas d’intérêt direct pour notre recherche actuelle. Mais nous devons dire que, si la certitude du miracle disparait, la certitude de la vérité qu’il atteste ne peut absolument pas subsister. Que le fondement s’écroule, et ce qui est bâti dessus tombera du même coup. Or, comme la première certitude dépend, ainsi que nous l’avons vu, de dispositions morales, la seconde en dépend donc aussi et dans la même mesure.

Et par conséquent entin, ces dispositions de la volonté doivent persévérer sous l’acceptation de la vérité attestée, comme une condition indispensable.

— Mais, cela entendu, il importe, ici plus encore qu’ailleurs, de se souvenir de la distinction établie entre les motifs de la créance et les dispositions du crojant. Que celles-ci soient contingentes, cela n’empêchera pas le fondement de la créance d’être métaphysique et absolu. Dans le cas présent, il n’est autre que la véracité divine. Dieu ne peut ni opérer des miracles, ni permettre qu’il en soit opéré au profit du faux. Si des faits certains, et tels que nous les avons décrits, étaient présentés à l’homme, et si l’homme se trompait en les jugeant comme nousavons dit, c’est Dieu même qui l’induirait en erreur. En eiTet, dans l’espèce, le miracle est mis en connexion expresse avec la doctrine. Le thaumaturge, par exemple, s’y réfère comme à la preuve de ce qu’il enseigne. Il dit à ceux qui l’écoutent : « Pour vous prouver que je viens de la part de Dieu, je vais faire marcher ce paralytique. » Et le paralytique marche. D’autres connexions du même genre sont fournies par les circonstances où le miracle s’opère. Devant un tel spectacle, partout et toujours, l’homme moyen, qu’aucune passion ne préoccupe, dira : le doigt de Dieu est là. Il le dira instinctivement, spontanément, naturellement. D’autre part l’homme averti de la dilhculté, l’esprit criti(iue arrivera aux mêmes conclusions, si sa réllexion suit la marche tracée en

ce chapitre, conformément aux règles de la logique, de la prudence et de la droiture morale. Il conclura à écarter toute autre explication que l’explication surnaturelle. Et néanmoins l’un et l’autre se tromperaient ! Ils se tromperaient, non pas accidentellement, par suite d’une circonstance personnelle, temporaire ou locale, d’une ignorance ou d’une dépravation particulière, mais normalement, naturellement, en suivant la droite pente de leur raison, en faisant usage de toute leur intelligence, de toute leur loyauté et de toute leur prudence. Ce serait l’erreur forcée, invincible. Et cette erreur porterait sur les plus importants problèmes : sur les volontés de Dieu à l’égard de ses créatures, sur le chemin du vrai et du bien en matière religieuse et morale, sur le chemin du salut. Tout ceci parait incroyable, s’il existe un Dieu juste et vcridique. Ce Dieu ne peut permettre les événements qui détermineraient une pareille erreur ; il ne peut laisser s’établir ces connexions intimes, expresses entre une doctrine fausse et des prodiges indiscutables, portant le cachet divin. Car elles amèneraient infailliblement les conditions funestes et irrémédiables dont nous parlons. Pour la même raison, Dieu ne saurait permettre que des prodiges, apparents ou réels, opérés au profit de l’erreur par un agent quelconque, soient, en droit et par eux-mêmes, indiscernables des miracles divins K L’impossibilité devient plus criante à mesure que l’on prête à l’erreur une plus grande durée et une extension plus large. Qu’une pareille duperie parvînt à s’accréditer durant des siècles, auprès d’une portion notable de l’humanité, ce serait le plus grand scandale qu’il soit possible d’imaginer. Si donc Dieu s’intéresse au sort moral de ses créatures, il se doit à lui-même de détourner d’elles cette fatalité. Autrement elles auraient le droit de reprendre, pour s’excuser et Ijour l’accuser, le mot célèbre : Dumine si errur est, te ipso decepti sumus !

N. B. — 1° "Les agents surnaturels inférieurs. — Au-dessous de Dieu, on peut imaginer, comme auteurs des faits merveilleux, divers agents surnaturels bons ou mauvais : esprits, démons, etc. Nous ne connaissons aucun argument a priori contre leur action en notre monde.

Il est très facile de se moquer de la croyance aux

« esprits », et de plaisanter ceux qui l’admettent.

Il est très vrai que nombre de personnes s’y arrêtent pour des motifs parfaitement ridicules. La question actuelle n’est pas là. La raison fournit-elle, oui ou non, des arguments qui démontrent l’inexistence des êtres en question ou l’impossibilité de leur action autour de nous ? Non. La science positive présentet-elle des preuves expérimentales allant dans le même sens ? Des preuves contre des interventions surnaturellesanaloguesàcellesdela liberté humaine, discernables comme elles et ordinaires comme elles, oui assurément. Les acteurs mystérieux dont nous nous occupons ne sont pas à demeure sur la scène du monde. Mais de preuves scientifiques, établissant par avance l’impossibilité de leur apparition occasionnelle, il n’y en a pas. Nous avons sullisamment établi ce point en parlant de l’induction.

En revanche, nous ne voyons non plus rien de décisif à alléguer en faveur de la possibilité ou de la

1. Dieu potirrait-il même laisser s’autoriser de la sorte une doctrine dont le contenu st-rait vrai, mais cjui se prétendrait faussement révélée } Je ne le pense pas, si l’attestation portait précisément sur l’origine de la doctrine. Car ce serait encore couvrir l’erreur et induire l’homme à l’idoUUrie qui consiste à adorer comme divine une parole h : im : iine.