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MIRACLE

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conclut leur rapport causal. Mais à qui liirait, par exemple : le premier fait n’est qu’un antécédent sans ellicacité, et c’est d’une cause occulte que vient l’effet, — il n’y aurait rien à répondre d’immédiatement évident au point de vue de l’expérience et du raisonnement scientilique. Et c’est pourquoi Voccasionalisme I est si dilUcile à réfuter. On ne le réfute pas sur le terrain des faits. Il ne nie aucune évidence d observation. On le réfute uniquement par un appel au principe de raison sutlisante, en tout semblable à celui dont on se sert dans le cas du miracle. Par exemple, on dira que le cliarbon incandescent approché du bois est la cause de la brûlure. Poui-quoi ? parce que nous avons en lui une cause proportionnée à l’elïet, capable de le produire, possédant en elle l’analogue de ce qui apparaîtra dans le résultat. Nul motif n’existe de chercher plus loin. Il n’y a pas à penser, bien que, si l’on met de côté le principe de raison suffisante, la chose soit théoriquement possible, que quelque « malin génie », comme disait Descartes, substitue son action à celle du feu et produit à sa place la brûlure. De même, dans le cas du miracle, la seule cause vraisemblable est Dieu. Il n’y a pas à penser, bien que ce soit théoriquement possible, ablraction faite du principe de raison suffisante, qu’une cause occvilte agit là où Dieu semble agir, où il a toutes les raisons d’agir. Et voilà pourquoi tombe à faux l’objection d’apparent bon sens que l’on formule parfois contre le recours à la causalité divine. L’action de n’importe quelle cause naturelle, dit-on, est plus vraisemblable qu’une action miraculeuse de Dieu. contraire, répondrons-nous ; il y a des cas où cotte dernière, de par toutes les considérations que nous avons rappelées, est plus vraisemblable que n’importe quelle autre, et même la seule vraisemblable.

De quelque façon que l’on retourne la difficulté des causes inconnues, on n’y trouvera pas autre chose à opposer au miracle qu’une pure possibilité négative. Les faits passés auxquels on essaie de l’appuyer, les prévisions de l’avenir vers lesquels on la tend, n’j' ajoutent rien et n’en changent point la nature. Pour épuiser le sujet, il reste à le rappeler en quelques mots.

Des faits, censés jadis miraculeux, ont été expliqués scientiUquement. Donc conclut-on, tout ce qui n’a pas aujourd’hui d’explication naturelle peut demain en recevoir une. Pour que nos considérations sur le plan divin et la vraisemblance antécédente du miracle ne restent pas à l'état de pure théorie sans application concrète, une condition est requise : c’est qu’il y ait des faits naturellement inexpliques. Or cette condition varie avec le développement scientilique. La perfectibilité indélinie de la science évoque devant nos jeux la perspective de la disparition progressive du miracle. Dès lors, notre conclusion, appuyée sur un fondement qui se rétrécit et qui menace de disparaître, devient elle-même branlante. — Nous avons déjà rencontré ces idées et, tout en réservant notre réponse de fond qui ne saurait précéder l’examen des faits, nous avons observé que la perfectibilité indélinie de la science était un simple postulat, que rien n’appuie positivement -.

1. On sait que cette doctrine de Malebranche dénie toute efficacité réelle aux causes secondes.

2. Ci-dessus col. 527 et ">28. Nous avons vu à cet endroit que les cas d’explications naturelles données à de prétendus miræles ont été relativement rares. Si l’on meta part la catégorie des maladies nerveuses, simulant des maladies organiques et guéries instantanément p « r suggestion, ils se réduisent presque à rien. La masse du merveilleux a plutôt été réduite par la critique historitiue que par les explications naturalistes.

Rien ne nous assure que la science doive, un jour, tout expliquer. Nous avons noté aussi, dans l’argument, un passage indu à la limite. Il est entendu qu’une cause inconnue peut simuler le miracle, et qu’on peut s’y tromper, et qu’on s’y est trompé. Seulement il ne suit pas de là qu’on ail le droit de soupçonner partout la présence de l’erreur. Nous verrons bientôt avec quel degré de rigueur elle peut être exclue'. Quoi qu’il en soit, si l’on raisonnait en d’autres matières comme nos adversaires le font dans la question du miracle, aucune certitude n’y tiendrait. Parce que certains calculs se sont trouvés faux, faut-il n’accepter aucun calcul qu'à titre provisoire ? Parce que certaines explications scientifiques ont été reconnues inexactes, a-t-on le droit de se méfier de tonte la science ? Est-il j90si<iremen< /> ; ohable, à cause de ces rectifications partielles, que tout y est faux ? et par exemple, que l’on découvrira un jour que l’hydrogène et l’oxygène ne sont pas les composants de l’eau, mais qu’elle provient d’un tertium quid, resté jusqu’ici dans l’ombre ? Sans doute la matière du miracle, — matière religieuse, psychologique, historique et métaphysique, — est infiniment plus délicate à manier que ces grosses évidences scientifiques. Mais le bon de celles-ci est précisément qu’elles font saillir brutalement la difformité d’un procédé qui se dissimule ailleurs. Laissons donc de côté ces soupçons généraux, qui ne sont que des nuées. Il n’y a ici que des questions d’espèces. Dans le problème du miracle, comme partout, il arrive que l’on confonde une cause apparente avec une cause réelle. Parfois aussi, comme partout, entre deux causes vraisemblables au premier coup d’oeil, un examen plus approfondi permettra de choisir. Parfois enfin, comme partout, la question pourra demeurer indécise. Voilà un terrain concret et solide, où l’on peut se tenir et avancer. Mais dire :

« parce qu’on s’est trompé quelquefois, peut-être se

trompe-t-on toujours », c’est reprendre, à propos d’un sujet spécial, le « Qui sait ? » du scepticisme universel ; c’est émettre une assertion en l’air et évoquer une possibilité sans fondement positif.

B) Quels sont les caractères et la qualité de la certitude dont nous venons de décrire l’acquisition ?

a. — Le minimum de la certitude. — En général, elle implique au moins ceci. La nue possibilité théorique et négative des causes inconnues ne constitue pas un motif suffisant de douter. Le doute reste possible, mais il ne saurait être fondé en raison. La prudence permet, conseille l’assentiment. Car l’inconnu est improbable ; il n’est pas seulement dépourvu de raison, il y a des raisons de l’exclure. Dans les sujets neutres, que nous avons rapprochés de celui du miracle, personne, à moins d’une originalité d’esprit exceptionnelle, ne préférera la nue possibilité à une vraisemblance positive. La chose pourtant, là aussi, serait faisable. Mais ce serait caprice évident, bizarrerie sans intérêt et sans fruit. Au contraire, la question du miracle a de tels tenants et aboutissants, elle commande de façon si immédiate l’aménagement de notre vie morale, que le recul de l’esprit devant une conclusion positive est ici concevable. On voit que la certitude dont il s’agit n’est pas celle d’une démonstration mathématique, où la vérité s’impose de toute nécessité, investissant l’esprit de toute part sans qu’il trouve un coin d’ombre pour lui échapper. C’est une certitude où la sagesse pratique, la volonté droite, la prudence ont leur rôle à jouer.

b. — Le maximum de la certitude. — Souvent ce 1. Cf. ci-dessous, B. Il y a des cas où elle est métaphysiquement impossible.