Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

551

MIRACLE

552

commentaire sera requis pour qu’ils prennent leur signification : commentaire explicite fourni, soit par la prédication d’un thaumaturge, soit par la prière des croyants ; ou commentaire en action, donné par les circonstances ambiantes, par l’atmosphère spirituelle où les faits éclosent. « Un seul caractère, écrit M. l’abbé Bros, donne à ces faits, outre leur étrangeté, une forme particulière : c’est que, soit avant, soit après, soit pendant leur production, ils sont liés à des phénomènes religieux ; ces phénomènes varient sans doute, c’est tantôt une prière, parfois un ordre au nom de Dieu, ou bien un simple acte de confiance en une puissance surnaturelle ; mais ils ont tous un point commun, et cela est assez frappant pour être remarqué par un savant impartial ; il y a là les indices d’une causalité qu’il serait peut-être facile de découvrir. »

Par tout ceci, l’on voit qu’un miracle divin n’est pas un pur prodige, répai., mais un signe, uT./jtio-'. Matthew Arnold prèle gratuitement des absurdités à ses adversaires lorsqu’il résume ainsi leur opinion : « Si je pouvais, de façon visible et indéniable, changer la plume, avec laquelle j'écris ceci, en essuie-plumes, non seulement ce que j'écris acquerrait un titre à être admis comme vérité absolue, mais moi-même je me trouverais investi du droit d’atlirmer

— et d'être cru en affirmant — les propositions les plus ouvertement opposées aux faits ordinaires et à l’expérience. » C’est là déhgurer entièrement la notion du miracle divin et la confondre avec celle de la magie ou de la simple prestidigitation. Qu’un escamoteur nous fasse voir un tour de sa façon, qu’un sorcier, s’il en existe, stupéfie ou épouvante ses clients, cela ne donne ni à l’un ni à l’autre même l’apparence d'être les porte-parole de la vérité infaillible. Il reste à voir par quels moyens le prodige a été accompli, si c’est par des trucs proportionnés au résultat obtenu, ou sans moyens naturels assignables ; et dans ce dernier cas, la question n’est pas encore vidée. Il faut maintenant décider, d’après les caractères du fait, de son milieu et de ses entours, par l’enseignement même dont il s’accompagne et qu’il est censé autoriser', s’il est susceptible d'être pris pour une œuvre divine. Tant que ce dernier point est en suspens, le phénomène demeure à tout le moins équivoque, énigmatique, suspect. C’est un hiéroglyphe dont les spectateurs intrigués considèrent la structure bizarre sans pouvoir le déchiffrer, une missive venue on ne sait d’où, tracée par on ne sait quelle main.

l' L’ATTRmUTION Ml' : ME ; SES PROCÉDÉS ET SA VALEUR.

— Supposons maintenant un homme, muni de toutes les certitudes philosophiques et de toutes les indications de fait que nous avons dites, et qui, rencontrant le merveilleux sur sa route, l’attribue à une intervention extraordinaire de Dieu. Quel est ici le procédé logique et psychologique employé? et que A’aut-il ?

A) L’hypothèse est la suivante. Les faits qu’il s’agit d’interpréter sont des événements réels, bien constatés, indiscutables, et que la science laisse sans explication. Ils s’accomplissent en faveur d’une

1. Nous avons dit ailleurs comment ce dernier trait pouvait entrer en ligne de compte sans cercle vicieux.

« On doit juger du prodige, non point directement par la

doctrine qu’il atteste ou qu’il expi’ime, mais de cette doctrine, et conséquemment, du prodige lui-même, par une autre doctrint : indépendante… Pour apprécier le fait et la doctrine attestée, je me sers de principes Tenus d’une source ditTérente : avant de considérer l’un et l’autre, j’avais déjà une conscience formée, certaines idées sur l’honnêteté et la décence, certaines convictions philosophiques ou religieuses. » Immanence^ p. 225.

certaine doctrine, qui prétend être une révélation : ils l’annoncent ou la confirment. Ils se passent dans les sanctuaires d’une certaine religion, à l’invocation de son Dieu ou de ses saints, au commandement de son fondateur ou de ses apùtres. Par ailleurs, la façon dont s’opèrent les prodiges, les idées qu’ils attestent, les circonstances qui les accompagnent ne sont pas seulement irréprochables au point de vue moral, mais encore de nature à élever les âmes vers Dieu, à les ennoblir, à les pousser vers le bien. Si quelque mystère est proposé, rien en lui de puéril, ou qui ressemble à ces absurdités gratuites et stériles, inventées à plaisir pour amuser ou scandaliser la raison. De ses ténèbres émergent des apparitions lumineuses, dont l’intelligence ne sait si elles sont réelles ou non, mais où elle n’aperçoit du moins aucune dilTormité évidente. Enfin la bienfaisante efficacité de la doctrine en question se trouve confirmée par son influence dans la société humaine… Faut-il donc conclure que les prodiges opérés en sa faveur sont divins ? et que, par conséquent, elle n’est pas une doctrine humaine, où de l’or pourrait être emprisonné dans une gangue, mais la pure révélation de Dieu ? Ne vaudrait-il pas mieux suspendre son jugement, se dire qu’on se trouve devant l’inexplicable, devant des coïncidences, singulières à la vérité, mais peut-être fortuites, amenées par le jeu de causes naturelles inconnues ? Nous ne connaissons pas le tout de la nature, ses puissances et virtualités cachées. L’inconnu est peut-être là. Qui sait ? L’avenir peut-être et les futures découvertes scientifiques le démasqueront. Comment donc l’exclure légitimement ? Nous voici rendus au point le plus délicat et le plus difficile de l’interprétation des faits.

Pourquoi préférer Dieu à l’inconnu ? Parce que toutes les raisons posilires sont pour Dieu, tandis qu’il n’y en a aucune en faveur de l’inconnu. J’ai par devers moi une explication pleinement satisfaisante, et qui répond exactement à toute la question posée. Je connais une cause capable de produire le résultat ; je la sais présente ; je la vois, tout à l’entour de l'événement merveilleux, plier la matière à des fins intelligentes et morales, analogues à celle que je pressens ici ; de plus, tous les indices recueillis me rendent son action vraisemblable en l’occurrence. Pourquoi lui donner l’exclusive et me réfugier dans l’inconnu ? Celui-ci, en vertu de l’hypothèse même, est un pur x dont j’ignore tout, l’existence, la présence, l’action, et qui ne se manifeste par aucun indice ; sans cela, il ne serait plus l’inconnu. C’est donc une simple possibilité abstraite et indéterminée, dénuée de probabilité positive, que je ferais surgir uniquement pour éviter de conclure à Dieu. Cette manière de raisonner ne serait employée en aucun autre domaine. Toutes les fois que l’homme ne connaît à un événement qu’une seule cause vraisemblable, il conclut que c’est elle qui agit et non point un : r. Lorsque le savant a relevé les conditions d’un phénomène, qu’il les sait présentes et qu’il les suppose libres d’opérer, il prononce sans hésiter qu’elles agissent et leur attribue le résultat. Et jamais il ne lui viendra en pensée que quelque cause inconnue s’est glissée à leur place pour mimer leur façon d’agir.

Qu’on ne s’y trompe pas en effet : conclure à une cause parce qu’elle est la seule vraisemblable, n’est pas un « hapax » de raisonnement, un procédé qui ne sert qu’en apologétique. Partout on raisonne de même. Nulle part, — nous avons eu plus d’une occasion de le rappeler, — on ne voit la cause produire l’elfet. L’influx causal n’est pas objet d’expérience, ni de science positive. De la liaison de deux faits on