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MIRACLE

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courts écrits signalés plus huut. Assurément il est possible do i’iiusscr l’esprit d’un texte que l’on rite ; niyis on ni’accordt_Ta qu’il est encore plus facile de le faire quand on ne le cite pus. Le docinnent résille, par sa ^eule pré-ience, à certaines inteipr étalions. Se tenir perpétuellement en contact visible avec lui, est sans doute ; a meilleure garantie contre l’erreur, et la suprême honnêteté d’un critique envers son auteur et ses lecteurs.

Pourtant, je nie rends compte que, malgré tous les efforts pour donner au débat une base documentaire aussi large que possible, il ne saurait être vidé à iond que devant un public qui aurait sous les yeux les ouvrages mêmes..Malheureusement ce public n’existe pus. Les ouvrages de M. Blondel sont depuis longtemps introuvables en librairie ; les brochures où il a réuni ses plus importants articles n’ont même jamais été mises dans Je commerce. Dès lors la doctrine contenue dans ces écrits se trouve dans une condition singulière. Objet d’explications, de rectifications, de discussions sans Hn, soutenue par une propagande très artie et très ardente, elle reste inaccessible en sa teneur originelle. Aussi Honne-t-elle à beaucoup l’impression d’une chose insaisissable et fuyante, dont l’aspect se modifie selon les moments et les circonstances. Très peu de personnes, Euéme parmi celles qui étudient par profession la philosophie religieuse, sont en mesure de contrôler les dires de l’auteur et de ses amis sur le sens et le contenu de ses écrits,

PiMirtant ces dires ne possèdent point, par oux-mèracs, ne autorité indiscutable. L’histoire littéraire abonde en xemples d’auteurs qui, prétendant expliquer leurs [jfopres œuvres, y infusèrent en léalité un sens tout nouveau. Les causes de ces changements sont assignables. Elles se trouvent d’ordinaire dans révolution intérieure des écrivains. (Il est à peine besoin d’ajouter que ces interprétations fantaisistes peuvent être accompagnt’es de la plus parfaite bonne foi : ceci a lieu surtout riiez les esprits, — souvent distingués par ailleurs, — dont les qualités maîtresses ne sont point la précision et la fermeté). Or, après avoir fait des ouvrages de M. Blondel, l’étude la plus attentive et suivi patiemment la polémique qu’il a soutenue pendant vingt ans, contre tous ses critiques, pour les justifier, j’ai acquis la conviction que tel est son cas. Et le moins que puisse m’accordn ici un iecteur équitable, c’est, je crois, que la parole de l’auteur ne suffit pas à décider la question.

Au surplus, tout le monde reconnaîtra que la critique a lieu de s’exercer sur les affirmations d’un homme qui fiarle d’un sujet où il est très fort intéressé, et qui le fait avec une émotion extrême. Elle en a le devoir impérieux. sous peine de nétre plus ni impartiale ni objective, -orsque des coniradictions semblent se dessiner, et que,

;)ar exemple, les démentis de l’auteur portent sur des
: aits aussi palpables et aussi faciles à contrôler que

l’emploi matériel de certaines expressions significatives.’.a.Hevue pratique d’Apologétique^ 15 janvier 1913, p.59t> ; Immanence^ p. viii. ix, 151, 152, 155, 212 sq., 297^ etc. A propos dUine brochure… p. 5 à 7). Je regrette d’avoir I entrer ici dans ces explications et ces précisions, mais je ne pouvais me dl-pon-cr de les fournir au lecteur, sous peine de laisser dépourvues de toute justification les appréciations émises au cours de cet article sur les idées de M. filondel.

Puur être juste, je dois ajouter que, depuis mes discussions avec cet éci-ivain, un fait nouveau, et tout à son honneur, s’est produit. Par une lettie adressée à la Revue du Cierge’fraiiçais (15 juillet lOLi), — sans admettre encore à la vérité le bien fondé d’aucune critique, — il s’est pourtant décidé ù déclarer que V.iction ne représentait plus ses idées actuelles, et que ce livre aurait besoin de « modifications importantes », qui en feraient’< un ouvrage renouvelé ». Je prends acte de cette déclaration, et je déclare à mon tour que ce que je critique, ce n’est pas les idées actuelles de M. Blondel, — sur lesquelles je ne possède au surplus que des renseignements insuffisants, — mais les idées exposées dans ses ouvrages.

Note B. — Sur la partie constructive
de la théorie de M. Le Roy.

Nous retrouverons, au cours de cette étude, plusieurs objections particulières de M. Le Roy. qui ne tiennent pas essentiellement à la philosophie de la contingence, et

dont il n’y avait pas lieu do s’occuper à propos d’elle. Quant à la partie coustructive de la théorie, nous l’avons pareillement laissée hors de cause, parce qu’elle ne représente qu’ur.e forme rajeunie du naturalisme. Cependant, comme elle a joui, à son heure, d’une certaine notoriété, nous en plaçons une brève analyse dans cet appendice.

Pour M. Le Roy, comme pour M. Bergson dont il est le disciple, un courant unique de vie est à l’origine du monde. De ce courant procèdent pareillement les esprits et la matière, mais la matière est dérivée et l’esprit est primitif. (Voir le détail de cette conception, im|)Ossibleà exposer en quelques lignes, dans V Introduciian, p. HiJsq.) l’ne liberté latente est donc au fond de tout. Elle n’arrive i se manifester pleinement que dans l’homme ; mais les inventions, les variations incessantes de la natui-e sont aussi de sa part des efforts d’alVranchissement plus ou moins entravés. Le miracle est une de ses réussites exceptionnelles. L’esprit, source première et, en droit, maître des corps, n’en fait pas, pour l’ordinaire, ce qu’il veut. A de rares intervalles seulement, monté jfour ainsi dire à un potentiel d’énergie élevé, sous l’inQuence de la foi religieuse, il éclate dans le monde en œuvres imprévues. Sa maîtrise, àon pouvoir créateur s affirment soudain, puis tout retombe dans le calme et la routine.

On le voit, d’après cette théorie, c’est l’énergie naturelle et innée de l’esprit qui se fait jour dans le miracle ; la puissance de Dieu n’y agit point 6 part et au-dessus des causes secondes. Une guérison est l’teuvre de la foi, considérée non point comme une convenance morale, comme une prépaiation aux faveurs divines ou un mérite de l’âme, mais comme l’agent direct d’une tiansformation physique. Et celle foi est efticace plutôt en vertu de son intensité, de son aptitude ii imprimer une secousse physiologique, que de sa perfection. Elle développe ses contre-coups fatalement, à la façon d’une « force de la nature ».

Une telle construction n’enferme contre le miraclr*, aucune difliculté a priori autre que celles du naturalisme et du déterminisme. Celles-là mises à part, il ne reste plus qu’à attendre l’enquête sur les faits, pour savoir ce que la foi guérit, et si ce n’est pas une fantaisie dépourvue de vraisemblance que de lui attribuer des prodiges tels qu’une résurrection, une multiplication de pains ou une marche sur les eaux. (Voir dans l’Introduction, l’Appendice IL)

Chapitre IV. — L’attitude qu’il faut adopter,

explications naturelles

et explications surnaturelles.

Après avoir repoussé les préjugés qui prétendaient s’imposer à nous sur la question du merveilleux, il nous reste à dessiner l’attitude que nous adopterons pour l’étudier. Ce sera la moins exclusive. Nous n’écarterons a priori aucun principe de solution, aucune explication plausible. Il est possible que les faits merveilleux dont on parle soient controuvés. Il est possible que des explications scientifiques acceptables soient fournies à leur sujet. Il est possible même que l’action de forces naturelles inconnues présente, de prime abord, l’aspect de libres interventions surnaturelles : nous verrons plus loin si l’on peut discerner les premières des secondes’. Mais ce que nous ne ferons pas, c’est de décréter d’avance que les explications indiquées suflisent pour tous les cas. Nous ouvrons donc immédiatement la question des explications surnaturelles. Parmi elles, la première qui se présente, celle sur quoi roule tout le principal des discussions, c’est l’explication par Dieu, par un Dieu personnel, intelligent, libre et maître souverain du monde. Plusieurs admettent son existence, qui rejettent le miracle. Des doctrines, qui ne font appel à aucune révélation, prétendent la démontrer. Nous supposons cette démonstration faite (Voir article Dieu, ci-dessus,

I. Ci-dessous, col. 552 sq.