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MIRACLE

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là, il sera vain de chercher en dehors d’eux l’explication des phénoiuènes. L’expérimenlateur ne sera point tenté d’attribuer dans ce cas l’origine de l’eau à l’influence des planètes ou à quelque cause inconnue dont l’action resterait voilée’. Pourquoi ? Parce que la place est occupée ; la raison sullisante est découverte : les concomitants quelconques et l’inconnu lui-même sont écartés comme superllus, sans qu’on ait à s’occuper d’eux directement. Mais il n’y a rien en tout ceci qui ressemble à l’élimination totale du merveilleux, fondée sur l’observation de certains cas d’erreur ou de fraude. Appliqué à notre sujet, le procédé prouvera simplement qu’il est inutile de recourir à une cause surnaturelle quand on a découvert une explication naturelle sullisante, ce qui est une vérité de La Palisse. Le merveilleux sera exclu indirectement, toutes les fois qu’une causalité naturelle sera démontrée présente. Rien de plus, et c’est peu.

L’induction n’aboutit donc à aucune conclusion décisive contre le merveilleux. C’est qu’en elTet elle ne s’occupe pas des questions de possibilité ou d’impossibilité. Elle s’en tient aux règles de fait. Elle ne dit pas : « Ce phénomène doit néeessaireuient accompagner ou suivre toujours cet autre » ; mais : ’I Ce phénomène suit ou accompagne cet autre quand les conditions voulues sont réalisées. » Elle ignore si des agents inconnus pourraient modifier, suppléer, ou entraver l’activité de ceux qu’elle a découverts.

B) Objection indirecte : Us conséquences antiscientifiques de l’admission du merveilleux. — L’admission du miracle est, dit-on, incompatible avec la science expérimentale. Fondée sur l’observation et l’induction, celle-ci existe et réussit : elle constitue un fait énorme et qui s’impose. Or, l’âme de la science ainsi construite, c’est le principe d : i déterminisme. Ce principe suppose que « les conditions d’existence de tout phénomène sont déterminées d’une manière absolue. Ce qui veut dire, en d’autres termes, que la condition d’un phénomène une fois connue et remplie, le phénomène doit se reproduire toujours et nécessairement, à la volonté de l’expérimentateur. La négation de cette proposition ne serait rien autre chose que la négation de la science même. » (Claude Bernard.) u Tout calcul est une impertinence, s’il y a une force changeante qui peut modilier à son gré les lois de l’univers….> (Renan)-.

Nous avons ici affaire à une déformation grossière de la thèse attaquée. On peut accepter le miracle sans le mettre partout. La plupart de ceux qui y croient voient en lui une exception rare, vraisemblable seulement en certaines circonstances, et justifiée chaque fois par des motifs qu’un examen attentif peut discerner. Les objectants le supposent vraisemblable partout et toujours. On le signale dans les églises et les ])èlerinages : c’est assez, disent-ils, pour qu’on l’attende dans les laboratoires… — L’idée du miracle implique celle de la constance habituelle du cours de la nature, objet de la science expérimentale, car, s’il n’y a point de règle, il ne peut y avoir d’exception. Les objectants supposent au contraire que le miracle abolit tout l’ordre de l’univers. Comme si une dérogation, qui suspend la loi pour un seul cas parmi des billions et des Irillions de cas semblables, la détruisait, ou même était capable d’empêcher qu’on ne la vit désormais fonctionner d’une manière habituelle, et qu’onenpùtprédire l’application avec une certitude pratiquement infaillible !

1. Sur le détail des raisonnements qui rendent cette conclusion assurée, voir Introduction, p. 59.

2. Cf. ci-dessous, col. 543.

§ IL — Induction ami. ?jant de simples conjectures

D’après Alatthew Arnold, il faut concéder qu’il n’j' a pas contre le miracle d’induction complète et rigoureuse. Mais il y a, pense-t-il, dans ce sens, des présomptions sans cesse grandissantes. A mesure que l’humanité devient plus savante et plus critique, l’interprétation par le merveilleux recule. N’est-ce pas là une indication que cette dernière Unira, avec le temps, par disparaître ?

Cette objection se subdivise en deux parties fort distinctes. La première s’appuie sur les faits réels, censés jadis miraculenx et que la critique scientifique a remis à leur place. La seconde porte sur des faits miraculeu.f, censés jadis réels, et que la critique historique a reconnus controuvcs.

1° a) Il y aurait fort à dire sur le fondement de la première partie de l’objection. Car certains auteurs l’élargissent à plaisir, pour les besoins de leur cause. Renan. Loisy (sous le pseudonyme Firinin) nous parlent d’une époque où l’humanité voyait le miracle partout, où l’idée d’un ordre de la nature n’existait même pas dans les esprits. Allirmation d’un caractère hautement fantaisiste, car les anciens, si crédules <|u’ils fussent, distinguaient cependant le prodige du cours ordinaire des choses : la preuve en est l’attention même qu’ils lui ont donnée et le soin qu’ils ont mis à le noter. Aussi bien dans la Bible que chez les historiens classiques, par exemple, une suile d’événements normaux est présupposée, que les merveilles n’interrompent, en somme, qu’assez rarement. En outre, un très grand nombre d’événements présentés comme extraordinaires par les anciens, mériteraient encore, s’ils étaient réels, cette qualification. Et enfin, il reste à savoir si le merveilleux déclassé par la critique scientifique moderne l’a été à bon droit. On ne nous demandera sans doute pas de l’admettre les yeux fermés, sur la foi des objectants. Les tenants du naturalisme le plus radical reconnaissent ouvertement l’inexactitude et parfois le ridicule de certaines explications inventées par leurs devanciers. Il serait donc parfaitement déraisonnable de conférer d’avance un caractère indiscutable aux explications naturelles proposées en si grand nombre. Il faut voir ce ([u’elles valent ; et, puisque nous traitons le problème par la méthode inductive, le moyen unique que nous ayons pour cela, c’est de les examiner, une par une, quand elles se présenteront à propos des faits. Cet examen peut seul nous renseigner, et ni nous, ni personne, n’avons le droit d’en escompter dès maintenant les résultats. — Si l’on tient compte de ces diverses remarques, le fondement de l’objection va se rétrécir singulièrement. On ne verra plus un si grand nombre de faits réputés jadis miraculeux, et tenus maintenant, de façon indiscutable, pour réels et naturels. Surtout l’hypothèse du merveilleux primitivement installé partout apparaîtra historiquement comme une pure fiction.

b) Mais quand bien même toutes les prémisses de l’objection tiendraient bon, rien de décisif ne s’ensuivrait. En effet, elles supposent que le merveilleux n’est pas expliiiué tout entier : puisque les explications passées sont scuieinent présentées comme le gage d’explications futures, non encore trouvées. Or il est impossible de conclure des unes aux autres.

De cette circonstance qu’un grand nombre de cas ont été résolus, on ne fera jamais sortir, je ne dis pas la certitude, mais une [u’obabillc positive que les autres le seront aussi et de la même façon. Car ils sont peut-être hétérogènes : c’est ce « peut-être », dont on ne se débarrassera que par la métaphysique, qui tient ici tout en échec. Il jaillit des faits eux-mêmes, car, à ne regarder iju’eux, nous pourrions