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MIRACLE

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empreintes, peuvent déjà suggérer l’idée qu’une Inlellii^ence supérieure y agit. Mais cette action constante, commune, attendue, n’ayant rien d’exceptionnel, se trouve, par là même, en dehors de notre sujet.

Pour introduire la distinction toute superficielle, i(ui uous suUit à ce début d’étude, entre l’ordinaire et l’exceptionnel, nous ne mettons en œuvre aucune philosopliie ; nous ne faisons appel à aucune eonceplion particulière des « lois » de la nature ; nous ne cliercbons point à délinir ce que c’est que rareté ou fréquence. Nous prenons pour accordé un seul point, que peu de personnes assurément seront disposées à contester : c’est qu’il y a moyen de discerner les interventions d’une liberté quelconque du train ordinaire des choses ; c’est qu’un eO’el voulu en particulier, un arrangement intentionnel de circonstances en vue de lins spéciales tranche sur l’ordre général. Nous acceptons le terrain sur lequel Renan a posé le l>roblème. Dans l’univers, dit-il, « tout est plein d’ordre et d^harmonie ; mais dans le détail des événements, rien n’est i)articulièrement intentionnel… i’il y avait des êtres agissant dans l’univers eomxue l’homme agit à la surface de sa planète… on s’en apercevrait ». C’est cela même. Mettant à part les œuvres de la nature et de l’homme, nous cherchons s’il y a encore autre chose.

c) Un phénomène ne sera point, pour nous, réputé merveilleux par le seul fait qu’il sera nouveau, insolite, rare, ou que la cause en sera inconnue. Il faudra, de plus, qu’il présente quelque apparence d’être l’elfet des volontés particulières d’un être intelligent autre que l’homme. Les propriétés nouvelles découvertes chez les agents physiques, — transmission des ondes herziennes, radioactiité, etc., — pour déconcertantes qu’elles soient, n’ont évidemment à aucun degré ce caractère.

Nous appellerons mekveillbux réel celui pour lequel cette apparence se trouverait conforme à la réalité.

Nous réserverons le nom de miraclk à une catégorie particulière de merveilleux : celle qui serait attribuable à l’intervention d’un Dieu unique et distinct du monde, tel que celui des chrétiens ou des simples spiritualistes.

Pourquoi faut-il poser le problème du merveilleux et du miracle ? Pour la mtiue raison qu’il faut poser le problème religieux. L’idée de prodige surnaturel ou extranaturel est une des idées les plus répandues, les plus fondamentales dans les religions positives. On ne peut résoudre le problème religieux sans prendre parti sur elle. Je dis : sur elle, sur le miracle en général, et non sur quelque histoire de merveilles qui, de prime abord, peut sembler à bon droit inacceptable. Il ne s’agit pas de tel ou tel détail : il s’agit de l’ensemble. E-Jt-il permis d’écarter le bloc sans examen ? Pouvons-nous, sous l’empire d’un mépris préjudiciel ou d’un dégoiit instinctif, rejeter l’hypothèse même des interventions surnaturelles en ce monde ? Si pourtant, derrière quelqu’un de ces événements extraordinaires, le divin se cachait ? Si, sous ces liumbles formes sensibles, une invitation, un ordre peut-être, venait vers uous de l’inlini ? Ne serions-nous pas coupables de les avoir négligés ? Tant que la supposition n’est pas jugée évidemment absurde, le devoir subsiste d’examiner. Dès là qu’on admet qu’il y a une question religieuse et que tout homme doit la poser et la résoudre, sans en biffer aucune donnée, il est impossible de se réfugier ici dans l’abstention. En présence d’une idée aussi persistante et aussi ancrée parmi les hommes que celle du miracle, en présence de faits qui. s’ils

étaient établis, raodilieraienl peut-être l’assiette de notre vie morale, aucun liomme sincère avec lui-même ne peut se contenter de hausser les éj)aules et de passer. Il faut qu’il aborde le troublant sujet, ne l’ùt-ce que pour se prouver à lui-même qu’il peut légitimement s’en désintéiesser.

La plupart des négateurs du miracle ont contre lui un parti pris d’ordre philosophique ou critique, lis ne jettent les yeux sur les faits et les documents que persuadés d’avance, soit de son impossibilité ou indiscernabilité, soit du moins de l’imprudence qu’il y aurait, critiquenient,.à l’admettre. Dès lors la conclusion de leurs enquêtes est jirédétermince : elle ne saurait être que négative. Ce sont donc les présupposés qui importent ici plus que tout, et c’est en eux que se trouvent, sinon les seules, du moins les principales dillicultés. Voilà ])ourquoi nous examinerons, en deux parties successives, les attitudes, philosophiques et les attitudes critiques antérieures à l’étude des faits, opposant partout l’allilude correcte à celles quenous aurons montrées défectueuses.

I « PARTIE.— LES ATTITUDES PHILOSOPHIQUES PRÉSUPPOSÉES A L’ÉTUDE DES FAITS

Parmi les attitudes philosophiques exclusives du miracle, celles-là seules ont le droit de trouver place ici qui dirigent contre lui des arguments directs et particuliers. Il y en a d’autres ipii l’excluent par voie de conséquence nécessaire et sans avoir à s’occuper spécialement de lui. Il se trouve, par exemple, évidemment inconciliable avec l’athéisme, le matérialisme, le fatalisme. Dans ces doctrines, la négation du surnaturel n’est que le pur corollaire, sans intérêt ni difficulté spéciale, d’un sysième général du monde. Et il est clair qu’avec ceux qui ont une fois accueilli de pareilles prémisses, c’est elles qu’il faut débattre, et non la qutstion du merveilleux. Laissant donc ces systèmes de côté, nous nous attacherons à ceux qui en veulent particulièrement et directement à l’idée du miracle. Les principaux et les plus actuels peuvent se grouper sous trois chefs : Naturalisme, Déterminisme, Philosophies de la Contingence.

Chapitre I. — Le Naturalisme.

Exposi- :. — Le naturalisme consiste précisément dans la négation directe du miracle en tant que fait surnaturel. Pour lui, le monde que nous habitons est un système clos, oii rien ne pénètre du dehors. Les événements qui s’y passent, si étranges soient-ils, doivent tous trouver leur explication dans les forces ou les cléments qui le constituent, dans les influences qui s’y exercent de façon régulici-e. Contingent ou nécessaire, réductible à la matière ou à l’esprit, ou, au contraire, résultant de facteurs divers, le développement des êtres et des choses s’exerce selon un mode unique et toujours identique à lui-même, n En ce qui me concerne, écrit T. H. Huxley, je suis obligé d’avouer que le terme nature enveloppe la totalité de ce qui existe… Je suis incapable d’apercevoir aucune raison pour couper l’univers en deux moitiés, l’une naturelle et l’autre surnaturelle ». « Ou cela n’est pas, dil Anatole France, ou cela est, et, si cela est, cela est dans la nature et par conséquent naturel. » Tout est donc exijlicable de la même manière que ce qui est déjà scicnfiliqueinent expliqué. Pour trouver la raison de n’importe quoi, nous n’avons à mettre en œuvre que les données physiques, chimiques, biologiques, psychologiques, etc., quenous offre l’univers :