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Un de ces faits, répélons-lc, c’est l’influence de la vie organique et sensible, sur la vie intellectuelle ; un autre lait, c’est que l’activité psychique supérieure est essentiellement dilTérente des activités « cérébrales » : celles-ci sont à l'égard de celle-là des conditions, des concomitants…, elles ne sont pas ses élémenls con, itUuti/'s.

Le vrai spiritualisme n’a jamais méconnu le i)remier de ces deux faits ; il suifit, pour en être bien convaincu, de ne pas ignorer la théorie scolastique de l’origine des idées. Que des biologistes, philosophes à la façon de Hæckel, multiplient les preuves du fait en question, c’est fort bien, quoique assez inutile ; mais que l’on s’imagine avancer par là les affaires du Matérialisme, ce n’est plus qu’un de ces cas ai>pelés en logique ignoratio eleiiclii.

Le Matérialisme, lui, ne peut absolument pas s’accommoder du second fait : n’y eût-il qu’un seul phénomène immatériel, il suilirail à barrer la roule au Matérialisme ; si celui-ci n’explique pas toute ta réalité conformément à ses principes, il est logiquement irrecevable, même à titre de simple hypothèse.

Mais est-il bien utile d’insister sur des preuves d’un caractère technique ? Sans doute, à l’heure où nous sommes (lin 1917), cette simple réflexion aura une plus grande force persuasive, que : pour le Matérialisme, les termes de vérité el d’honneur, de l’ie morale elde religion, de droit, de devoir et de justice, sont forcement des mots vides de sens. Essayez plutôt de leur en attribuer quelqu’un, si rien n’est réel que les choses matérielles. Or s’il arrive, à certaines époques, que sous l’inlluence d’un dilettantisme sceptique l’on s’abandonne mollement au flot berceur des sophismes les plus audacieux, il est aussi des heures où l’on voit, où l’on sent, où l’on voudrait crier la réalité et la valeur de ces « choses impondérables ». Et qui donc, aujourd’hui, voudrait rester sourd et aveugle à la leçon des événements, et attribuer, par exemple, d’une part, même valeur à telle décision tragique dictée par l’honneur et la lidélité, — et, d’autre part, à telle course au succès, écrasant avec une féroce brutalité tout ce qui gène ?… Ce serait pourtant dans la logique du Matérialisme, et cela le démontre erroné et malfaisant.

Conclusion. — Il y aurait cependant naïveté à croire que le Matérialisme, dûment réfuté, soit appelé à disparaître sans retour. Trop de raisons s’jopposent, parmi lesquelles : l’effort de réflexion nécessaire pour comprendre les réfutations elles-mêmes, — les raisons d’ordre pratique el moral qui solliciteront toujours l’humaine làchelé dans le sens d’une doctrine si commode, — le fait même de l’intime union constatée en chacun de nous, entre la vie supérieure, intellectuelle, et la vie sensible ; ce seul fait exposera toujours à confondre ces deux classes de phénomènes, et cette confusion est, dans l’ordre des idées et de la spéculation, la principale source de vitalité pour le Matérialisme. C’est pourquoi l’on a, dans cet article, insisté quelque peu sur ce point-là, central et délicat tout ensemble.

Il ne faut pas compter davantage, pour arrêter en chemin les conséquences pratiques d’un Matérialisme qui serait devenu populaire, sur les préférence » idéalistes que manifestent aujourd’hui nombre de penseurs. L’idéalisme, pour la foule, sera toujours

« viande creuse » ; el, vraiment, on ne saurait montrer qu’en ceci la foule ait lort. Seule la vérité peut

satisfaire toutes sortes d’esprils et d'âmes : et la vérité est que l’homme est un être complexe, à la fois matière caduque el âme immortelle ; — que ni l’homme ni l’univers ne se sullisent en rien ; — qu'à l’origine comme au terme linal de toute la création, il y a Dieu.

Touie III.

Indica-Tions miîUOGnvi’Hii.>UES. — A) Exposés liu matérialisme. — Le meilleur est encore le poème de Lucrèce, De natura reruin.ie plus tapageur est le livre de Hæckel, f.es Enigmes de l l’nivers{iH(jg), qui s’est substitué à celui de Biichner, Force el matière (1855). L’un et l’autre furent, assez récemment, mis ou remis à la portée du grand public français, par les soins des éditeurs Schleiclier frères. Notons en passant que, du mouvement matérialiste dont la France fut le théâtre au xviii" siècle, l’un des trois protagonistes élait venu d’Allemagne, le baron d’Holbach ; un autre, Helvetius, était petit-lils d’un Allemand ; quant au troisième, La Meltrie, il s’en alla mourir en Prusse, auprès de Frédéric H.

B) Critiques du iMatérialisme. — P. Janet, Le matérialisme contemporain en Allemagne, GermerBaillière, 1864. — F. -.4.. Lange, Histoire du iii, (1866) : t. I, Hist. du m. jusqu'à Katit ; t. II, depuis liant. Trad. fr. par B. Poramerol, Paris, 187718jg. — E. Caro, Le matérialisme et la science, Hachette, 1868. — L. Bossu, prof, à l’Univ. de Louvain, Réfutation du matérialisme, Louvain, Ch. l’eeters, 186g. — S. Oliver Lodge, La vie et la matière (1905) ; trad. fr. par J. Maxwell, Alcan, 1907. — B. Saulze, Le monisme matérialiste en France, Beauchesne, 191 2.

J.-M. Dahio.


MIL (L’AN). — Les historiens du xvui" et du xix' siècle ont unanimement raconté qu’au x= siècle les populations de l’Occident chrétien s’attendaient à la fin du monde pour l’an mil. Plusieurs d’entre eux, SiSMONUI. GiNQUENÉ, MiCHBLET, CAnoucci, GeBHAHT, ont » développé d’une manière dramatique le tableau des terreurs grandissantes dans lesquelles on voyait arriver l'échéance fatale, de l’effroyable nuit de la Saint-S3'lveslreg9g, et de la joie délirante avec laquelle on salua le soleil se levant vers le i" janvier 1000. Ces pages pathétiques ne provoquent plus que des sourires, aujourd’hui que de la légende des terreurs de l’an mil il ne reste que le souvenir d’une des plus bizarres bévues de l'érudition moderne.

A entendre ceux qui se sont faits les propagateurs de la légende, les terreurs relatives à l’an mil seraient nées d’un passage de l’Apocalypse (xx, 1-7) où il est dit qu’un ange enchaînera l’antique serpent pour mille ans ; que pendant ce temps les justes régneront avec le Christ, qu’après cela Satan sera déchaîné et séduira les nations, mais que le feu du ciel descendra sur lui et sur elles et qu’ensuite apparaîtront un ciel nouveau et une terre nouvelle. Entre ce passage obscur et l’attente de la lin du monde pour l’an mil, il n’y a aucun lien logique, el il n’y a pas la moindre preuve qu’au x' siècle on ait pensé à en trouver un. C’est sur la foi d’un raisonnement, et non d’un témoignage, comme il convient en matière historique, que les historiens modernes ont introduit dans Ihistoriogi-aphie les terreurs de l’an mil. Aussi est-il arrivé de temps à autre que des érudits sérieux, mais qui écrivaient sur la suggestion de la légende, aient constaté avec vin étonnement naïf qu’ils ne rencontraient nulles preuves de ces terreurs cependant universelles. Mirum est, écrivent les auteurs du Recueil des historiens de Gaule et de France, nullam de fine mundi injectam fuisse mentionem, siquidem per unimos fere omnium jam pervnserat summi hujus discriminis opinio ; tome X, p. 128. De cette constatation à la conclusion qu’il s’agissait d’une légende, il n’y avait qu’un pas ; toutefois on mit plus d’un siècle à la franchir.

Ce fut en 1898 que Dom Plaine, dans le tome XIII

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