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MATÉRIALISME

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généralisation autorisée, si l’on veut, par toute l’expérimentation scientifique. Le principe de Lavoisier n’est rien de plus : ni évident par lui-même, ni susceptible, dans son universalité, d’une démonstration purement expérimentale.

2) Principe de conseivalioti de Vénergie. — Il a, tout au jilds, la même valeur que le précédent : une hypothèse seientilique, assez appuyée par les faits. (Voir : Déterminisme puysiqub, t. I, p. 984 du Uictioiinaire)

h) — L’assemblage des deux lois ci-dessus rappelées, l’union des deux principes de conservation dans un seul, dans l’axiome ou la loi de substance, est la propriété de Hæckel : non pas seulement parce que c’est ici son œuvre, mais encore en ce sens qu’il risque fort d'être seul à voir dans cetassemblage un progrès merveilleux ; lui seul, enfin, peut apprécier les raisons qu’il doit avoir — mais qu’il ne dit pas — d’aflirmer la parfaite identité : i) de la force et de l'énergie ; — 2) de la force on énergie et de la matii’re oumasse. — i) Les physiciens distinguent les notions de force et d'énergie, l’une étant beaucoup plus générale que l’autre ; Hæckel trouve que c’est là une pure subtilité : libre à lui ; mais alors, le principe de conservation de l'énergie est-il encore soutenable ? — 2) On ne songe guère à contester l’union intime, dans la réalité corporelle, entre sa masse et ses énerg’ies. Mais qu’elles soient la même chose, c’est ici une affirmation gratuite au premier chef, et, de plus, manifestement erronée : en effet, dans l’hypothèse de l’identité, l'énergie ne pourrait ni croître, ni diminuer, dans une matière déterminée ; le principe de conservation de l'énergie regarderait, non plus seulement un « système clos », ou l’ensemble du monde matériel, mais aussi toute portion de la matière I Inutile d’insister. D’autant plus qu’on ne voit ni avantage ni inconvénient, du point de vue matérialiste ou bien du point de vue spiritualiste, à réunir dans une seule loi les deux principes de conservation.

2" Interprétation monisle de la loi de substance.

— Ayant emprunté à la science deux formules célèbres pour en constituer sa loi unique de substance, Hæckel prend ensuite la substance dans un sens très particulier ; dès lors, plus rien ne l’autorise à parler de résultats acquis ou même d’hypothèse scientifique, lorsqu’il dogmatise ainsi : a) il n’existe qu’une seule et unique réalité, la substance, à la fois matière et esprit. Dieu et monde corporel ; — b) la substance (matière et force) est infinie, et éternelle ;

— c) la substance, ici consciente et là inconsciente, est vivante partout ; — d) elle travaille aiec plaisir à se concentrer ; mais aussi, douloureusement tiraillée par le fait même, elle résiste à son propre effort de concentration ; — e) cela explique les phénomènes de la nature.

Il importe peu, à la vérité, que le monisme de Hæckel ait besoin de semblables hypothèses ; mais il faut redire qu’elles sont parfaitement étrangères à la science. O. Lodge les traite de « prétentions extravagantes » (l. c, p. 28) ; et il estime que le monisme du professeur Hæckel « apparaîtra aux philosophes rudimentaire et vieilli, tandis que les savants le tiendront pour dénué de preuves, hypothétique, erroné dans quelques-unes de ses parties, et en somme peu convaincant. » (p. 1 7) En effet 1 Et souvenons-nous que Sir O. Lodge est lui aussi moniste, par provision peut-on dire, en attendant l’apparition d’un monisme acceptable : ses critiques, bienveillantes par principe, n’en sont que plus significatives. Indiquons brièvement les nôtres :

a) Le principe : il n’existe qu’une seule réalité…, formule un panthéisme caractérisé. Or il est tout à

fait impossible que le inonde soit vraiment Dieu (voir : Monisjie et Panthéisme). Hæckel le sait bien : il rappelle que le panthéisme est un athéisme poli ; et c’est justement pour évincer Dieu, qu’il affirme… (Il affirme l'éternité…)

b) L'éternité en même temps que l’infinité de la substance (matière et force). Mais de quel droit ? Et qu’en sait-il ? — i. Sur l’origine première des choses, les sciences ne peuvent rien nous apprendre de positif : faites surtout de la constatation du présent, elles permettent de jeter, soit en avant, soit en arrière, un regard d’autant moins assuré qu’il veut porter plus loin ; il suffit, pour s’en bien convaincre, de voir par quels tâtonnements se construit une hypothèse cosmogonique présentable, par exemple, celle de LaplaceFaye-Ligondès. Encore importe-t-il de le remarquer : ces hypothèses n’ont point la prétention de nous renseigner sur la toute première origine du monde : celle-ci, de toute nécessité, exige un Créateur (voir : CniiATioN). — 2. /.'infinité actuelle du monde, tout aussi complètement que l’infinité de sa durée passée, échappe aux prises de la science positive : le télescope assez puissant pour atteindre aux limites d’un monde simplement fini, mais un peu vaste, n’est pas découvert ; et de prétendre que, grâce au télescope, nous savons que la place manque pour une autre vie, c’est se moquer, sans plusl

c) L’assertion suivante, savoir : que la substance unique est vivante en toutes ses parties, mérite tout particulièrement les qualifications de « vieillie », et

« dénuée de preuves ». C’est, en effet, le pur hylozoïsME, la plus vieille des doctrines cosmogoniques

grecques ; et il reste toujours vrai que cette antique hypothèse se heurte violemment contre les données les plus positives de l’expérience vulgaire et de l’expérience scientifique. Ou plutôt, avec les progrès de cette dernière, le conflit est devenu plus aigu : car si la vie était partout cachée dans la matière, elle devrait se développer et apparaître partout, à de certaines conditions de milieu, faciles à préciser. En est-il ainsi ? Non. Depuis les expériences de Pasteur, nous sommes certains que, même dans les milieux les plus favorables, la vie ne se développe et n’apparaît jamais qu'à partir de germes déjà organisés, ayant appartenu à des êtres incontestablement vivants. Toute matière siirement dépouillée de tels germes, est et reste indéfiniment stérile en fait de manifestations vitales. La démonstration scientifique est faite. Les célèbres « monêres » sont une pure invention de Hæckel.

Enfin les derniers éléments d) — e) de la doctrine de la substance sont encore moins fondés, si possible ; et, sans doute, Hæckel en conviendrait : il les a pris dans la théorie pykiiotique de la substance, construite par Vogt ; or celle-ci est rejetée parla physique moderne ; elleest « très imparfaite, et les spéculations de Vogt » doivent être « souvent des erreurs ». Hæckel se déclare « trop peu familier avec la physique et les mathématiques, pour pouvoir séparer leurs bons et leurs mauvais côtés ». Et cependant, Hæckel emprunte à une théorie si suspecte plusieurs de ses affirmations ; pourquoi ? Parce qu’il les tient pour indispensables à toute conception de la substance vraiment moniste ». (Enigmes, p. 253) Voilà bien la grande raison, la raison unique et déterminante I Libre à Hæckel de s’en contenter. Mais, en bonne logique, une hypothèse gratuite ne gagneaucun poids en s’accrochant à des hypothèses aventureuses. II ne faut point parler ici de données, ou de résultats, ou de bases scientifiques ; les éléments de la doctrine de Hæckel ont un tout autre caractère, et notro but a été de le montrer sur quelques exemples. Il nous suffira d’ajouter peu de mots, relativement à sa