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MATERIALISME

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a) Ensuite, quelques principes concrets de physique générale : a) Il n’y a de réel que les atomes et le vide ; doux et amer, cliaud et froid, etc…, simples impressions (opinions) ; , 3) il y a infiniment d’atomes, et ils sont de formes et de grandeurs infiniment variées ; y) toute la diversité des choses tient à la diversité des assemblages d’atomes : diversité de formes, de nombre et de grandeurs ; à) (activité) les atomes tombent éternellement à travers l’immensité de l’espace. Dans cette chute éternelle, les atomes possèdent des vitesses variées comme leurs grandeurs ; de là, choc des atomes plus grands sur les atomes plus petits qu’ils trouvent sur leur chemin. Comme ces chocs, règle générale, ne doivent pas avoir lieu suivant la ligne des centres et que, d’ailleurs, les atomes sont de formes diverses, il doit se produire des mouvements latéraux et des mouvements de rotation (billard) ; et ces mouvements doivent s’enchevêtrer de plus en plus. De là, une infinie variété d’assemblages et de dislocations, et c’est, en définitive, toute l’activité et tout le changement réels.

3) Principes de psychologie. L'âme, comme toutes choses, est formée d’atomes ; ils sont subtils, sphériques et lisses, semblables à ceux du feu. Ils sont de tous les plus mobiles ; et comme ils pénètrent dans tout le corps, leurs mouvements donnent naissance aux phénomènes de la vie.

L'àme, dans ce système, est une matière spéciale, répandue dans tout l’univers ; car partout il y a chaleur et vie. L’intelligence, matière à côté d’autres matières, mouvement qui résulte des propriétés mécaniques de certains atomes, est simplement un cas particulier de cette « mécanique universelle ».

4) Couronnement de toute la doctrine : morale. — a) Notre âme doit être l’objet de nos sollicitudes ; car elle est ce qu’il y a de principal en nous : c’est en elle que siège le bonheur, et le corps n’est qu’un logement à son usage. fc)Lebut de la vie, c’est la recherche du bonheur ; et le bonheur consiste, — non dans les plaisirs des sens (ils sont trop fugitifs), — mais dans la tranquillité de l’esprit ; or elle est assurée à qui pense et agit selon le bien, la vertu, c) Qu’est-ce que le bien, la vertu ? Démocrite paraît supposer connue la réponse à cette question fondamentale.

Entre les atomes vitaux (ignés) de Démocrite et les « esprits animaux » de Descartes et de ses contemporains, la distance n’est pas grande. Mais Descartes excepte très formellement l'àme humaine, de l’explication mécaniciste qu’il adopte pour le reste des vivants ; par cette exception et par l’opposition, qu’il accentue, de l’esprit et de la matière, il fonde le spiritualisme moderne, quelque peu différent du spiritualisme qu’on peut appeler historique. Par contre, la doctrine cartésienne de l’automatisme des bêtes est le point de départ des modernes théories matérialistes de la vie. Pour les en déduire, on raisonne à peu près ainsi. La vie organique (vie végétative et vie sensible) s’explique, au dire de Descartes, sans attribuer aux plantes ou même aux animaux un esprit, uneàme. Or, entre la vie des bêtes el celle de l’homme, la différence n’est pas, à beaucoup près, aussi grande que le prétend le dualisme spiritualiste ; les faits montrent, ajoute-t-on en guise de preuve, que toute l’activité de l’homme est sous la dépendance de son cerveau, de ses organes, de la matière. Par conséquent, il ne faut pas admettre que l’Iiomme lui-même possède un principe spirituel de vie, une àme immortelle.

On devine par là oii doit tendre tout l’efiort du Matérialisme moderne : c’est à rapprocher l’homme de la bête. On tait ou l’on atténue de son mieux les différences, on souligne vigoureusement les ressemblances ; et comme elles sont nombreuses, plus

nombreuses que ne l’ont cru les splritualistes cartésiens, le Matérialisme a eu la partie belle contre un spiritualisme exagéré.

B) Lb MATÉniALisME AU xix= SIÈCLE. — fl) Origine. — En 1 81J8, au cours des ardentes discussions politicoreligieuses du parlement de Francfort, on entendit un jour cette déclaration brutale de Karl Vogt : « Je suis toujours pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais c’est à la condition que ce qu’on appelle l’Eglise soit anéanti. Pour moi, toute Eglise est un obstacle à la civilisation, b Ce cri de haine et de guerre fut entendu. Pour cette guerre à mort, on estima que le Matérialisme serait d’un secours précieux : on prôna le Matérialisme. Dans ce siècle, le prestige des sciences est immense : on donne au Matérialisme des allures scientifiques.

i) Développement. — Karl Voot, zoologiste de valeur en même temps qu’orateur passionné, a préludé par des Tableaux de la vie des bêtes, où il ose prédire la découverte « des sortes de pensée et de nourriture qui se conditionnent » ; il croit « que, par une nutrition appropriée, on pourrait produire à volonté des hommes d’Etat, des bureaucrates, des théologiens, des révolutionnaires, des aristocrates, des socialistes, etc. » ; et « l’ingéniosité consumée jusqu’ici à faire constitutions, lois et ordonnances » lui paraîtrait mieux employée à découvrir « sauces, bouillies et ragoûts », qui auraient même résultat. IC. Vogt a joui d’une réputation d’ironiste. Mais que penser du disciple qui, faisant sérieusement les applications, nous enseigne que l’Anglais doit ses qualités d’homme pratique à l’usage du thé associé à l’alimentation carnée ; — et que le café rend l’Allemand profond penseur, fertile en systèmes ; qu’il « servirait souvent aussi, en matière politique et sociale, à l'éclosion d’excellentes idées, si son action ne rencontrait dans la bière, la pomme de terre et les légumes, un grave obstacle » ? (Reich, Die Nahrungsund Genussniittel-Kunde, p. ?o6) — Dans La foi du charbonnier et la science, (18515), se trouve la célèbre loi de Vogt, à savoir que : Les pensées sont au cerveau comme la bile est au foie et l’urine au.t reins. Signalons encore, du même : Leçons sur l’homme, sa place dans la création et l’histoire de la terre (1863) (-[- 1895). — Avec K, Vogt, le premier meneur de la campagne matérialiste fut un autre savant, Jacques MoLKscHOTT : Circulation de la vie, réponse physiologique à la lettre chimique de Liebig (1862) ; — L’unité de la vie. Discours à l’Ecole supérieure de Turin (1862). Moleschott enseigna longtemps la philosophie à Rome. Il est, dit l’historien du Matérialisme, H. Lange, « riche en formules auxquelles on ne peut attribuer aucun sens ». — Pour la vulgarisation des idées matérialistes ; l’influence de Louis BiicHNER fut prépondérante. Son livre. Force et matière (1853), encore traduit en français, en 1906, sur la 17° éd. allemande, fut et demeure le manuel populaire du Matérialisme contemporain. La préface contient une vigoureuse protestation contre l’obscurité des philosophes : « De par sa nature, la philosophie est un domaine intellectuel commun à tous. Les démonstrations philosophiques qui ne peuvent être comprises par tous les hommes instruits, ne valent pas l’encre typographique employée. Ce qui est pensé clairement peut aussi être énoncé clairement et sans ambages. » En énonçant ce principe, Buchner, qui étaitmédecin, devait songer aux pilules mica panis, aqua fontis cum grano salis. Si Biichner exige la clarté en philosophie, c’est qu’il a pour celleci des ambitions modestes : elle doit être le résultat des sciences physiques ; nous devons nous contenter de ce que les sciences nous enseignent. Biichner ne méconnaît pas l’existence d’autres problèmes ; au