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MATÉRIALISME

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Imposée par la France, le 9 juillet 1889, la paix religieuse finit par s'établir et se consolider dans l’archipel havaien, et le nom catholique s’y est immortalisé par le dévouement de l’apôtre des lépreux, le P. Damien.

Deux ans plus tard, dans l'île de Fontouna.l’Océanie vit mourir son premier martyr, un religieux Marisle, le P. Glianel. Il avait commencé à gagner, à force de bonté et de patience, les cœurs de la population sauvage, quand s'émut la jalousie des chefs, et le plus puissant d’entre eux résolut d’arrêter les conversions en supprimant l’apôtre. Le 28 avril 18151, ses affiliés envahirent la case du missionnaire, le frappèrent de leurs casse-têtes, et celui qui les commandait l’acheva d’un coup de hache. « Au même instant, bien que le ciel fut serein, retentit une détonation formidable, semblable à celle d’un violent coup de tonnerre. Ce fait extraordinaire, constaté par de nombreux témoins, jeta les habitants de l’ile dans la consternation. Epouvantés, les meurtriers s’enfuirent dans la forêt. » (Les Missions catlioliqiies françaises, t. IV, p. 119)

« Qu’importe qu’on me tue ou qu’on me laisse

vivre ? avait dit le P. Chanel ; la religion est plantée dans l'île, elle ne se perdra pas par ma mort. » La prédiction s’accomplit, car, dans l'île de Fonlouna, maintenant passée sous le protectorat français, existe une chrétienté florissante, et de grandes fêtes, auxquelles on accourut des archipels environnants, y célébrèrent, en 1889, la béatification de son premier ai)ôtre.

Un autre point de l’Océanie fut, quelques années plus lard, sanctifié parle martyre. Le 1" décembre 1845, un navire français débarque dans l'île Isabelle, dépendant de l’archipel Salomon, plusieurs missionnaires, appartenant aussi à la Société de Marie, et ayant à leur tête le vicaire apostolique, Mgr Ecalle. Dès qu’ils eurent mis le pied sur le rivage, une troupe d’indigènes se précipita sur eux : Mgr Ecalle tomba frappé d’un coup de hache ; ses compagnons, quoique blessés, parvinrent à le ramener au navire, où il expira le lendemain. Le capitaine voulut tirer vengeance des assassins ; mais les missionnaires s’y opposèrent : « Nous ne voulons, lui écrivirent-ils, aucun acte de représailles, cela étant contraire à la nature même de notre mission, qui est toute de sacrifice et de paix. »

L’année suivante, dans l'île San-Christoval, du même archipel, trois autres Maristes, les Pères Pajet et Jacquet et le Frère Hyacinthe, furent aussi massacrés par les indigènes.

Enfin, en 1855, un prêtre des Missions étrangères de Milan, le P. Mazucconi, fut également martyrisé (R. P. Hervibr, dans Les Missions catholiques françaises, t. IV, p. 352, 354, 360, 3g5).

Conclusion. — Quand on parcourt, même aussi rapidement que nous venons de le faire, l’histoire des martjrs des Missions, on est frappé du démenti donné par leur dévouement et leur sacrifice à l’orgueilleuse théorie de l’inégalité des races humaines, renouvelée de l’antiquité, où elle servait d’excuse à l’esclavage, et remise en honneur par une fausse science.

Pour les missionnaires de la foi catholique, il n’y a pas de races supérieures ou inférieures, parce que, malgré la diversité des couleurs et des traits, quel que soit le niveau de civilisation ou même le degré d’intelligence, ils ne voient que des âmes, créées par Dieu et rachetées par Jésus-Christ. Ils attestent par leur martyre l’unité de l’espèce humaine et l’universalité de la Rédemption. Le martyre de leurs convertis en est une autre attestation, tant il ressemble,

même parfois jusque dans les détails, au martyre des chrétiens des civilisations gréco-latines.

Le martyre des Missions modernes diffère sur un seul point du martyre des Missions antiques : sa fécondité est moindre en apparence. Un petit nombre de siècles avait sulli pour gagner au christianisme les pays qui formaient ou avoisinaient l’Empire romain : les conquêtes des missionnaires qui se sont répandus sur le reste du monde, dès le Moyen-Age, et surtout depuis le seizième siècle, ont été Ijeaucoup plus lentes et beaucoup moins nombreuses. Bien des blocs compacts de bai-barie, de superstition et de paganisme sont à peine entamés.

Mais il faut se souvenir que les missionnaires des trois premiers siècles avaient trouvé dans le monde gréco-romain l’unité de langue et de gouvernement, la monogamie, l’absence de castes, l’activité intellectuelle, c’est-à-dire, malgré les terribles obstacles que dressaient devant eux les passions humaines et la cruauté des persécuteurs, un champ plus uni que celui qui s’est ouvert devant les missionnaires modernes. Pour avoir planté cependant la croix sur tous les points du monde, pour lui avoir conquis non seulement des millions de fidèles, mais encore, sous toutes les latitudes, des milliers ou des millions de martyrs, il faut que leur martyre à eux aussi ait été bien puissant, et que le miracle de la Pentecôte se soit renouvelé pour eux avec une merveilleuse efficacité.

Quant à la thèse jadis célèbre De paucitaie martyriim, on peut affirmer qu’elle est désormais balayée de l’histoire. Une science mal informée avait cru pouvoir l'établira propos des persécutions romaines : nous en avons démontré l’inanité. Aucun sophiste n’essaierait de la renouveler pour les temps écoulés depuis la fin de celles-ci jusqu'à nos jours, et pour l’immensité de l’univers maintenant évangélisé. On ne peut établir, ici encore, aucune statistique ; mais les chiffres partiels qu’il est permis d’entrevoir çà et là sont véritablement énormes. Le lecteur qui nous a suivi a pu constater l’immensité de la « nuée de témoins » qui, à toutes les époques et de tous les points du globe, s’est élevée jusqu’au ciel.

Paul Allard.


MATÉRIALISME. — De toutes les acceptions de ce terme dans l’usage courant, seule sa signification philosophique sera ici retenue : ainsi envisagé, le Matérialisme est un système de métaphysique d’après lequel toute la réalité des choses se réduit à la matière, c’est-à-dire à cette substance étendue qui constitue notre corps et les corps étrangers.

I. Exposé historique. — II. Forme actuelle : le monisme de Hæckel. — III. Notes critiques.

I. Exposé historique. — Il suffira d’indiquer ce que fut le Matérialisme d’après Démocrite, et d’oà nous vint le mouvement matérialiste au xix' siècle ; plus de détails sont rendus inutiles par l’immobilité de cette doctrine à travers les siècles.

A) Dkmochite (v* s. av. J.-C), le premier, a bâti un système matérialiste, à l’aide de matériaux plus anciens. En tenant compte des restes de ses écrits et des renseignements fournis par Aristole et Epicure, on peut reconstruire son système comme il suit :

Tout d’abord, deux principes abstraits, métaphysiques : a) le principe de la permanence de l'être : Rien ne sort du néant, et rien de réel ne saurait être anéanti ; mais tout changement est pur assemblage ou bien séparation de parties ; — b) le principe de raison : Rien n’arrive par hasard ; mais tout a sa raison, car tout arrive nécessairement.