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MARTYRE

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Conférences sur les doctrines et les pratiques les plus importantes deVEglisecatholique, 1850, conC. vii, 1. 1 ; Hue, Le christianisme en Chine, en Tartarie et au r/ut « e<, 1857 ; BnBNiER, La mission lyonnaise en Chine, 1898 ; Chahdin, Les missions franciscaines en Chine, Paris, 19 15, etc.

2. Corée. — « La Corée, grande presqu’île montagneuse du nord-est de l’Asie, située entre la mer du Japon et la mer Jaune, avait, comme la Chine, dont elle était vassale, clierclié sa sécurité dans un isolement absolu. A la fin du xviii>= siècle, cette contrée fermée n’avait jamais vu de prêtres. A cette époque, plusieurs sages de ce pays tombent sur quelques livres de piété catholiques, écritsen chinois et importés par hasard au milieu d’ouvrages scienliliques. Ils en sont frappés. L’un d’eux, SengHoun-i, se met en rapports avec l’évêque de Pékin, l’illustre Alexandre de Gouvéa, Franciscain portugais, qui l’instruit elle baptise. Le néophyte n’a dès lors plus qu’un désir ; puisque la Chine et l’Europe ne peuvent envoyer de catéchistes à son pays, il se fera catéchiste lui-même. Aidé d’un de ses amis, le vertueux Piclv-i, il instruit ses compatriotes et les baptise. Ces catéchumènes deviennent à leur tour des apôtres. Les livres d’instruction religieuse composés par les missionnaires de Chine sont traduits en coréen et répandus dans le monde des lettrés, puis dans la classe moyenne et dans le peuple. La foi de ces nouveaux chrétiens est si forte que lorsque, en 1791, des ordres de Pékin leur enjoignent de renoncer à leur nouvelle religion, un grand nombre d’entre eux subit courageusement les affreux supplices de la bastonnade, de l’écartement des os et de la planche à torture. Un prêtre chinois, le P. Jacques Tsiou, leur est enfin envoyé en 1794. Les plus admirables vertus, la virginité, l’humilité, la charité, fleurissent dans la jeune Eglise. Deux nouvelles persécutions, en 1799 et en 1801, rencontrent le même courage. Le Père Tsiou, après avoir subi les supplices ordinaires, est décapité, le 3 mai 1801. » (F. Mourret, Histoire générale de l’Eglise catholique, t. VI, p. 446) « Le nombre des victimes, dans les provinces, n’a pu être connu exactement. Dans Ja capitale seulement, il dépassa trois cents. Toutes les conditions, tous les âges, tous les sexes fournirent leur contingent à la légion des martyrs, et les annales de l’Eglise coréenne s’enrichirent de souvenirs qui vont de pair avec ceux des Laurent et des Agnès de l’Eglise romaine. » (Mgr d’HuLST, Vie de Just de Bretenières, 3’éd., 1912, p. 217) D’autres persécutions eurent lieu en 1825, en 1827 ; à cette date, on comptait en Corée c( plus de mille martyrs et d’innombrables confesseurs » (ibid., p. arg).

Tels sont les commencements, véritablement extraordinaires, de l’Eglise coréenne. Elle naquit en qiielque sorte spontanément et ses fondateurs appartenaient à la classe des lettrés, dans laquelle se rencontrèrent, presque partout ailleurs, les plus violents adversaires du christianisme. Elle eut des martyrs avant d’avoir des prêtres, et le premier prêtre dont elle reçut la visite était un Chinois. On niera difiicilement, après un tel exemple, que le christianisme puisse s’adapter à tous les pays et à toutes les races. Sous le pape Léon XII seulement, on commença à organiser la mission’de Corée. Le vicariat apostolique, conlié à la Société des Missions étrangères, fut fondé en 1831 ; le premier missionnaire d’Europe qui mit le pied sur le sol coréen y arriva en 1836, cinquante-deux ans après l’introduction du christianisme dans le pays.

Nombreux ont été, à partir de cette date, les missionnaires martyrisés. En 1829, Mgr Imbert,

M. Chastan, M. Maubant, sont décapités près de Séoul ; l’année 1889 voit l’exécution d’un prêtre indigène, André Kim. Le 8 mars 1866 sont décapités Mgr Berneux, MM. Just de Bretenières, Beaulieu et Dorie ; le Il mars, MM. Pourthié et Petitnicolas ; le 30 mars, jour du vendredi saint, dans la plaine de Sourieng, à vingt cinq lieues de Séoul, Mgr Daveluy, MM. Huin et Aumaitre. N’oublions pas que l’exécution finale avait été précédée d’épouvantables tortures : la bastonnade sur les jambes, la courbure ou l’écartement des os, la poncture des bâtons, la suspension, le sciage des jambes, dont on trouvera la description dans la Vie de Just de Bretenières p. 26a264.

Deux traits sont à noter dans le récit du martyre de Mgr Daveluy : l’un montre la fierté chrétienne et patriotique de l’évêque, l’autre la cruauté et la rapacité de son juge. « Le mandarin qui présidait au supplice voulut que les martyrs se prosternassent devantlui. C’est l’usage en Corée queles condamnés, comme les gladiateurs antiques, saluent ceux qui les font mourir. Mgr Daveluy répondit noblement qu’il saluerait à la manière française, et refusa de se mettre à genoux. Une poussée brutale le jeta la face contre terre. » Dans cette posture, il reçut de l’exécuteur un premier coup de sabre, qui ne détacha pas la tête : celui-ci s’interrompit alors pour discuter le prix du supplice avec le mandarin trop économe, et ce n’est qu’après un long marchandage qu’il reprit son arme, et acheva par de nouveaux coups le martyr agonisant.

On vient de voir quelle est la fierté des martyrs ; mais il faut voir aussi leur humilité. «. Priez afin que je sois bientôt martyr, et que nul ne le sache », tel fut l’adieu de Just de Bretenières en quittant la France pour aller mourir en Corée (Mgr Mermillod, Panégyrique prononcé à Dijon en 1867).

Malgré d’inévitables apostasies, le peuple coréen, dans l’ensemble, se montra digne de ses missionnaires. Un de ceux-ci, le P. Calais, qui avait pu se réfugier dans la montagne, « alla, malgré les dangers, prêcher dans la petite chrétienté de Soum-ba-Kol. Ileut la consolation de baptiser quelques païens, qui ne craignirent pas d’embrasser le christianisme, même en face de la mort… L’année 1866 ne vit que massacres, pillages, dévastations. Les chrétiens furent traqués en tous lieux, arrêtés en grand nombre, tantôt soumis aux plus épouvantables tortures et exécutés solennellement, tantôt étranglés clandestinement dans leurs prisons… Le sabre des exécuteurs, la corde des étrangleurs n’allant pas assez viteau gré des mandarins, on imagina une espèce de guillotine en bois qui, en laissant retomber une longue poutre sur le cou des condamnés, faisait périr vingt ou vingt-cinq personnes à la fois. Ailleurs on alla jusqu’à enterrer les prisonniers vivants dans de larges fosses : la terre et les pierres qu’on jetait sur leur corps leur donnaient en même temps la mort et la séi)ulture. » (Vie de Just de Bretenières, >. 282)^

Pendant quatre années, la persécution continua à faire rage : en 1870, on estimait à huit mille le nombre des chrétiens ayant, depuis 1866, péri de mort violente. Il faudra longtemps encore pour que la paix se rétablisse, non à la suite de démonstrations navales, qui, n’étant point pousséesà fond, n’avaient fait que compromettre la cause des chrétiens et des missionnaires, mais comme conséquence des traités de commerce, qui finirent par ouvrir aux nations du dehors la Corée fermée jusque-là. La liberté religieuse y rentra sous le couvert de la liberté commerciale. Dès lors les conversions reprirent leur cours : quand la reine mère mourut en 1898, elle était secrètement chrétienne : la même année, on achevait de