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MARTYRE

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laïques, hommes, femmes et enfants, immolés par la folie homicide de Carrier, beaucoup évidemment le furent en haine de la foi catholique. Après la première noyade (16 novembre 1798), Carrier écrit à la Convention : a Un événement d’un genre nouveau semble avoir voulu diminuer le nombre des prêtres : quatre-vingt-dix de ceux que nous désignons sous le nom de réfractaires étaient enfermés dans un bateau sur la Loire. J’apprends à l’instant, et la nouvelle en est très sûre, qu’ils ont tous péri dans la rivière. » Une seconde noyade de soixante-dix prêtres suivit. C’est bien à leur qualité Je « réfractaires » que ceuxci doivent la mort, et c’est bien pour le refus de serment à la constitution civile du clergé qu’ils périssent. Mais dans les autres noyades de « suspects » et de « brigands », et dans les fusillades ordonnées par Carrier, combien de laïques expièrent aussi par la mort leur attachement à la foi, leur soumission à l’Eglise 1 Combien de vrais martyrs on peut deviner encore dans les exécutions en masse elles meurtres isolés qui ensanglantèrent tant d’autres pointsde la France ! — Surles massacres de Nantes, voir Bbrriat Saint-Prix, La Justice révolutionnaire, t. I, 1870, p. 61 et suiv. ; Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, t. V, p. 338 et suiv. ; A. Lallib, Les noyades de Nantes ; A. Lallié, Les fusillades de Nantes ; Lenôtbe, Les noyades de Nantes, 1911.

IX. — Lb martyre dans les pays de Missions

!. Chine ; 2. Corée ; 3. Japon : 4. Indo-Chine ; 5. Inde ; 

6. Abyssinie ; 7. Afrique Centrale ; 8. Amérique ; 9. Océanie,

Le martyre est le même à toutes les époques, dans toutes les races, sous tous les climats, quels que soient l’origine ou le degré de culture intellectuelle de ceux qui sont appelés à rendre à Jésus-Christ ce témoignage suprême. Ce que nous venons de voir dans les pays de civilisation latine, grecque, germanique ou slave, nous le voyons aussi dans les contrées de civilisation très différente, comme celles de l’Extrême-Orient, ou même dans les pays encore sauvages, comme les îles de l’Océanie ou les rives des lacs de l’Afrique centrale. Dans tous se sont rencontrés des chrétiens capables de verser leur sang pour le Christ. Non seulement beaucoup des missionnaires qui leur ont apporté sa doctrine sont morts pour l’attester, mais encore des milliers de convertis, sur tous les points du monde, ont fait volontairement et sciemment comme eux le sacrifice de leur vie pour leur foi. Et ce qui est très remarquable, c’est que l’histoire de ces nouveaux venus au christianisme abonde en traits semblables à ceux que présente l’histoire de la primitive Eglise.

Voyons d’abord les contrées asiatiques, héritières des plus anciennes civilisations.

I. Chine. — Nombreux sont les missionnaires immolés en Chine pendant le xviii" et le xix' siècles, même au comræncemeiitduxx', soità lasuitede condamnations prononcées parles mandarins, soit dans une émeute populaire, mais toujours par haine du Christ qu’ils prêchaient : en 1^47 et 17^8, l'évêque dominicain, Pierre Sanz et ses compagnons les Pères Alcobar, Royo, Diaz, Serrano, béatiliés en 1893 ; en 1^48, les Jésuites Henriquez et Athémis ; en 1796, le Lazariste Aubin ; en 1815, Mgr Dufresse, béatifié en igoo ; en 1820, le Lazariste Clet, en 18A0, M. Perboyre, l’un et l’autre béatifiés ; en 1851, M. Vachal ; en 1856, M. Chapdelaine ; en 1862, M. Néel ; en 1865, M. Mabileau ; en 1869, M. Rigaud ; en 1873, M. Hue ; en 1894> M. Baptifaud ; en 1843, M. Terrasse ; en

1898, le P. Victorin, missionnaire belge ; en 1900, victimes des Boxeurs, plus acharnés encore que les persécuteurs officiels ou les lettrés contre les prédicateurs de l’Evangile, les Pères Doré, Isoré, Andlauer, Mangin, Denn, Emonet, Théodoric, Viau, Agnius, Bayart, Bourgois, Le Guénel, Georjion, Leray, Savignot, le Frère André, un évêque français, Mgr Guillon, deux évêques italiens, Mgr Grossi et son coadjuteur Mgr Fogolla, etc. Mais, à côté de ces missionnaires européens, on voit aussi immolés beaucoup de prêtres ou de religieux indigènes, de même qu'à côté des religieuses européennes martyrisées on rencontre plus d’une fois, unies dans la gloire d’un pareil sacrifice, des religieuses chinoises. Quant aux catéchistes et aux simples fidèles, hommes, femmes, enfants, mis en demeure de choisir entre leur foi et leur vie, et mourant intrépidement pour le Christ, on les trouve par milliers dans les diverses persécutions qui sévirent en Chine depuis le xviii= siècle.

En lisant les relations du martyre de ces chrétiens chinois, on est frappé d’y rencontrer si souvent des détails d’une saveur toute antique. « Leurs Actes, écrivait dès 1770 un missionnaire, Mgr Pottier, vicaire apostolique de la province du Su-tchuen, ressemblent beaucoup à ceux des martyrs des premiers siècles de l’Eglise. » (Relation publiée par dom Leclercq, t. X, p. 32 1) Combien pouvons-nous le dire plus encore aujourd’hui, où les documents sont plus nombreux I

Ce sont les mêmes paroles chez ceux qui souffrent pour le Christ, les mêmes sentiments chez ceux qui les voient souffrir. « Abjure et marie-toi, ou meurs », dit le mandarin à une vierge chrétienne de KouyTcheou. « Non, mille fols non », dit-elle, et le bourreau lui tranche la tête. C’est l’Iiistoire de sainte Agnès. Jérôme Loa, Lucie Y, refusent le délai qu’on leur offre dans l’espoir de les voir faiblir, a Mon dernier mot est dit, répond Lucie, il n’est pas nécessaire d’attendre. Tuez-moi tout de suite. » (A. Launay, /, a salle des martyrs du Séminaire des Missions Etrangères, 1900, p. 85) C’est le langage de Speratus, l’un d’un martyrs Scillitains de 180, parlant au proconsul d’Afrique, du prêtre smyrniote Pionius parlant, en 260, au proconsul d’Asie. Quand la même vierge Lucie Y, dépouillée de ses vêtements par l’ordre du mandarin, s'écrie : on croit entendre Theonilla, en 306, disant au gouverneur de la Cilicie : Cl Ce n’est pas moi seule, c’est ta mère, c’est ton épouse que tu couvres de confusionen ma personne. Car nous avons reçu toutes la môme nature, que tu déshonores. » Les païens chinois qui, voyant passer un martyr, s'écriaient : « Il va à la mort comme à une fêle 1 » s’expriment comme la lettre de 177 sur les martyrs de Lyon. Ceux qui, témoins de la charité fraternelle des persécutés, disent encore : (1 Voyez ces chrétiens, comme ils s’aiment I » parlent comme lescontemporains de Terlullien(^/?o/., xxxix). Ceux qui, au spectacle de leurs souffrances héroïquement supportées, disent : a Il suffit de les voir pour reconnaître leur innocence ; des hommes coupables des crimes qu’on leur impute ne pourraient avoir cet air respectable que nous leur voyons » (Relation de P. Chanseaume, 1746, dans Leclercq, t. X, p. 162), font la réflexion môme qui conduisit saint Justin au seuil du christianisme. Et quand les chrétiens de Chine adressent cette recommandation à leurs frères conduits au supplice : « Souviens-toi de moi, quand tu seras dans le ciel », on croit entendre un fidèle de Tarragone demandant à son évoque, qui va être brfilé vif, ut sui memor essel, ou lire les