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MARTYRE

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prêtres, se présentaient dans les églises lutines pour y recevoir les sacrements.

Coniiant dans le courage des prêtres latins, Pis IX leur l’ait au contraire un devoir de les accueillir :

« Des prêtres latins, nous en avons la conliance, 

dit-il en 1847, emploieront tous leurs soins et toutes les ressources de leur sagesse pour donner les secours spirituels à ces très chers lils. » C’est toujours le non licet et le non possiiniiis opposés aux entreprises des adversaires de la vérité. Cependant l’ukase de 183^ est renouvelé en 1859. En 1860, dans le gouvernement de Mohilev, les paysans et les nobles de cinq villages, où les églises uniates avaient été fermées ou livrées au schisme, se portèrent^n foule dans les églises latines. Le rite latin est alors frappé à son tour : églises, couvents et chapelles du voisinage sont fermées, et les quelques prêtres zélés qui ont prêté leur ministère sont saisis et déportés (Lescœur, t. II, p. 33 ;). « Le prêtre du rite latin — écrivent au Pape, en 1862, les catholiques lithuaniens — se risque parfois à confesser un uni, mais ne peut s’exposeràbaptiserun nouveauné ou à bénir un mariage : rien, dans ce cas, ne le sauverait de la Sibérie. » (Ibid., p. 309) Après la prétendue conversion du diocèse de Chelm, « une ordonnance fut promulguée en vertu de laquelle chaque curé était obligé de placer, les jours de fête, une sentinelle devant la porte de son église pour empêcher les uniates d’y pénétrer. On vit alors ces pauvres catholiques, chassés des églises comme des chiens, tondre en larmes, et s’en aller dans les forêts, pour y prier plus à l’aise le bon Dieu. Malgré la surveillance, il y eut toujours des réfractaires. On imagine alors un moyen plus sur. Latins et uniates reçoivent un livret, que la police examinait à la porte de l'église. Dès lors, aucun uniate ne peut assister aux cérémonies latines, car ils sont inscrits sur les livrets comme schismatiques. Dans beaucoup d’endroits, pour soustraire à l’attrait du latinisme les uniates, on ne trouve rien de mieux que de fermer les églises latines du voisinage. C’est ainsi qu’en 1886 le gouverneur de Varsovie prohibait tout service dans l'église de Térespol, de peur de voir la messe romaine attirer d’anciens uniates. Alexandre III, en 1886, alla jusqu'à ordonner que, dans les localités habitées par les uniates, on ne pourrait ouvrir d'église catholique latine que de l’aveu du clergé schismatique. (Voir la conférence du P. TomNiCJAK, p. 271-292)

« Il suffit que la police aperçoive un uniate causant

avec un prêtre catholique ou priant dans une église, pour que le prêtre soit déporté et l'église fermée. Les persécutions contre les catholiques du rite grec retombe aussi sur ceux de rite latin. » (A. LeroyBeaulieu, t. III, p. 608)

3. Conclusion. — Les vexations dirigées à la fois contre les catholiques des deux rites auront eu au moins pour efl’et de montrer comment, malgré des dissensions accidentelles, leur cause est la même et leur catholicisme semblable. Elles auront mis une fois de plus en lumière, aux yeux de leurs adversaires de bonne foi, combien l’Eglise catholique se montra de tout temps plus large que les Eglises qui se sont séparées d’elle. Saint Léon IX, au xii' siècle, avait déjà parlé comme parlera au xix* Léon XIII. Se plaignant de l’intolérance du patriarche byzantin, qui faisait fermer à Constantinople toutes les églises latines, ilécrit : Eccein hac parte romana Ecclesia quanto discretior, moderatior et clemeniior vobis, est et montre comment à Rome, où étaient établis de nombreux monastères grecs, non seulement on ne cherchait pas à leur faire abandonner leurs usages,

mais on les exhortait même à les conserver : Nullus eoruni adliaç. perturbatur vel prohibetur a palerna traditione sive sua consuetudine : quin siiadotur et admoneluream o/)seri' « ;e (Lettre de Léon IX à Michel Cérulaire et à Léon d’Achrida, dans Migne, /-. G., t. CXLIll, col. 764). L’Eglise catholique est assez grande jjour embrasser dans son sein tous les rites, et, comme le disait dans un discours prononcé au 'Vatican, le 28 janvier 1904, l’abbé du monastère grec-uni de Grotta-Ferrata, « se faire de tous une parure. »

Terminons ce chapitre par une parole de justice et d’espérance.

L’ukase obtenu, le 1 4 juillet 1898, parle terrible procureur du Saint-Synode Podonotsef, avait porté le dernier coup à la liberté religieuse des uniates, en incorporant dans l’Eglise ollicielle tous ceux d’entre eux qui ne passeraient pas au rite latin, dans des conditions presque impossibles à remplir (voir l’année de l’Eglise, 1898, p. 355). Mais cette mesure draconienne fut suivie, à quelques années de distance. par redit du 17-80 avril igoS, qui, en proclamant la tolérance de tous les cultes, parut inaugurer une politique nouvelle. Celui-ci fut reçu en Pologne avec des transports de joie. On pleura dans les églises, quand le prêtre, la voix brisée par l'émotion, en donna lecture. Dans les provinces habitées par les anciens uniates, et alors presque privées de culte, il y eut comme un revival religieux (voir, pour la Podlachie, l'émouvant récit d’une étudiante polonaise, dans /e Correspondant, 10 juillet 1916, p. 76). Il devenait permis, pour la première fois, de « déchoir de l’orthodoxie à toute autre confession chrétienne », c’est-à-dire d’abandonner le schisme, soit qu’on y eût été contraint par ruse ou par violence. C’est par centaines de mille que se comptèrent les retours au catholicisme, de la part des uniates ofliciellement inscrits comme schismatiques dans les statistiques russes (lettre de Varsovie, dans VUn’u'ers, en octobre 1907). Pour que ce mouvement persiste ou s'étende, il suffira que la loi soit appliquée à tous loyalement, sans les entraves qui y furent promptement apportées, et qui de nouveau, pour un grand nombre, rendirent impossible dans la pratique ce qui était autorisé sur le papier (A. de Koskovv’ski, La Pologne catholique, dans Etudes franciscaines, juin 1910, p. 636 ; M. o’IlERBiGNY.dans lievue pratique d’apologétique. 1" mars 1913, p. 216). Le rétablissement promis, le i'^"' août 1914, d’une Pologne n libre dans sa religion, libre dans sa langue et autonome » favorisera, espérons-le, la reconstitution des Eglises uniates, en donnant une consécration nouvelle aux engagements pris en 1778 et en 1798 par Catherine II « pour elle, ses héritiers et successeurs » envers « les catholiques des deux rites » habitant « les provinces cédées », — c’est-à-dire aussi bien les pays lithuaniens et ruthènes que la Pologne de 1815.

En 1858, des prêtres calholiqnes latins de Pologne avaient été punis pour avoir fondé des sociétés de tempérance (Prince Dolgoroukow, La i'érité sur la liussie, Paris, 1860, p. 258 et suiv.). En 1914. le gouvernement russe, s’associant aux désirs des représentants de la nation, et sacriUant dans un but de salubrité morale plus d’un quart de ses recettes budgétaires, a prohibé d’une manière absolue la vente de l’alcool. « La prohibition de l’alcool, a-t-on dit, est la première victoire remportée par le nation russe ; elle l’a remportée sur elle-même, en attendant de gagner la seconde victoire, celle qui l’affranchira du joug allemand. » (Correspondant, 10 novembre ig15.) Ajoutons qu’une telle nation est digne de remporter la troisième victoire, celle qui assurera complètement à tous ses membres, sans distinction