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MARTYRE

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mais ce mot sera court, puisque, s’il y eut parmi les Polonais de rite latin des exilés et même des déportés pour la foi, c’est-à-dire des confesseurs, la palme sanglante du martyre paraît avoir été réservée aux uniates.

Interdire aux catholiques de rile latin toute propagande exercée au détriment du schisme, couper leurs communications avec le Saint Siège, les affaiblir par la destruction systématique des paroisses et des couvents, empêcher leur clergé de donner aucune aide spirituelle aux uniates privés de pasteurs, telle fut, à leur égard, la forme multiple de la persécution.

Si bienveillant qu’il soit devenu pour le catholicisme, que peut-être il embrassa à l’article de la mort, Alexandre 1", à une certaine époque de son règne, pendant la période d’influence de Mme de Krudneret des illuminés, vit avec un grand déplaisir les conversions opérées dans la haute société russe. De là l’expulsion des Jésuites de Saint-Pétersbourg et de Moscou en 1815, de Pologne en 1830 ; de là le départ forcé de Joseph de Maistre, et bientôt des convertis illustres dont il avait reçu les confidences ou aidé des éludes. Mais la répression fut autrement dure sous le règne de Nicolas I". Après l’acte d’union de 1889, on l’avait entendu dire : « Voilà qui est bon quant aux uniates ; maintenant, procédons envers les latins. » (Lkscœuh, t. I, p. 185.) Ecrivant, en 1845, au pape Grégoire XVI, des prêtres polonais réfugiés en France lui rappellent le sort des uniates, et ajoutent : « Le même sort est réservé aux latins. » (Cité par Moehlkr Gams, Uistuire de l’Eglise, t. III, Paris, 1869, p. 43 1)

On poursuit jusque dans le passé la propagande de ceux-ci. Un vikase de i 83.Î porte que « toutes les familles qui sous Catlierine II et sous ses saints successeurs Paul I" et Alexandre I’ont embrassé le rite latin, sont présentement reconnues appartenir au culte russe orthodoxe » (cité dans V Encyclopédie catholique, t. XVI, p. 846). On la poursuit avec une implacable sévérité dans l’avenir. Nicolas publie, en 1848, un code criminel pour le royaume de Pologne. Tout acte de propagande catholique, par parole ou par écrit, y est puni, selon les circonstances, de l’emprisonnement, ou des travaux forcés, ou de la déportation dans les gouvernements de Tomsk ou de Tobolsk, ou de la déportation en Sibérie (voir les articles 184, 185, 187, 198, igS, 197, dans Louis Vbuillot, Mélanges, 1’série, t. II, p, 34-35, et dans Lescœur, t. I, p. 237), et peut entraîner, comme peine accessoire, la perle des droits de famille, c’est-à-dire la ijrivation de la puissance paternelle et l’annulation du mariage (articles 29 et 30).

Crime d’Etat encore, et passible aussi de la déportation en Sibérie, la correspondance directe, même dans les cas les plus urgents, du clergé ou des fidèles avec le Saint-Siège (Lescœur, t. I, p. 287).

La destruction des paroisses latines est cherchée par tous les moyens. Il suIRt que, dans un village, quelques fidèles aient passé au scliisme, pour que le prêtre catholique y perde toute juridiction et que le prêtre schismatique soit seul toléré. Une ordonnance du 20 juin 1852 livre aux schismatiques, dans le diocèse de Minsk, douze chapelles et une église paroissiale de rite latin (Exposition, etc., document xviii, p. 98 de la traduction française). « Peu satisfait de détruire les paroisses catholiques, écrit-on en 1856, le gouvernement force encore les propriétaires à créer des églises schismatiques. Ils sont contraints de bâtir des églises, des presbytères, des maisons d’habitation pour les popes, diacres, chantres (tous mariés) du culte officiel. S’ils négligent d’exécuter les divers plans envoyés par

l’administration publique, aussitôt l’Etat s’empare des édifices catholiques et séquestre les revenus des récalcitrants jusqu’au paiement des frais nécessaires pour les constructions qu’il a ordonnées. Nous n’avons pas le texte de l’ukase, mais nous connaissons des personnes qui n’ont pu quitter la Russie et obtenir leur passeport avant de signer l’obligation d’acquitter ces sortes de dépenses. » (Univers, 22 octobre 1856 ; L. Vkuillot, Mélanges, 2° série, t. II, p. 40) Un (’ail de même nature est signalé dans un rapport adressé le 10 mars 1851 au Saint-Siège par Mgr Holowinski, coadjuteiu de Mohilev (Lescœur, t. I, p. igi).

La suppression des couvents eut un double but : faire disparaître d’ardents foyers de vie catholique, et diminuer le nombre des paroisses latines, car beaucoup de ces couvents servaient aussi de paroisses. En 1882, sur 300 couvents, 302 sont détruits en Pologne. En 1843, toutes les maisons des prêtres de la Mission — envoyés dans ce pays en 1651 par saint Vincent de Paul — sont fermées (ZIer Katholik, 1844, n" 67 ; cité dans Moehl.er-Gams, t. III, p. 430). Louis Veuillot a publié un ukase du 6 juillet 1850, ordonnant la fermeture de 21 couvents de Dominicains, de Bernardins, de Carmes, de Bénédictins, en même temps que de Marianites (Univers, lî. mai 1853 ; Mélanges, 2" série, t. II, p. 36). « Des religieux de rite latin, non loin de Kamienieck, dit-il encore, viennent d’être expulsés de leur couvent de la manière la plus barbare. Leur église a été pillée, et les saintes hosties profanées. Ou demanda cet abominable sacrilège à des Juifs : ils refusèrent. Mais ce que les Juifs avaient refusé, les Russes l’ont fait ; ils ont foulé aux pieds les saintes hosties jetées dans la boue. « (Univers, 7 octobre 1856 ; Mélanges, 2= série, t. II, p. 4) C’était revenir aux premiers temps du schisme grec, alors qu’un des clercs de Michel Cérulaire foulait publiquement aux pieds une hostie consacrée selon le rile latin (Hefble-Leclercq, Histoires des conciles, t. IV, Paris, 1911, p. 1090). En décembre 1863, tous les couvents d’hommes sont supprimés à Varsovie par Alexandre II (Lescœur, t. ii, p. 1 40-i 4 O- l^ss monastères de femmes ne sont pas épargnés : le 7 janvier 1851, les sœurs de la Visitation sont expulsées de Kamienieck (ihid, t. I, p. 192) ; un peu plus lard, à Vimsca, les sœurs de la Charité — appelées dès 1662 en Pologne par la reine Marie de Gonzague — sont dépouillées de leurs biens, privées du droit d’instruire les orphelins, et reléguées dans quelques chambres de leur couvent : le reste est occupé par un gymnase russe, dont les élèves les insultent (L. Vbuillot, l. c, p. 3). Encore en 1865, les Visitandines de Vilna, autre fondation de Marie de Gonzague, sont expulsées par Mouraview : elles se réfugièrent à Versailes (A. db Kos-KOwsKi, dans Etudes franciscaines, avril 1910, p. 385).

Mais l’oppression la plus cruelle est l’interdiction faite aux prêtres latins d’accorder aux Grecs-unis, privés de pasteurs, les secours de leur ministère. Quels qu’aient pu être, à d’autres époques, les torts des latins envers les uniates, ils n’allèrent jamais jusqu’à supprimer cette charité sacerdotale qui ne permet pas au prêtre de repousser tout catholique qui s’adresse à lui. Mais c’est l’exercice de cette charité que s’appliquèrent à rendre impossible les ukases impériaux. Un ukase de 1833 défend aux Ruthènes-unis de recevoir aucun secours religieux de prêtres du rite latin. Un ukase de 1887 interdit au clergé catholique d’administrer les sacrements aux personnes inconnues ou étrangères à la paroisse, c’est-à-dire aux uniates inscrits d’office sur les registres de l’orthodoxie, et qui, privés de leurs