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MARTYRE

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de saint Cyprien (Pontius, Vila etPassioS. Cypriani, xvi), lit sur lequel fut étendu le martyr Vincent {Péri Sieph.. v, ôô^-ôôS), conservés avec respect.

Cette dévotion va se développant quand, après le triomphe du christianisme, le monde romain se couvre d'églises. Celles qui ne contiennent pas la sépulture d’un martyr local désirent posséder quelque reste d’un martyr étranger. En Occident, ce désir est satisfait avec une grande discrétion. La discipline romaine, consiieiudo roiiiana, conforme au sentiment des chrétiens occidentaux (cf. Àcta S. FructuDsi, Au^urii, / :.'HZooii, vi), n’admet pas encore que le corps d’un martyr soit divisé (Hormisdas, Ep. lxxvii, dans Thiele, Ep. pont, rom., p. 873-875 ; Grégoire LE Grand, Ep., IV, xxx). Les reliques envoyées au loin sont, le plus souvent, des reliques commémoratives, linges ayant touché au tombeau (sanctitaria. brandea, palliola), huile des lampes qui ont brûlé devant lui (Ftoma sotterrarten, t. I, p. 1 75-1 83), et même, semble-t-il, de la limaille des chaînes de saint Pierre (G. Kabeau, Le culte des saints dans l’Afrique chrétienne, Paris, 1906, p. Ii'^-l18). La piété indiscrète des Orientaux, la demande même des empereurs n’obtiennent pas autre chose île la fermeté des papes. Une page de GRÉcomn de Tours, à propos d’un lambeau du voile qui couvrait la tombe de saint Julien de Brioude, montre qu’auvi" siècle il eu était de même en Gaule (De vita S. Juliani. xxxiv).

C’est en un sens analogue qu’il faut entendre beaucoup des reliques nommées dans les textes et dans les inscriptions, particulièrement en Afrique, quand il ne s’agit pas de martjrs locaux. Lacoutume orientale, mos Craccorum (Hormisdas, Ep. lxxvii), n’hésite pas à toucher aux corps des saints, soit jiour les transporter d’une ville dans une autre (le désir d’enrichir Constantinople, pauvre en martyrs locaux et jalouse d'égaler sa rivale Rome, fut peut-être l’origine ou au moins l’une des causes de ces translations), soit même pour en partager les débris entre plusieurs sanctuaires, bien que d’avance certains martjTs. comme il résulte du célèbre testament des quarante soldats immolés à Sébaste, se soient élevés contre cette dernière pratique. Il y eut bien aussi à Rome ou en d’autres villes d’Occident quelques translations de corps de martyrs ou confesseurs rapportés d’exil, conformément aux lois civiles elles-mêmes (Liber Pontificalis, Pontianus, éd. Duchesne, t. I, p 145 ; De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 73-80 ; saint Basile, Ep. cxcvii), ou corps de mai’tyrs étrangers apportés par leurs compatriotes fuyant une guerre ou une invasion (Prudence, Péri atepli., vu ; DE Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 120-12 i). Cela ne contrevenait pas à la discipline qui resta longtemps encore observée en Occident. Elle commença à s’altérer à la Un du rv" siècle, à Milan, oii saint.mbroise transporta dans les églises de la ville quelques corps de saints, mais elle dura à Rome jusqu'à ce que la ruine et l’insécurité des cimetières suburbains, après les invasions lombardes, eurent obligé les papes du viii- et du ix' siècles à en retirer de très nombreux martyrs pour les répartir entre diverses églises romaines (de Rossi, Ronia sotterranea, t. I, p. 219 221). Les pèlerins qui visitèrent les catacombes au cours du vu* siècle, et dont les itinéraires nous ont été conservés (ibid., p. 175-183), avaient encore trouvé intactes les tombes des martyrs.

Les Pères de l’Eglise font allusion à beaucoup de miracles — guérisons de possédés et de malades — attribues aux reliques des martyrs. Gomme ces récits sont dus à des écrivains tels que saint Hilaire {Contra Constantium imperatoreni, viii), saint AmnnoiSB (Ep. xxvi), saint Jérôme (Ep. cau), saint

Basile (Hom. xxiii in S.Mamanteni), sainlGHÉGOiRB DE Nazi.anze (Laadatio in SS. XL martyres), saint Augustin (Confess., IX, vu ; De civitale l>ei, XXII, vin), on ne peut raisonnablement les écarter a priori par une fin de non recevoir. Saint Augustin Ut même de grands efforts pour donner à la constatation des faits de ce genre venus à sa connaissance toute la précision possible, en recueillant directement les témoignages et en les constatant dans des procès verbaux, lihelli, qui étaient lus devant le peuple assemblédansPéglise (sur ces lihelli, voir Deledave, Les Origines du culte des martyrs, p. 149-155). Sans doute, ces procès verbaux destinés au public ne pouvaient offrir les garanties scientitiques que nous rencontrons, par exemple, dans les enquêtes médicales relatives aux guérisons de Lourdes. Leur collection, si elle avait été conservée, serait néanmoins d’un prix inestimable. Malheiu’eusement elle n’existe plus. Ce cjui reste, c’est la preuve de la grande foi les lidèles dans la puissance des martyrs. Cette foi se manifeste par les prières dont ceux-ci étaient l’objet, et par le désir souvent exprimé d'être enseveli près de leurs tombeaux.

/ ;) La foi dans l’intercession des martyrs. — Les fidèles avaient coutume d’invoquer le secours de leurs frères morts dans la paix du Seigneur : on trouve dans les cimetières antiques, et particulièrement dans les catacombes romaines, de nombreuses inscriptions où cette coutume se marque de la manière la plus touchante. Mais elle ne dérivait pas seulement de l’instinct populaire : les plus grands écrivains des premiers siècles, saint GBJCGOinE db Nazianze, saint Ambroise, saint Jérôme, montrent la même conlianee. A plus forte raison, l’avait-on dans l’intercession des martyrs, que l’on considérait comme tout-puissants auprès de Dieu (Ohigène, E.rliort.ad mart., xxxvii ; Contra Cetsum, VIII, Lxiv).

Même avant la mort de ceux-ci, les fidèles se recommandaient à leurs prières. Mémento nostri, memor esto mei, leur disaient-ils (Passio SS..Vontani, Lucii, xiii ; Acta S. Julii, 11 ; Acta SS. Fructuosi, Eulof ; ii, Augurii, i, vu ; Eusèbe, De niart. Pal., viii, i), et les martyi"S leur promettaient de prier pour eux (EusÈBB, Hist. ecct, VI, v, 3). Soit dans les épitaphes de leurs propres défunts, soit dans les graffiti qu’ils gravaient sur les parois des murailles des catacombes devant les tombeaux des martj’rs, les fidèles continuèrent à demander pour eux-mêmes et pour leurs proches rivants ou morts les prières des témoins du Christ. Tantôt ils les invoquent en bloc : Martyres suncti in mente ha^'ete Maria. Tantôt ils s’adressent à tel ou tel martyr : Sancte Laurenti, suscepta (m)abeto anim{am)… Sancte Suste in mente habeas in horationes Aureliu Repentinu… Refrigeri Januarius, Agatopus, Felicissimus martyres… Refrigeri tibi domnus Ipolitus… Sancti Petr{e), Marcelline, suscipite nostrum alumnum, etc.

L’orthographe et la syntaxe de beaucoup de ces inscriptions indiquent leur origine populaire, et font supposer qu’elles furent souvent rœuTe d’illettrés. Mais la foi qu’elles montrent est celle même que recommandent dans leurs écrits les plus illustres des Pères de l’Eglise, et dont eux-mêmes donnent l’exemple en même temps que le précepte : saint Basile, Ilomilia xxiii in sanctum Mamantem, i ; saint Grégoire de Nazianze, Oratio in S- Cyprianum, xix ; Epitaph. in Cæsarium, xx ; saint Grégoire de Nysse, Oratio de S. Theodoro ; saint Ambroise, De vidais. 11, 55 ; saint Jean Ghhysostome, Homilia in SS. Bernicem et Prodoscem, vu ; In SS. Javcntinum et Maximinum^ III, etc. Saint Augustin exprime cette pensée par le mot le plus simple et le plus fort : les martyrs, dit-il, sont nos avocats, adyocati (Sermo cclxxxv, 5) ;