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MARTYRE

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souvent des expressions clignes d’un chrétien, a dit de la mort : « Ce jour, que nous redoutons comme le dernier, donne naissance au jour éternel », aeterni natalis est (Ep. en).

Le dies natalis des martyrs se célébrait ainsi sur leur tombe, soit en un lieu que l’on laissait ignorer, comme à Smyrne, par crainte des païens ou des Juifs soit en des endroits publics et connus de tous, comme les cimetières souterrains ou à ciel ouvert possédés par la communauté chrétienne : cela dépendait des pays, des temps et des circonstances.

Célébrer l’anniversaire d’un défunt n'était pas, en soi, une innovation. Les anciens se réunissaient à certains jours près des tombeaux de leurs morts pour en honorer le souvenir par des offrandes de heurs et par des repas communs. La religion chrétienne conserva ces coutumes en les transformant. Chez elle, le souvenir des défunts est célébré par le sacriOce eucharistique, oblationcs pru defunctis, et aussi par des distributions aux pauvres. Quand le défunt est un martyr, l’anniversaire n’est pas commémoré seulement par la famille et les amis, mais par toute la communaiité. Cela rend nécessaire de le noter avec soin. C’est ce que saint Cyprien recommande à ses prêtres défaire pendant la persécution, non seulement pour les chrétiens qui meurent dans les supplices (lip. xii), mais encore pour ceux qui succombent dans la prison. « Vous savez que nous offrons pour eux le sacrifice toutes les fois que nous faisons mémoire des passions des martyrs et que nous en célébrons l’anniversaire. » (/?/). xxxix.) La liste des anniversaires célébrés ainsi dans chaque Eglise constitue les premiers martyrologes, et contient le germe des martyrologes plus développés de l’avenir. Dans l’antique calendrier romain de la Dcpositio marlyrum (Km’SAm, Acta sincera, éd. 1689, p. 692), on lit, pour chacun de ceux qui y sont inscrits, le jour et le mois, le nom, le cimetière (ou seulement la voie, si le martyr est éponyme du cimetière) ; exemples : XIII Kal. Felir. Fahiani in CalUsti et Sebasiiani in Catacumhas ; — Ifl. Kal. Fehr. Agnetis in Nomfntana.

Rien dans ces réunions ne rappelait le caractère lugubre des cérémonies funèbres :  ! > v.yiy.j/iv.7-t ii.yX yy.py-, dit le Martyriiim Polrcarpi, Comme dans la commémoration des trépassés ordinaires, le sacrilice eucharistique était offert (saint Cyprien, Fp., i, 2 ; xn, 3 ; XXXIX, 3) ; mais, à la différence de celle-ci, on ne prie pas pour les martyrs : Martyres eo loco recilantar ad altare Dei, iihi non pro eis oretar : pro ceteris nulem commenioratis defunctis oratiir (S. Augustin, Sermo ccix, 1). Souvent, par un reste des antiques usages, transformés et sanctifiés par la charité chrétienne, « on y ajoutait un repas modéré en faveur des pauvres et des malheureux. » (Oratio ad sancloruin coetiim, attriliuée à Constantin, xii). Les abus qui s’introduisirent parfois dans ces repas funèbres finirent par en amener la suppression (De Rossi, Iloma sotteranea, t. III, Rome, 1877, p. 50350li ; H. Leclercq. art. Agapes, dans le Dicl. d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. I, col. 818828) ; mais la phrase qu’on vient de lire, empruntée à un texte probablement contemporain du concile de Nicée, montre qu’au milieu du iv siècle les agapes offertes en l’honneur des martyrs conservaient encore leur caractère primitif. Ce" n'était pas, bien entendu, sur la tombe elle-même qu’elles avaient lieu, mais dans un édifice extérieur du cimetière : on voit encore les restes du Iriclinium construit à l’entrée de la calacomlie de Domilille (Bull, di arch. crist., 1865, p. 96).

c) Le tombeau. — Les tombeaux dans lesquels avaient été déposés les martyrs — quelquefois

enveloppés avec honneur, et quelle que fût leur condition (la patricienne Cécile, l’esclave Hyacinthe), d’un linceul tissé d’or — varièrent naturellement d’importance et de forme : l’humble loculus taillé dans le tuf d’une muraille de catacombe, le cuhiculiim orné de marbres et de fresques, la cella menioriæ construite au-dessus du sol parfois même avant la fin des persécutions, la fosse creusée dans Varea à ciel ouvert des cimetières africains, la somptueuse basiliques dans laquelle, après la paix de l’Eglise, on enchâssa, souvent sans en modifier la forme primitive, le sépulcre du martyr, et qu’on agrandit, parfois àplusieurs reprises, pour contenir la foule croissante des pèlerins (voir de Rossi, lioma solteraniea, t. I, p. 212 ; t. 111, p. 469-^71, 488-495 ; llull. di arch. crist., 1 878, p. 1 30 ; 1 880, p. 1 1 1).

A toutes les époques, au temps des catacombes comme au temps des basiliques, on s’efforça d’honorer les tombeaux des martyrs par les fleurs, les parfums elles lumières ; même dans les profondeurs des cimetières souterrains on entretenait devant eux, sur des corniches ou des tronçons de colonnes dont plusieurs sont encore en place, des lamiies ou des veilleuses comme celles qui brûlent dans nos églises devant le tabernacle (liorna sotterranea.l. III, p. 50550^) ; et l’on voit encore au sixième siècle les pèlerins recueillant dans des fioles, soigneusement cataloguées, des gouttes de l’huile qui avait briilé ainsi en l’honneur des martyrs (Homa sotterranea, t. 1, p. 175-182).

d) /.es sentiments des païens. — Au temps des persécutions romaines, les païens voyaient avec inquiétude ce culte rendu aux martyrs. Les refus de sépulture que nous avons rappelés eurent deux causes. L’une était un préjugé grossier : on s’imaginait anéantir jusipie dans l’autre vie les suppliciés dont le corps n’avait pas été régulièrement inhumé.

« Tout espoir de renaissance sera ainsi enlevé à des

hommes qui s’en encouragent et qui introduisent dans l’Empire une religion étrangère, méprisant les tortures et courant joyeusement à la mort. » (Lettre des Eglises de Lyon et de Vienne, dansEnsÈBE, Hist. ecc/., V, I, 97 ; cf. Edmond le Blant, Les martyrs chrétiens et les supplices destructeurs des corps, dans Les persécuteurs et les nia ; hT5. Paris, 1898, p. 235-250). A ce cruel paradoxe, saint Ignace, écrivant aux chrétiens de Rome avant d'être « moulu par la dent des bêtes, « avait d’avance répondu : « C’est quand j’aurai disparu tout entier que je serai vraiment le disciple du Christ. » (.4d. Itoni., iv). Mais un autre motif, où il entrait de la politique, dictait aussi le refus de sépulture. On craignait que, de leurs martyrs, les chrétiens ne fissent de nouveaux dieux ; tel est l’argument employé auprès du proconsul d’Asie pour le décider à refuser aux fidèles le corps de Polycarpe : « Il ne faut pas qu’ils abandonnent le Crucifié pour adorer celui-ci. » (Mart. Polycarpi, xvii). De même quand, au début de la dernière persécution, les empereurs, qui avaient d’abord permis d’inhumer les palatins chrétiens, les firent déterrer et jeter à la mer : <i S’ils restaient dans leurs tombes, disent-ils, on se mettrait à les adorer comme des dieux. » (Eusèbe, llist. ceci., VIII, ai, 7). Cette eraintehanta l’esprit deplusieurs persécuteurs, et même du dernier, Julien, qui cependant connaissait assez les chrétiens pour savoir combien elle était vaine.

Le spiritualisme chrétien avait depuis longtemps fait la réponse, — réponse qui vaut, aujourd’hui encore, et contre les anciennes accusations des hérétiques dénonçant dans la vénération des saints un acte d’idolâtrie, et contre le moderne paradoxe des <i saints successeurs des dieux)). Nos adversaires.