Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

359

MARTYRE

360

qualité des personnes. Tertcllien les énumère ainsi : le glaive, la croix, les bètes, le feu, les tourments de toute sorte imaginés par les bourreaux, gLidttim gratem, et ciuceni e.tcelsain, et rabiem bestiaritni, et summam igniiim poenam, et omiie carnificis iiigenium m toirnentis (Ad martyres, iv). En principe, la décapitation est le privilège des gens de condition honnête, la croix le supplice des esclaves et des personnes viles, le feu et les bêtes celui des non citoyens ; mais, en ce qui concerne les chrétiens, ces distinctions s’effacèrent vile ; dès la Un du second siècle, le choix de leur supplice dépendit moins de la condition des "personnes que de l’arbitraire du magistrat.

Citons, parmi les martyrs décapités : au i^' siècle, saint Paul, citoyen romain, et ceux auxquels fait allusion VApocalrpse, vi, g ; au ii= siècle, Justin et ses disciples, plusieurs des martyrs de Lyon, les martyrs de Scilliura, Apollonius ; au m' siècle, Je pa))e Sixte Il et plusieurs de ses diacres, saint Cyprien, des martyrs de Rome, d’Alexandrie, de Cartilage, de Lambèse ; au iv siècle, beaucoup de martyrs exécutés par le glaive, non par égard pour leur rang social, mais parce que leur grand nombre taisait choisir ce supplice comme plus rapide (Euskbe, De mari. Pal., ix).

/) La peine du feu fut appliquée aux martyrs de deux manières. Ou en lit un spectacle, avec le bûcher dressé dans l’amphitliéàtre, le condamné attaché ou cloué à un poteau : ainsi furent briilés sous Antonin Polycarpe, à Smyrne ; sous Dèce Pionius, à Smyrne, Carpos, Papylos et Agathonicé, à Pergame ; sous Valérien Fructueux, Augure et Euloge à Tarragone ; de nombreux martjTS de la dernière persécution. Mais on lui donna aussi des formes plus rapides, de manière à faire plus de victimes à la fois : chiéliens debout sur le sol, ou même enterrés jusqu’aux genoux, au milieu d’un cercle de tlammes : ainsi périrent plusieurs martyrs africains dont parle Tertullien (Jpol, , l), l'évêque Philippe et le prêtre Hermès à Héraclée (Passio S. PItilippi, xin), l’esclave Porphyre à Césarée (Eusèbe, De mart. Pal., XI, xrx), les o troupes de martyrs » dont parle LacTANCK (De mort, pers., xv). La cruauté varia les supplices : chrétiens rôtis sur le gril comme saint Laurent à Rome (saint Ambroise, De o/f. cler., I. xi, i ; Phldence, Péri Stepltanon, u), le chambellan Pierre à Nicomédie (Eusèbe, Hist. eccL, VIll, vi), plusieurs martyrs d’Antioche pendant la dernière persécution (ibid., xii), trois chrétiens de Phrygie sous Julien (Socrate, Hist. eccl., 111, xv ; Sozomè.vk, Hist. eccl., V, xi) ; d’autres, en Mésopotamie, suspendus la tête en bas au-dessus d’un feu lent, dont la fumée les asphyxiait (Euskbe, Hist. eccl., Vlll, xii, i), d’autres plongés dans une chaudière d’huile bouillante, comme saint Jean à Rome (Tertullikn, De pi aescr.. xxxvi), ou de bitume enllîimmé, comme sainte Potamienne à Alexandrie (Eusèbe, Hist. eccl.. VI, v), baignés dans la chaux vive comme Epimaque et Alexandre (lettre de saint Denys d’Alexandrie, dans Elsèbb, Hist. eccl., VI, xli, 17), brûlés à petit feu, lentement pendant tout un jour, Lactanoe, De mort. pers., xxi).

g) Un supplice qui plus que tout autre tient du spectacle, est l’e.rposition aux bêtes. Soit attaché à un poteau, au niveau du sol ou sur une estrade, soit libre dans l’amphithéâtre, le condamné est livré aux attaques des bêtes féroces. Beaucoup de fêtes publiques étaient solennisées par ces jeux sanglants ; de nombreux chrétiens y parurent, après avoir défilé sous les fouets des bestiaires : les martyrs du cirque de Néron, en 64 (Tacite, Ann.. XV, xliv), saint Ignace à Rome sous Trajan (son Ep. ad liomanos

et ses Actes), Germanicus et dix autres à Smyrne sous Antonin (Mart. l’ulrcarpi, ii, m), plusieurs chrétiens de Lyon sous Marc Aurèle (Eusèbe, Hist. eccl., V, 1), Perpétue, Félicité et leurs compagnons à Carthage sous Septime Sévère (Passio), Tliecla, Agapius, Eubulus, Hadrien à Césarée sous Maximiu Daia. d’autres à Tyr dans l'étrange scène vue et racontée par Eusèbe, où les bètes refusèrent de toucher les marlyrs, que l’on Unit par décapiter (EisÈBB, De mari. Art/., vi ; xi ; //(si.ecf/., Vlll, vii, 4-6).

Il) Le supplice de la croix, considéré par les anciens comme le plus infamant et le plus atroce, et d’abord réservé aux esclaves et aux condamnés de rang inUme, Unit par être infligé à des chrétiens de toute condition. Citons saint Pierre, cruciUé, dit TERTLLLiEx(We^ræser., xxxvi ; Scorpiac’s.v). la tête en bas. ajoute Oh igène (cité par Eusèbe, Hist. eccl., III, i ; Cléme.nt Romain, Ad Cur., v, vi, et De.nys db GoRiNTHE, dans Eusèbe, II, xxv. qui attestent le martyre de l’apôtre à Rome, n’indiquent pas le mode du supplice) ; beaucoup des martyrs de 64 (aiit crucibus affi.ii : Tacite, Ann., XV, xuv) ; Siméon, évêque de Jérusalem, sous Trajan (Hègksippe, dans Eusèbe, Hist. eccl., III, xxxii) ; de nombreux martyrs anonymes citéspar saint Justin (Zidi/o^. ctim Trypii., ex, par MiNUcius Félix (Octavius, x, xxxvii), par Tertullien (Apol., xxxi), par Clément d’Alexandrie (Strom., II, cxxv), par saint Cyprien (De bouo patientiae, SAi ; Ep. i, x) ; Claude, Astère, Néon, Galliope, Tliéodule, Agricola, Timothée, Maura, dans la dernière persécution (Actes SS. Claudii, Asterii, etc., m ; Passio S. Caltiopii : Eusèbe, De mart. Pal., XI ; saint Ambroise, De exhort. virgin., 11 ; Passio SS. Timothei et.Uaurae) ; à la même époque, des chrétiens d’Egypte, dont plusieurs cruciUés, comme saint Pierre, la tête en bas (Eusèbe, Hist. eccl.. VIII, viii). Les Romains n’achevaient pas les cruciliés, et les laissaient lentement agoniser sur la croix (OriGÈNE, Comm. ser. in Mattli., cxl ; Eusèbe, l. c. ; Passio SS. Timothei et Maurae, dans Acta SS., mai, t. I, p. 3^6 ; cf. Pio Franchi de' Cavalieri, dans yuovo Bull, di arch. crist., 1907, p. S4).

/) Dans la dernière persécution, il est aussi question de//f))n</es ; chrétiens « innombrables » deNicomédie portés liés sur des barques et précipités en pleine mer, martyrs jetés dans les fleuves, quelquefois cousus dans un sac comme les parricides, quelquefois avec une pierre au cou (Eusèbe, Hist. eccl., VIII, vi viii ; J9e mart. Pal., v, vu ; Acta SS. Beatricis, Simplicii, l’austini : Passio S. Quirini, v ; S. Jean Chrysostome. Hum. de martyrio S. Juliani). La noyade, autrefois peine réservée aux parricides, était, à l'époque des persécutions, tombée en désuétude même pour ceux-ci ; on la remit en vigueur pour les chrétiens. Nous en voyons d’autres, inventées par l’imagination des persécuteurs : jambes brisées, nez, oreilles, mains coupés, roseaux enfoncés sous les ongles, entrailles déchirées, plomb fondu versé sur le dos, membres écorchés avec des poteries brisées, ou même dépecés et jetés en pâture aux poissons ; femmes attachées la tête en basa des machines qui les élèvent dans les airs ; hommes liés par les jambes à des branches d’arbres qui, s'écartant brusijuement, les déchirent en deux (Eusèbe, Hist. eccl., VIII, viii, IX, xii ; X, viii, xvii ; De vita Constaniini, II, u).

« Si de telles horreurs nous avaient été transmises

en des récits légendaires, nous ne croirions jamais avoir assez de déUance contre l’exagération des narrateurs ; ici celui qui raconte (Eusèbe) est un homme bien placé pour être renseigné, peu enclin à pervertir le sens des documents qui lui ont été transmis. Au moment où il écrit, les bûchers sont à peine éteints ; leur cendre est encore chaude. Il faut donc