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MARIOLATRIE

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Mère de Dieu nous ct.iient inconnus, on prétend, au V et au VI" siècle, i>os8éd « r d’elle des portraits tracés par ses contemporains. Telle est la Madone dite de saint Lue, dont les copies se répandirent partout. (Sur l’histoire de ce tableau et la personnalité de son auteur, cf. ïillemont. Mémoires, t. XV, p. 181 ; BeisSEL, t. 1, p. 72 à 80 ; NiLLKs, Kalendarium, t. II, p. 163.) Telles, en général, les images dites achiropites (cf. Mautigny, Bict. nnl. chrci., art. Imag’s : DoBSOiiiiTZ, ChrisUisbilder, Leipzig, 1899, p. 79-89)Les traditions courantes sur ces images nous conduisent à envisager maintenant le côté plutôt populaire de la dévotion à Marie. Il n’est pas dillicile tout d’abord de constater la place que prend dans l’art l’inspiration des apocryphes (cf. Michkl, t. 1, i, p. 148).

Puis voici que circulent les récits relatifs aux reliques de la Sainte Vierge. On montre des lettres d’elle (Thombklli, Dissert, xlviii, Summa, t. II, col. 334). L’histoire euthymienne, citée par saint Jean Damascènk (Nom. Il in Dormit. li. K., P. G., XCVII, 7/18). raconte comment Marcien et Pulchéric sollicitèrent de Juvénal de Jérusalem le saint corps de la Vierge, et comment, sur le récit de l’Assomption que leur lit l'évêque, ils obtinrent au moins le sarcophage et les suaires. NicÉvHor.ii Calliste (j- iS/ii) — une autorité assez faible iiour les faits du v" siècle — raconte comment la robe de Marie fut donnée à Conslantiuople (('. G., GLVII, 70). L’Orient montre encore d’autres reliques (cf. VacanUAKD, Eludes de critique, l. c, p. 1 16).

En Occident, Gré< ; oike de Tours (-f 69^) parle des reliques de Marie qu’il a vues, qu’il possède et auxquelles on a dû une protection miraculeuse (De gloria Martyr., cap. ix.x, /'. /.., LXX.1, 716).

Persuadés en effet — comme le sont les théologien s — (voir textes dans Livius, p. 225, 269, etc.), de la bonté de Marie et de sa puissance d’intercession, les fidèles vont partout répétant des pi-odiges attribués à la Mère de Dieu. ?CuI, c’est clair, ne voudrait authentiquer tous les faits rapportés, mais une bonne critique se gardera bien de les nier en bloc. ConA’ersions dramati([ues (vg. l’histnire de Théophile), guérisons (cf. Sozo.mêne, llist. lîccl., VU, v ; P. G., LXVIl, 1425), visions, comme celle de la petite Musa (saint Griîgoire, Dialogues IV, xvii, P. L., LXXVIl, 716) ou ceUes dont était favorisé saint Martin (Si’lpice-Sévkhe, Dialogues, II, xiv, P. L, XX, 210, ou éd. Vienne, t. ii, xiii, p. igb). J’ai déjà parlé des miracles rapportés par Grégoire de Tours, j’ajoute qu’il nous raconte comment Mai-ic assista à la mort son illustre prédécesseur, saint Martin (De miraculis Sancti Martini, 1, v, P. L., LXXl, 919 ; Livius, p. Sig, sqq.). Aussi la conûance envers la Sainte Vierge est intense et universelle : par dévotion, on porte son nom (cf. Le Blant, Inscriptions chrétiennes, t. I, p. 102, 85C ; t. ii, p. 358, 461 ; RoHAULT DE Fleuhy, t. I, p. 315 ; Beissbl. t. I, p. 7 ; Tro.iiiei-li, De cultu puhlico ub Ecclesia Beatae Mariæ exhibito, Dissertatio xv, xxi ; voir BocRASsi’i, Summa aurea, t. IV, p. 355, k’i^'- les particuliers se recommandent à elle ; — les découvertes du P. DuLATTRE le démontrent (Le culte de la Sainte Vierge en Afrique, Paris iyo8) — et Justinien lui consacre l’empire (Cor ;) « s yn.sc ; i/î/. Grnec, n°86/|3). Son image domine les vaisseaux de Maurice luttant contre Pliocas (Bréhieu, Querelle des images, p. 8). Notons dès maintenant le rôle du monachisme dans la défense des prérogatives de la Vierge et dans l’extension de son culte. (Pour Conslantinople et les luttes nestoriennes, cf. Marin, les moines de Conslantinople, p. 182 et suiv.) III. La dévotion et le culte de Marie dans la

période iconoclaste. — L’iconoclasme, mouvement à la fois politique et religieux, fournit à l’Eglise l’occasion d’expliquer, de légitimer, de préciser aussi — car d’indéniables abus avaient dîi se glisser dans l’usage populaire (cf. Hefele-Leclkrcq, Hist. des Conciles, t. III, 2, p. Coi) — le culte rendu aux images saintes. Tout comme l’avaient déjà fait aux V et vi" siècles saint Augustin (Contra Faustum, XX, XXI, /'. L., XLII, 384, cf. Vacandard, l.c.p, 167), et saint Grégoire le Grand (Epist., IX, cv, P. 1.., LXXVII, 1027), saint Jean Dajiascène (/'. G., XCV, 309 ; XCIV, 1201 ; XCVIII, 147), le Pape Adrien ! « ' (j- 826), le second Concile de Nicée au viii « siècle, et au ix, saint Théodore db Stoudion (cf. Marin, Saint Théodore et P. G., t. XCIX, 827, 499) posèrent les principes d’où les scolastiques tireront la distinction des cultes de dulie et d’hyperdulie (cf. Cath. Encycl., t. VII, p. 670 ; Hayne, Ilyperdulia).

D’ailleurs, les chefs religieux de l’iconoclasme eux-mêmes n’entendirent aucunement i>roscrire en soi le culte rendu à la sainte Théolokos ; ils le défendirent même contre le radicalisme de Constantin Copronyme (cf. Brfmikr, la querelle des images, p. 18), ou de Léon l’Isaurien (ib., p. 44)- Quant à l’empereur Théophile (829-842), l’un des plus férooes persécuteurs des orthodoxes, il affichait publiquement sa dévotion à Marie (cf. BRiiiiiEU, ji. 35). Mais empereurs et évêques iconoclastes lirtiit la chasse aux représentations de la Vierge : l’image vénérable de la Tlicotokos Ilodigitria fut condamnée : le dévouement des moines la sauva (cf. Marin, Moines de Conslantinople, p. 17) ; les fresques, les mosaïques furent couvertes de chaux (cf. liuÉinER, p. iC). Pourtant, soutenus par les docteurs, encouragés même, dit-on, par dos miracles (saint Damascènk, P. G., XCIV, 49i). les fidèles tinrent bon ; plusieurs restaurations iconophiles s’ensuivirent et les constructions d'églises à Marie reprirent : Basile le Macédonien (867-886) bàlit le sanctuaire de la

« Thétokos du Phare », releva celui de la » Tliéotokos de la Source » et du « Sigma » (Marin, 1. c.

p. 31 ; Michel, 1. c, l. I, p. 189 ; Blissel, t. I, p. 81). De cette époque aussi datent les ]ioésies de l’hymnographe JosErn (cf. P. G., t. GV, 925).

En somme, si l’iconoclasme lit sentir son influence sur la technique de l’iconographie byzantine, il n’eut point d’action sérieuse sur le culte lui-même et sur la dévotion (cf. Micuul. l. c, t. 1, p. 188).

IV. La Dévotion et le Culte mariai jusqu'à, la Réforme. — Le Moyen-Age a précisé certains grands points de théologie mariale, en développant les idées scripturaires et traditionnelles sur la puissance, la pureté, la dignité de Marie ; il est aussi singulier rement riche en manifestations de dévotion ; théologie et culte se compénélraut, et plus que jamaisinfluent l’un sur l’autre. Hors les Albigeois (BouRASSÉ, Summa, t. VIII, col. igS), les Wyclcllistes et les Hussites (ib., col. 197 ; Lettre de Phocope dans Martène, Veterum Scriptorum Analecta, t. VIII, col. 22), on n’a guère attaqué la dévotion à Mai-ie. La liturgie continue à la consacrer. Du vui » au xii' siècle, le calendrier de l’Eglise universelle s’est peu à peu enrichi de la fête de la Nativité déjà célébrée par l’Orient (Cf. IIoLLWECii, /' « s<(, p. 210 ; BeisSBL, t. I. p. 43 et 304)- On notera qu’au tiers du xii' siècle, saint Bernard la considérait comme récente encore ; mais que, cent ans après. Innocent IV lui avait donné une octave. Dans les premiers siècles du Moyen-Age, les fêtes locales de la Sainte Vierge sont assez rares : on s’en tient aux fêtes anciennes (cf. Hollwbck, I. c, p. X).

Au xiii' siècle, l’influence française répand la Visitation ; en 126J, un chapitre franciscain la reçoit ;