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MARIOLATRIE


ensemble d’idées dogmatiques et traditionnelles (cf. Nkwman, Cerlain di/fcullies, t. U. p. 26-28).

Ici, la lâche est plus simple. Les auteurs des articles sur la Virginité, l’Immaculée Conception, l’Assomption de Marie ont pris soin de marquer les stades du développement de ces dogmes ou croyances ; ils ont expliqué et légitimé la portée de l’argument de convenance et le rôle de ! ' « Ecclesia discens ». Nous n’avons à nous occuper que de la vénération, de l’invocation, du culte public ou privé, sans pouvoir toujour.s cependant éviter le terrain théologique. Dans une première partie nous tracerons les grands traits de l’histoire de la dévotion mariale ; dans une seconde nous tirerons les conclusions qui paraissent découler des faits.

I. — Le dévbloppemrnt de la dévotion et du culte

DE MARIE

I. La dévotion et le culte avant le concile d’Epbëse. — Pouvons-nous en parler à cette époque ? Uest bien évident d’abord qu’on n’a pas à prendre très au sérieux les récits qui nous montrent les païens honorant par avance la Vierge Mère ; ceux qui colportent de soi-disant apparitions de Marie à Auguste (cf. KoHALLT DU FLiiUUY, t. I, p. 312) ; ni même les traditions qui représentent les apôtres ou les mages lui consacrant de son vivant des sanctuaires et des autels. Ce sont légendes en désaccord avec des faits bien établis, et dont le tort est aussi d'être patronnées par des témoignages bien jeunes

(ROHAULT DE FlEURY, t. 1, p. I, l3, 30^ ; lîOURASSÉ,

iiumma aurea, t. X, col. 697 et 615 ;.-icla Sanct., martii, t. 111, p. 532 ; Maracci, Aposioli Mariiini, Siimma, t. XIII, col. 553 ; Anal. BoHand., t. XIV, p. 139 ; Leroy, Les Pèlerinages de la Sainte Vierge en France, t. UI, p. 428).

Je ne voudrais pas non plus trop insister sur les hymnes attribuées à saint Epurem. On a pu comparer ces prières à celles du moyen âge, tant y est vif le sentiment, ardente l’invocation ; mais on n’admet pas généralement l’authenticité d’un bon nombre (cf. Dict. de ThéoL cath., t. Y, col. 188, et R. DuvAL, La Lia. syriaque, p. ig ; Burkitt, Saint Ephraims quotations from the Gospels, dans Texts and Sludies, l. VII, fasc. 2, p. 24, 20).

Il y a lieu de s’arrêter davantage aux peintures ou autres documents iconographiques, bien que l’interprétation ait fourni matière à controverse, tant elle est délicate. Or, parmi ces peintures, ces bas-reliefs, ces verres dorés, les uns représentent la Sainte Vierge isolée et comme pour elle-même. Leur importance est manifeste. Les autres, plus nombreux et plus anciens, introduisent Marie dans une seine biblique telle que l’Annonciation, l’Adoration des Mages ; certes, le vrai centre de la peinture c’est Jésus, et toutefois Marie y est à l’honneur. Dans les fresques du cimetière de l’riscille (ue siècle), et des saints Pierre et Marcellin (me siècle), elle est assise ; les autres personnages, y compris l’ange Gabriel, debout. Le siège de Marie est drapé d’une housse, symbole de dignité (cf. Liell, Die Darstellung J/ar/o ; WiLPERT, Lehneh, p. 285 et suiv. ; Roiiaclt de Flkury, t. II, p. 613 ; Beissil. t. I. p. 7, 8, 9 ; Phratk, dans Michel, Jlisluire de l’art, t. I, p. 32 ; Leclercq, Archéiilogie chrétienne, 1. 1, p. 178 ; t. II, p. 173, 496).

Enfin et surtout, dès le second siècle et certainement au troisième, la Mère de Jésus devient le thème de tout un cycle littéraire et légendaire. On veut raconter son histoire, défendre ses privilèges, glorifier sa dignité, édifier sur ses vertus, les proposer en exemple. Citons les récits divers dont l’assemblage formera le Protévangile de Jacques et ses diverses retouches, arabes, syriaques, lutines et autres ; les

légendes sur le Transitas et l’Assomption. Littérature abondante, mal classée, formée de pièces parfois disparates, chargées d’interpolations et souvent remaniées, littérature mal datée, dans son ensemble entre le deuxième et la fin du cinquième siècle. A coté de légendes gracieuses et d’une orthodoxie parfaite, on rencontre des traits choquants et même des tendances hérétiques. L’Eglise du quatrième et du cinquième siècle a été dure aux apocryphes, et s’il est inexact que le Pape Gélasb les ait condamnés tous (cf. Dict. de ThéoL, art. Gélase. coi. 1179, et DoBScniiTz, Das Decretum gelusianum…, dans les Texte und Untersuchungen^ t. XXXVIll, 4)) il "e manqua point de Pères pour les malmener.

Pourtant ces légendes, ces failles si l’on veut, nous sont des témoins irrécusables de la popularité dont jouissait Marie parmi le peuple chrétien du deuxième siècle. Dès ce temps, quand s'écrivaient les premiers récits, avant peut-être, c'était chez les fidèles, chez les simples, comme un axiome, que Marie était pure de corps et d'âme, belle et sans tache, aimée de Dieu comme nulle autre, privilégiée du Tout-Puissant, enfin que, si grande, elle devait être bonne (Dicl. TliéuL catli. ; — Dict. arch. clirét. ; — Catliol. £i.c)clop., au mot Apocrrpha, t. I et à la table, t. XVI, p. 123, on y trouvera les indications bibliographiques utiles ; — R. Duval : Litt. syriaque, p. gS ; — lixTitFOh : Lilt. grecque, p. 401 — Analecta Bolland., passim ; — Amann : Le Pro'érangile de Jacques et SCS remaniements latins, Paris, igio ; — Ch. Michel et P. Peeters, Les Efangites apocryphes, Paris, 3 vol. igii, 1914 ; — Bardenhewer, Ceschichie der Altchristlichen Litteratur, t. I, p. 402 ; — MontaGUR, Rhodes James, M. A. :.ipocrypha anecdola dans Texts and Studies. vol. II, n" 3 et ib. vol. V, n" 1 ; — FoRBEs RoBiNsoN : Coptic Apocryplial Gospels, ib. vol. IV n° 3 ; — LeHir, cité par Roiiault de Flbirv, t. I, p. xvi). On aura la même impression en parcourant les interpolations chrétiennes des Oracles Sibyllins (Jos. Geffcken, Die Oracula Sibylli/ta, Leipzig, 1902, et Neubert, 1. c. p. 214) et quelques récits de Saint Grégoire de NYSSE(f. G. XLVI, 912) et de Saint Grégoire de Nazianzb (P. G. XXXV, 1181), où mention est faite de prières à Marie, où apparaît la toute-puissance de son intercession.

"Tels sont les faits qu’il importait de dégager. Pas de culte mariai nettement distinct et proprement dit, c’est entendu ; mais déjà chez les foules ce respect, cette vénération, où la dévotion est en germe. Et qu’on veuille bien ne pas l’oublier : parallèlement à cette dévotion populaire naissante, se développe la théologie mariale officielle. Constatons-le dès maintenant — nous y reviendrons — le peuple chrétien n’est point ici un isolé, un enfant perdu : il avance guidé par l’instinct, mais il ne suit pas son caprice ; avec lui, le contrôlant, subissant volontiers son impulsion, mais ne le faisant qu’avec prudence et à coup sûr, progressent la théologie et le dogme.

II. La Dévotion et le Culte de Marie du concile d’Ephèse k l’Iconoclasme. — Après le concile de Nicée (325) qui définit la consubstantialité du Verbe avec le Père, les conciles d’Ephèse (43 1) et Chalcédoine (45 1) ont proclamé Marie « Mère de Dieu vraiment et proprement » (Dbnzinoer-Bannvvart, n* 1 13, 202, a 18}. Marie Mère de Dieu est mieux connue, plus appréciée à mesure qu’avance l'étude, complexe à l’infini, de l’unique et divine personne du Fils de Dieu. Plus grande se fait sentir la majesté du Christ consubstantiel au Père, plus aussi s'élève dans la vénération de tous, docteurs et fidèles, la femme bénie entre toutes dont Dieu voulut bien faire sa Mère, la Femme qui a enfanté « Le Verbe fait chair d (cf. Saint Cyrille, P. G., LXXVII. 1029). Le culte