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MARIE — INTERCESSION UNIVERSELLE

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un avec Jésus-Christ ; nous ne vivons de cette vie surnaturelle que si nous demeurons en lui, comme le sarment doit rester uni au cep et le membje au corps.

Devenus un avec Jésus, nous sommes les (ils du Père céleste en tant que nous sommes les frères de Jésus, les frères du Fils bien-airaé. Ainsi Jésus est à la fois Fils unique et premier-né parmi beaucoup de frères : Fils unique, parce que ceux qu’il veut bien appeler ses frères ne sont regardés comme (ils parle Père céleste qu'à la condition d'être recouverts de Jésus ; premier-né parmi beaucoup de frères qu’il donne comme (ils au Père céleste en répandant sur eux quelque chose de lui-même, en étendant jusqu'à eux le privilège de sa (iliation céleste.

II y a donc en Jésus comme une double manière d'être, on peut dire, en un sens, comme une double personne — non pas la personne divine et la personne humaine, ce serait l’erreur de Neslorius — mais la personne physique el la personne morale. Il y a Jésus, Fils unique du Père éternel, seul saint, seul objet des complaisances de son Père ; et il y a Jésus, chef de l’humanité régénérée, attirant à lui, en se communiquant à eux, tous les membres de l’humanité pour ne faire avec eux qu’un seul corps dont il est la tête, le principe de vie et d’action, le lien d’unité, et dont les hommes sont les membres, recevant tout de leur union avec le chef. Mais — et c’est là une remarque capitale pour l’intelligence de ce qui va suivre — ces deux formalités sont inséparables en Jésus : les deux choses ne font, pour ainsi dire, qu’une. Si nous pouvonset devons les distinguer par l’esprit, nous ne pouvons ni ne devons les considérer comme distinctes en réalité. Et cela lient à cette unité du plan divin, dont il a été si souvent question dans le cours de cette étude. Jésus n’est venu, en fait, que pour être le premier-né parmi beaucoup de frères, que pour donner, en les incorporant à sa personne, des fils à son Père céleste ; il n’a pas d’autre raison d'être que de rattacher l’humanité à son Père en la rattachant à lui-même. Il n’y a pas en Jésus l’homme privé et l’homme public : il n’est que pour sa mission.

Et ainsi s’explique la maternité de Marie par rappoit aux hommes. Mère du Christ, de Dieu fait homme, elle est par là même mère du Christ comme chef de l’humanité, mère du Christ dans ses membres, mère de tous ceux qui n’ont d'être surnaturel qu’en faisant un avec le Christ. On ne peut donc séparer en Marie la mère de Dieu et la mère des hommes. Jésus est inséparable de ses frères, il n’est que pour eux ; et elle n’est la mère du Frère aîné que pour être la mère de tous les frères à venir.

Ainsi, en consentant à devenir la mère de Jésus, elle consentait, par le même acte, à être la mère de tous ceux qui devaient faire partie du corps mystique. Les frères de Jésus sont donc les fils de la mère de Jésus : en devenant mère de l’un, elle devient la mère de tous.

Et Marie a vu et compris cela en disant le Fiat de l’Incarnation. A-t-elle vu distinctement, quand elle disait ce Fiai, chacun de ceux qui devaient être un jour ses fils ? Dieu voulut-il que chacun de nous fût, à ce moment, présent à sa pensée ? C’est une question nouvelle, différente de celle qui regarde le fait même de sa maternité. Il y a de bonnes raisons pour croire qu’elle les a vus. Mais ces raisons n’ont pas la même certitude que le fait de la maternité. Celui-ci reste indépendamment de l’autre.

On le voit, c’est au moment de l’Incarnation qu’il faut encore se reporter pour avoir le fondement de la maternité spirituelle. On dit souvent que Marie est devenue notre mère au pied de la croix. Ces paroles

ont un sens vrai, car c’est à la croix que se fait la Rédemption et que l’humanité est régénérée. Puis donc que la régénération, à parler en généraletdans l’abstrait, s’opère à la croix, et que dans cette régénération nous devenons enfants de Marie, on peut regarder la croix comme le lieu de notre douloureux enfantement. D’ailleurs, le Fiai de l’Iiioaination est déjà le Fiat du Calvaire, et Marie n’en serait pas moins notre mère quand elle n’aurait pas étéau pied de la croix, quand elle serait morte avant le jour du sacrifice suprême.

Cependant, il convenait que notre mère lût là. Elle y était, comprenant comme aucune créature ce qui se faisait alors, s’unissant de toute son âme à l'œuvre de son Fils : elle nous y enfantait dans la douleur. Jésus entendait-il, en donnant Jean pour fils à Marie et Marie pour mère à Jean, signifier cette maternité spirituelle ? Quelle que soit la solution qu’on ailopte, la maternité de grâce aura toujours son fondemenlsulPisant dans la tradition. Tant ([u’on gardera la théologie de saint Paul sur le corps mystique du Christel sur notre incorporation à JésusChrist, on trouvera dans le consentement et la coopération à l’Incarnation le consentement et la coopération à notre régénération en Jésus, qui constituent la maternité spirituelle.

Or, la maternité spirituelle de Marie est en rapport étroit avec toutes les grâces qui nous viennent de Dieu. Ce sont ces grâces, en elTet, qui nous font enfants de Dieu et frères de Jésus ; c’est par elles que se dévelop[)e toute notre vie surnaturelle ; c’est par elles que se fait noire naissance au ciel, terme de notre régénération, épanouissement de la vie surnaturelle, qui n’est ici-bas que comme la Heur dans le bouton. Dès lors, le concours de Marie à ces grâces se présente comme une action maternelle (il faut 1 entendre évidemment par analogie el dans l’ordre moral). Considération d’autant mieux fondée que notre vie surnaturelle tout entière peut être regardée comme un enfantement mjstique de Jésus en nous et comme un développement de son corps mystique par notre propre développement surnaturel.

Comment faut-il entendre ce concours maternel de Marie à notre enfantement surnaturel dans la grâce ici-bas, dans la gloire au ciel ? Rappelons-nous encore que l'œuvre rédemptrice est une. Dès lors, le seul consentement et la coopération maternelle de Marie à l’Incarnation suffiraient à tout expliquer : c'était le consentement, c'était la coopération à l’enfantement complet de Jésus, lequel comprend toutes les grâces données à tous les hommes et ne s’achèvera que par l’entrée du dernier des élus dans la gloire.

Mais cette même unité du plan divin exige que Marie continue au ciel de concourir à toutes les grâces qui nous viennent de Dieu. A notre régénération actuelle, à notre enfantement graduel par la grâce à la gloire, à notre croissance surnaturelle, au développement laborieux de Jésus en nous pour arriver à la plénitude du ciel, il fautque corresponde une action actuelle et continue de la mère qui nous enfante et qui enfante Jésus en nous.

Ce concours ne saurait être un concours physique à la production de la grâce en nous. Ce ne peut être qu’une intervention de volonté, un désir exprimé à Dieu, une présentation incessante de Jésus et de ses mérites, la prière enfin el l’intercession. Mais ce concours moral, comment supposer que l’amour d’une mère nele demande pas, comment supposer que Dieu refuse à la plus aimée et à la plus aimante des mères riionni’ur et la joie de la maternité spirituelle dans tovile sa plénitude ? Les chrétiens ont toujours compris la maternité de Marie en ce sens, non seulement comme un acte passé dont l’effet continuerait de se