Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

295

MARIE — INTERCESSION UNIVERSELLE

296

Avec Jésus sur la terre pour faire l’œuvre rédemptrice, elle est avec lui au ciel pour la continuer en nous’. Autrement la lin ne répondrait pas au coraniencenienl. Il y aurait une sorte de discordance entre les diverses parties du plan divin, une rupture dans son unité. En autres ternies, l’œuvre rédemptrice n’est pas une œuvre faite une fois pour toutes par Jésus, à charge ensuite pour Dieu de distribuer les grâces méritées par le sang divin, tandis que le Sauveur, perdu dans sa gloire et sa béatitude, oublierait pour ainsi dire les âmes qu’il a rachetées, el laisserait à son Père le soin de les mener au terme ; il continue d’intervenir auprès de Dieu pour nous : c’est lui qui fait jaillir et qui dirige les flots de la grâce sur les âmes rachetées de son sang ; non seulement Dieu ne fait rien dans l’ordre surnaturel qu’en vue et en vertu des mérites acquis par Jésus ; il ne fait rien qu’en vue et en vertu de son interpellation actuelle pour chacun de nous.

Mais Jésus n’était pas seul dans la première partie de l’œuvre ; Marie était avec lui. S’il était seul dans la seconde, l’unité du plan divin serait rompue : il faut que l’intervention actuelle de Marie s’unisse à l’intervention actuelle de Jésus ; ils étaient ensemble à la peine : il faut qu’ils soient ensemble à la gloire ; si le Roi du ciel agit encore pour nous, la Reine doit être avec lui dans l’action.

Xe serait-il pas étrange que le rôle de Marie Bnît au ciel, qu’elle y fût moins que sur la terre, une reine qui ne règne plus ?

Aussi bien, l’Ecriture mêræ nous insinue assez clairement, si nous savons comprendre, que Marie doit continuer au ciel ce qu’elle a fait sur terre. Dieu ne l’a pas mise seulement à l’Incarnation et au Calvaire ; c’est porté par sa mère el comme à sa voix que Jésus fait sentir ses premières influences en sanctiflant saint Jean ; elle est à la crèche pour recevoir et introduire les premiers adorateurs ; elle est à Cana pour obtenir de Jésus son premier miracle, qui lui gagne ses premiers disciples ; elle est dans le Cénacle, au berceau de l’Eglise naissante, reine et maîtresse des apôtres. Elle est donc à toutes les phases importantes de la vie du Christ ; elle est dans les principales circonstances qui indiquent et la distribution des bienfaits du Christ el le mouvement des âmes vers le Christ. N’est-ce pas un signe suffisant de l’intention divine ? La tradition catholique n’a pas hésité : dans les faits évangéliques, elle a reconnu des indices de la vérité qu’elle portait vivante en elle-même depuis les origines, et elle est partie de là pour allirmer hardiment l’intervention actuelle do Marie pour la distribution des grâces.

V. Comment la même’érité se dégage des titres de médiatrice et de mère que nous donnons à Marie. Médiatrice (ne faisant qu’un avec Jésus) entre Dieu el nous, médiatrice entre Jésus et nous, elle nous donne Jésus, et elle nous donne la grâce de Jésus, soit par son action sur terre, soit par son intercession au ciel. Mi’ie des hommes, elle l’est par là même qu’elle est mère de Jésus, le chef du corps mystique dont nous sommes les membres ; nous devenons ses enfants par la régénération, qui nous fait frères de Jésus. Comiient Marie devient notre tnère à l’Incarnation, et comment au CaUaire. Rapport de cette maternité avec l^s grâces que nous recevons de Dieu, et comment ce rôle de mère emporte l’intervention actuelle de Marie dans toute notre vie spirituelle. — Les mêmes conclusions se dégagent plus nettement encore quand on étudie, toujours en se rappelant l’unité de l’œuvre rédemptrice, les titres principaux par lesquels les chrétiens aiment à se formuler la coopération de Marie, j’entends ceux de médiatrice et de more.

Marie est médiatrice. Nous le disons en deux sens.

Tout d’abord pour marquer d’une façon générale que Marie est à côté du Médiateur, qui est Jésus, dans l’œuvre de notre réconciliation avec Dieu, de notre sanctification et de notre salut. Cela ne veut pas dire, puisqu’il faut le répéter sans cesse en face des calomnies sans cesse renouvelées des protestants, cela ne veut pas dire que nous admettions un second médiateur à côté du Médiateur unique, ni que la médiation de Jésus nous paraisse insutlisante, ni que nous donnions quelque chose à Marie en dehors de Jésus. Mais elle est là près du Médiateur pour le constituer, si j’ose dire. Médiateur parfait, en prenant dans la médiation de vie la place que Dieu a voulu lui faire, comme à Eve auprès d’Adam dans la médiation de mort ; poui’le mettre dans son rôle de Médiateur, ne faisant qu’un avec lui dans la médiation.

Nous le disons d’une façon plus précise et plus spéciale de Marie comme médiatrice entre Jésus et nous : médiatrice pour nous donner Jésus et avec lui toutes les grâces de la Rédemption ; médiatrice pour nous introduire à Jésus, intercéder pour nous auprès de lui et attirer sur nous sa pitié et ses faveurs.

En quelque sens qu’on le prenne, ce nom de médiatrice emporte la double coopération à l’œuvre rédemptrice dont nous avons parlé, coopération par son action sur terre, coopération par son intercession au ciel, — l’une et l’autre universelles, comme la médiation de Jésus, et s’étendant â toutes les grâces qui nous sont accordées en vue de Jésus. La chose s’entend de soi, quand on pense à l’unité de l’œuvre rédemptrice et â l’indissoluble union de Marie à Jésus dans le plan de rédemption et de salut par le Dieu-Homme. Qui nous donne Jésus comme auteur de toute grâce, nous donne par là mêræ toutes les grâces que Jésus est venu nous mériter. Qui a eu un tel rôle dans le don de Jésus, ne saurait être sans inlluence actuelle sur la distribution de la grâce, la grâce n’étant pour ainsi dire que l’extension et le prolongement de Jésus jusqu’à nous, n’étant que le terme auquel doit aboutir dans l’intention divine le don de Jésus. Qui est partout médiatrice avec Jésus, ne peut cesser d’unir son action à l’acte même en vue duquel Jésus a fait tous ses autres actes de médiateur. Et ainsi, de quelque côté qu’on la regarde, la médiation de Marie emporte son intervention dans la distribution des grâces.

Plus doux et plus profond encore que le nom de médiatrice, est celui de mère que nous donnons à Marie ; plus étroite aussi l’union de ce nom avec la ])arl de Marie dans la distribution des grâces. Que Marie soit notre mère, la vraie mère de tous les vivants, la tradition catholique le proclame dès les tout premiers siècles. Que ce ne soit pas là seulement un nom de tendresse, mais qu’il y ait sous le nom une réalité profonde, nul n’en saurait douter qui se soit tant soit peu rendu compte du caractère et des. conditions de notre vie surnaturelle.

Dans l’abstrait, coopération à l’œuvre rédemptrice ne dit pas nécessairement maternité. Mais, en fait, c’est tout un. La coopération de Marie dans notre naissance et noire développement surnaturel est une coopération maternelle, et nulle analogie n’est plus apte à nous faire entendre cette grande vérité d’ordre supérieur, inaccessible en elle-même à nos sens et à notre raison, que l’analogie exprimée par le mot de mère.

La vie surnaturelle, nous le savons, nous est donnée par une sorte de régénération, de seconde naissance : naissance à la grâce par le baptême, naissance à la gloire par notre entrée dans la vie bienheureuse. Cette régénération emporte, dans l’ordre actuel, notre incorporation à Jésus-Christ : nous ne recevons la vie surnaturelle qu’en devenant.