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MARIE — INTERCESSION UNIVERSELLE

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BiBLiOGRAt’iiiB : — Se repiirler à celle qui a été donnée au cours Je l’article Makib. Y ajouter : Bellam}’, Histoire de ta théologie catholique au XJX’siècle ; Paris, 190a. — Gaudinus : Astumptio corporea H. V. vindicata, Paris, 1670. — Ilurter : Theologiæ dogniaticæ compendium, Œniponte 1891, t. II, 11° 664 et suivant ; — Jannucci : De Dei parentis Assiimpliune. Taurini, 1884 ; — Pesch : Prælectiones theologiae, Fril)ourg, 1896, t. IV, p. ïqS ; — Jurgens. Zeitsclirift fiir Katholische Théologie, Innsbrucli, 1880 ; — Nægel : L’Assomption, ses harmonies dogmatiques, Lyon, 1908 ; — Doni Renaudin : h’Assomption de la Sainte Vierge (Exposé et Histoire dans la collection « Science et Religion », no 444)j tli niéme : La Doctrine de l’Assomption de la T. Sainte Vierge, sa définibilité, Paris, 1918 ; — Sinding : Mariæ Tod und Ilimmelfakrt, Cbvisiiania, 1908 ; — TiscLendorf : Apocalypses apocrrphae, Leipzig, 1866.

A. NOYON, S. J.

6° Intercession universelle

Tout n’est pas dit de Marie quand on Ta étudiée comme mère de Dieu. Il faut encore l’étudier dans sa maternité spirituelle, comme mère des hommes, comme mère de grâce. Ces deux maternités sont, en elle, inséparables. Que la seconde soit toute dépendante de la première, la chose est évidente. Mais de la première elle-même on ne peut traiter à fond sans déjà parler de la seconde. Cependant celle-ci, comme celle-là, demande une étude à part ; car il s’y rattache plus d’une question délicate, dont l’apologiste, non j)lus que le théologien, ne saurait se désintéresser. Le culte que nous rendons à Marie ne s’explique et ne se justifie pleinement que si la mère de Jésus est aussi notre mère, mère de grâce et médiatrice des dons qui nous viennent de Jésus. Aussi le P. Tekrien, dans son grand ouvrage sur la Sainte Vierge, après avoir consacré deux volumes à Marie comme Mère de Dieu, n’a pas cru que ce fût trop de lui en consacrer deux autres comme mère des hommes. L’apologiste n’a pas à entrer dans maints détails qui ne seraient que de tliéologie ou de dévotion ; mais il doit exposer de son mieux une doctrine sans laquelle on ne comprendrait qu’imparfaitement le culte de Marie, tel qu’il se pratique dans l’Eglise. Ainsi a fait Newman, dans son admiral)le lettre à Pusey, pour ruiner par la base les objections de son ami anglican contre la dévotion des catholiques envers la sainte Vierge ; ainsi essayerons-nous de faire ici en étudiant la maternité spirituelle de Marie et la principale prérogative de cette maternité, la part de la sainte Vierge dans l’économie providentielle de la grâce.

I. Importance de la question : pour la théologie mariale, pour mieux comprendre l’économie du christianisme, pour la déi’Otion à Marie, pour expliquer et justifier le culte que nous lui rendons. — Les dévots de Marie aimaient jadis à comparer entre eux les privilèges et les prérogatives de Marie, pour savoir lequel lui était le plus glorieux ou devait lui être le plus cher. Procédé un peu naïf peut-être, mais qui avait l’avantage, entre autres, d’aider à creuser les idées et à les retourner sous toutes les faces. Ici la question n’est pas si tel autre privilège, si l’Assomption par exemple, est ou n’est pas plus glorieux à Marie, que sa maternité spirituelle. En elle, tout se tient, tout se commande, tout concourt à former un temple magnilique dont la clef de voîite est la maternité divine. Ni les privilèges personnels ne sont complètement distincts l’un de l’autre, ni la distinction n’est possible de privilèges qui regarderaient directement

Marie et d’autres qui regarderaient directement les hommes. Marie est tout ce qu’elle est et pour elle et pour nous, comme elle est tout ce qu’elle est pour Jésus et pour Dieu. Son privilège le plus intime, l’Immaculée Conception, n est pas seulement en rapport étroit avec sa maternité divine, il touche de très près à sa dignité de Mère des hommes, de première des rachetés, de Reine de l’humanité régénérée. Son Assomption glorieuse semble exigée en quelque sorte par ses titres de Reine du ciel à côté du roi Jésus, de Médiatrice universelle à côté du Médiateur divin, d’inséparable associée du grand Vainqueur de la mort et de l’enfer. Mais sans essayer des distinctions impossibles ni des comparaisons trop artilicielles, il est permis d’indiquer de quelle portée est pour Marie et pour son culte le titre de mère des hommes et de trésorière universelle des grâces divines.

Si rien autant que sa maternité di ine ne la met en rapport étroit avec Dieu, aussi près de lui qu’une créature peut l’être du Créateur, rien autant que sa maternité spirituelle ne la met en rapport étroit avec le monde des rachetés, aussi près de chaque homme en particulier que la mère l’est de son enfant. Jésus, comme unique Médiateur entre Dieu et nous, n’a pas seulement une eau-calife lointaine sur notre sanctification et notre salut. Il est de toute notre vie spirituelle : pas un acte surnaturel où il n’ait sa place, pas une grâce ni un accroissement de grâce qui ne passe par lui. Et de là vient que nous le mêlons à toutes nos prières, que tout notre culte se rapporte à lui ; de même que nous ne pouvons rien sans lui, nous ne voulons, ni ne demandons, ni n’essayons rien dans l’ordre surnaturel qu’avec lui et par lui. Nous pouvons n’y pas penser explicitement ou ne pas le dire en termes exprès. Mais nous savons bien que Jésus est partout dans notre vie spirituelle, et c’est là le présupposé de toutes nos prières et de tous nos efforts. Si Marie est inséparable de Jésus, si elle intervient, au-dessous de lui, mais avec lui, dans chacune des grâces qui nous Viennent et par là dans chacune de nos œuvres surnaturelles, notre dévotion en prendra un caractère particulier, notre recours sera d’un genre à part, et là même où nous ne la mêlerons pas explicitement dans notre prière et dans notre vie surnaturelle, notre prière et notre vie surnaturelle seront comme imprégnées de son intervention. Et qui dira tout ce que donne au christianisme d’attrait, de charme, de puissance, ce parfum de Marie partout présente, cette continuelle influence de la mère ?

Il y a plus. C’est tout le mystère de l’Incarnation, c’est toute l’économie du salut qui s’en ressent. Pour nous, en effet, ce n’est pas tout à fait la même chose d’être sauves par Jésus tout seul, ou de l’être par Jésus ayant toujours et partout Marie à ses côtés comme sa mère et comme la nôtre ; de même que ce n’est pas tout à fait la même chose d’avoir été perdus par Adam tout seul ou par Adam et par Eve.

C’est assez pour montrer à qui sait voir la grande portée spéculative et pratique de la question présente. Elle est capitale pour la tliéologie mariale et pour le culte de Marie ; elle touche au fond même du christianisme. Il vaut donc la peine qu’on s’en occupe. Si elle est, avant tout, affaire de théologie et de piété, l’apologiste lui-même ne peut s’en désintéresser, puisque, comme nous le disions en commençant, la dévotion du catholique envers Marie et le culte qu’il lui rend ne se comprennent bien qu’à la lumière de cette grande vérité.

II. F.tat présent de la question. Que Marie soit notre mère, c’est chose acquise ; que Marie intervienne dans la distribution de toutes les grâces et comment