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MARIE — ASSOMPTION

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païennes : la Uadilion de l’Assoniplion n’est qu’un reste de la légende de Déméter (Hauuis), d’Aitémis ^Fbazëiî) (cf. Muuih, 1906, II, p. 20Ô).

Pourquoi chercher des divinités grecques ? Il serait sans doute Irop simple, trop obvie, moins précieux de se dire que les chrétiens dévots à Marie n’ont pas pu supposer la Vierge en retard sur saint Jean ou Knoch (cf. P. t., LXXIV, 11 24 ; P. G., XCVII, 1081), que si Dieu a enlevé au ciel ces saints personnages, ii a pu a furtiuri en faire autant pour sa mère, il a dû traiter sa more comme lui-même. Dira-t-on aussi que saint Luc (Ad., i, 9) s’est souvenu de Dénulcr ? Et voilà — abstraction faite de savoir si les dévots chrétiens avaient tort ou raison — qui satisfait plus l’esprit que des hypothèses contournées et parfois contradictoires. Aussi dégagé que quiconqtie de préoccupations dogmatiques, Lucius l’a bien compris, il a laissé de côté les dieux grecs, il a bien fait et l’on serait sage d’imiter sa réserve.

B. Que l’origine toule populaire de lu croyance ne s’impose pas au critique. — Ceci revient à poser, sans essayer de le résoudre complètement, le délicat problème de l’influence des apocryphes sur la croyance de l’Eglise. En sont-ils la sou-ce, l’origine ? Est-ce à cette littérature, médiocre presque toujours, parfois même suspecte, que remonte une iloctrine en voie de s’imposer à la foi ? — Oui, répondent sans hésiter la Healencyklopadie (t. XII, p. 280) ; le Dictionary of Christian antiquities de Smitu (t. II, p. ii^a) ; "TiscHENDORF (1. c, p. 34) ; Rknan, qui d’ailleurs commet à ce sujet une faute énorme de date relevée par Dom Cabrol (Revue pratique d’Apologétique, 1906, 1907, t. III, p. 214) ; bien d’atitres encore.

Il convient de distinguer, de préciser. Que certains prédicateurs, qxie des liturgistes aient emprunté aux traditions populaires, en essayant ensuite d’en coordonner les éléments, le récit de la mort de la Sainte Vierge, ou les détails de sa résurrection, fort bien, c’est un fait, mais qui demeure étranger au fond de la question (cf. Rknaudin, La doctrine de l’Assomption, p. '79). Ce que l’on ne démontre pas, c’est que la croyance à la résurrection de Marie, à sa glorification anticipée, soit, elle aussi, sortie des cycles légendaires.

Quels arguments font en effet valoir les premiers partisans de r.ssomption ? L’autorité des récits courants ? Non, mais surtout des considérations d’ordre théologique, moral, sentimental si l’on veut : ils en ai)pcllent à la dignité de Marie, à sa virginité, à sa maternité divine, à sa victoire sur le péché. Ils admettent l’Assomption, un peu parce qu’on l’admet, mais bien plutôt parce que ce privilège s’harmonise avec l’ensemble des idées qu’ils ont de Marie : c’est un système doctrinal qui, avant tout, conditionne leur adhésion : pour eux, cette croyance n’est pas une isolée, elle rentre dans un tout cohérent, elle y trouve la place qui était faite pour elle et semblait l’attendre (voir P. G., XCVIII, 357 ; LXXXVI, 2, 3308, où saint Modkstk critique quelques traditions ; les réflexions de saint André de Crète, P. G., XCVII, 1060 ; les récits courants semblent jouer chez saint Damascène le même rôle que les histoires naïves et charmantes d’autres apocryphes chez le Psi unoBoNAVENTURE ; que l’on relise sa seconde Homélie, P. G., XCVI, 721).

Forts de cette constatation, des critiques catholii|ues et même anglicans (v. g. Mozlby, cité par Livius, p. 365) ont pu avancer que, loin d'être la source trouble d’une croyance puérile, les apocryphes ne sont f|ue la manifestation poétisée, enjolivée d’une croyance préexistante. Ainsi parlent Le Hm (Etudes liiiliques, t. II, p. 148, 185), JuRGENs (1. c, p. 64 1 et

suiv.) et à leur suite le Dictionnaire de théologie (t. I, col. 2135), le P. Terrien (1. c. p. 354-360).

On dit : C’est là une hypothèse. Peut-être ; mais, hypothèse pour hypothèse, celle-ci a du moins l’avantage d’expliquer lecaractcre sérieux, doctrinal, que prend dès son origine la prédication de l’Assomption.

Que maintenant, et par une sorte d’action en retour, la faveur dont jouissait la légende populaire ait à quelque degré attiré l’atlention des lidèles et de leurs chefs sur une croyance latente, sur ses cotés doctrinaux, ceux-là seuls s’en étonneraient qui ignorent l’extrême complexité des cléments extrinsèques qui concourent au progrès théologique ; que les récils populaires, en développant la dévotion, en attisant la piété, aient servi d’excitant intellectuel, c’est possible, le cas s’est vu ; mais c|ui ne sent que c’est là cause occasionnelle, accidentelle, et non cause essentielle, réellement productrice elellioiente ; qui ne sent que c’est là force de manifestation et non de création ?

Mais, insisle-t-on, d’où vient que la cinquième partie du Décret gétasien prohibe les livres qui répandent cette croyance ? C’est là une preuve que les chefs de l’Eglise la voyaient de mauvais œil ; que c’est le peuple, le peui)le crédule qui a fait sa fortune et non les théologiens.

Tout d’abord, je n’apprendrai rien à personne en rappelant quelles controverses a soulevées l’authenticité d’un document qu’on a pu comparer aux

« Fausses Décrétâtes » (cf. lietue Biblique, ig13, 

p. 602-608, un compte rendu des ouvrages de M. VON Dobscuuetz et de Uom Cuai’man). De la cinquième partie surtout, on a écrit u qu’elle est un extraordinaire fouillis où les renseignements personnels de l’auteur voisinent avec des renseignements tout faits, empruntés à saint Jérôme » (article cité, il/., p. O06). On constatera également que le décret gélasien ne s’est répandu que lentement ; toutes considérations qui rédxiisent sa portée.

Enfin et surtout, que prohibe t-il ? — Deux séries de livres : tous les ouvrages de Leucius et le Transitus(c{. P. /.., LIX, 162). C’est tout, et la condamnation se tient dans le vague. Au nom du texte, on ne peut donc légitimemenlétendre l’anathème aux remaniements, aux retouches, aux corrections ; au nom du texte, on ne peut pas dire que toutes les légendes soient visées. Sindino l’a bien compris (p. ig et 20), et son interprétation se conlirme i)ar la solennité de la fête à Kome du temps de Sergius, par la commande de tissus d’autels faite par des papes du vin" siècle.

Encore bien moins, par conséquent, a-t-on le droit de lire dans le vague du Gelasianum la condamnation de la croyance à la résurrection de Marie. Le prétendre, c’est forcer le texte, c’est tenir pour démontré, prouvé, acquis, que la doctrine de l’Assomption sort des apocryphes et encore des apocryphes condamnés.

Ainsi précisées, les objections critiques perdent de leur force, elles se réduisent. Riches d’hypothèses ou d’allirmations, ou de supposés, elles se dérobent aux preuves. Je ne me datte pas cependant de les avoir résolues complètement ; — ou plutôt d’avoir dissipé les préventions qu’elles font naître ; m’adressant surtout à des catholiques, je dois me placer résolument sur un terrain différent mais plus solide, employer des arguments indirects, il est vrai, mais péremptoires, passer de l’histoire à la théologie, de la discussion à l’autorité.

2" Réponse théologique. — Une première observation : il ne faut pas considérer l’Assomption à la manière d’an simple événement miraculeux, analogue