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MARIE — IMMACULÉE CONCEPTION

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avant l’action, elle le laisse pleinement libre de ses mouvements.

Par contre, il arrive qu’entre deux choses absolument faisables, l’une ait, en vue de la lin que Dieu se propose, un rapport de proportion et de conformité dont l’autre est dépourvue ; il n’y a plus alors simple convenance, mais convenance rigoureuse, qui s’impose moralement à l’agent parfait qu’est Dieu, convenienliai rei faciendae. C’est une convenance de ce second genre que les partisans de l’Immaculée Conception voyaient en ce privilège et qui justiliait pour eux ce raisonnement : Poluit, (leciiit, ergo fecit. Les fidèles allaient comme d’instinct au même terme ; de là, chez eux, de l’étonnement, du malaise, parfois de l’irritation, quand un prédicateur se permettait d’attaquer en chaire la sainte conception de la Mère de Dieu.

Reconnaissons toutefois que l’argument de convenance, pris en soi, ne mène pas jusqu’au dogme tel qu’il a été défini par Pie IX. S’il permet d’affirmer la vérité de l’Immaculée Conception, il ne suffit pas à rétablir comme vérité divinement révélée. Ce qui explique que des théologiens, admettant d’ailleurs cet argument et sa force probante, ne considéraient cependant pas le privilège comme définissable de foi divine.

2. Ecriture sainte. — Deux textes sont directement utilisés dans la bulle : Gen., iii, 15 et Luc, i, 28, 42. Ils ont été étudies ci-dessus : Maaib dans l’Ecriture sainte, col. 117119 ; 137- ; 38. Des explications données alors il résulte que ces textes renferment un témoignage, non pas explicite, mais implicite en faveur de l’Immaculco Concept ion. Quelques remarques attireront l’attention sur l’inetlîcacité des attaques auxquelles l’un et l’autre ont donné lieu. Dans les premières rédactions de la bulle, l’argument d’Ecriture sainte avait été présente à part, comme pleinement distinct de la preuve patristique. Sabdi, op. cit., t. II, p. 28 sq., 77 sq. Cette manière de procéder fut critiquée, et les textes bibliques, de même que les figures et les images de la Vierge tirées de l’Ancien Testament, furent rattachées à renseignement des Pères, § Eqiiidem Patres, el, par conséquent, présentées comme argument patristicoscripturaire.

En ce qui concerne l’oracle génésiaque, le sens et la portée exacte de l’argument sont indiqués dans les travaux de la Commission, Brève esposizione degli Alti.., , op. cit., t. I, p. 796. Deux conclusions sont posées : 1° On ne peut pas tirer d’argument solide des paroles : Ipsa conterel caput tiiiim. 20 Les paroles qui précédent : Inimicitias ponam inter te et muUerem, etc., fournissent un fondement solide en faveur du privilège mariai. La raison de cette seconde conclusion se ramène à la communauté qui existe, sous le rapportdes inimitiés avec le serpent, entre le rejeton de la femme et la femme elle-même, e’e.stà-dire entre Jésus-Christ et sa Mère. En attribuant cette doctrine aux anciens Pères et aux écrivains ecclésiastiques, les théologiens de Pie IX n’invoquent pas, pour ce qui est de Marie, une tradition explicite, mais seulement ce qu’ils appellent « una tradizione allusiva a quel luogo », c’est-à-dire une tradition se manifestant par des allusions à la lutte et à la victoire de la Mère de Dieu en union avec son Fils ; telles les allusions contenues dans les textes réunis col. 1 19.

La preuve, qu’on peut tirer des paroles adressées par l’ange à la Vierge, est présentée à peu près de la même façon. Ces paroles, concluent les consulteurs, ne sutlisent pas, par elles-mêmes, à i)rouvcr le privilège de l’Immaculée Conception ; pour qu’elles aient cette efficacité, il faut y joindre la tradition

cxégétique des saints Pères. Ihid., p. 799 sq. On peut juger des témoignages qu’ils invoquent par ceux qui ont été rapportés au cours de cette élude, par exemple, col. 226, 280, 281.

Les adT » ersaires de la bulle Ine/j’abilis s’ai)puienl donc sur un faux supposé, quand ils reprochent aux. théologiens de Pie IX d’avoir fondé leur argumentation sur une leçon fautive de la Vulgate : Ipsa conteret caput tuum. En affirmant que, parmi les anciens Pères, nul n’a entendu l’oracle génésiaque ou la salutation angélique dans le sens immaculiste, ils ne tiennent compte que de l’interprétation directe et explicite ; ils oublient, à tort, la doctrine de Marie nouvelle Eve, qui se rattache aux deux textes, les fréquentes allusions à la pleine victoire de cette nouvelle Eve et les magnifiques commentaires des Pères grecs sur le xcyyf^i-Muijr, ou la pleine de grâce. 3, Tradition. — La bulle nous propose la Tradition 90US deux aspects généraux, qu’il importe de ne pas confondre : au sens passif ou objectif de vérités transmises de siècle en siècle, et au sens actif ou subjectif de règle vivante de la foi sanctionnant ou interprétant les vérités transmises. A l’un ou à l’autre de ces aspects, suivant le point de vue qu’on considère, peuvent se ramener les facteurs multiples qui sont de nature à favoriser la transmission ou le développement des vérités anciennement acquises, et l’exercice du magistère ecclésiastique, qui reste toujours la règle dernière de la foi catholique.

Ce n’est nullement par hasard que l’argument, emprunté à l’anlorilé de l’Eglise romaine sanctionnant la pieuse croyance, se lit en i)remier lieu dans la bulle, avec ènumération détaillée des interventions réiiétées et toujours de plus en plus expressives des souverains Pontifes. Dans le schéma primitif, la preuve de Tradition patristique précédait ; des évèqucs suggérèrent d’intervertir l’ordre, pour mettre mieux en relief l’importance de l’argument tiré du magistère, comme étant pour un vrai croyant l’argument décisif. Certains, comme le cardinal Sehwarzenberg, auraient même préféré une simple définition, sans raisons à l’appui. Cette dernière luotion ne fut pas agréée, mais Pie IX approuva la première suggestion, et l’argument tiré « du fait de l’Eglise I fut mis en tête de ligne. Sardi, op. cit., t. ii, p. 207, 235, 291, 296, 800. Si donc nous croyons fermement, dans l’Eglise catholique, que la conception immaculée de Marie est une vérité, et une vérité divinement révélée, c’est d’abord et surtout à cause de l’autorité infaillible de l’Eglise, qui l’a solennellement définie.

Plusieurs facteurs ont concouru au résultat définitif en le préparant ; tels, dans la période où la pieuse croyance s’accentua, se (ixa et finalement s’imposa, les facteurs brièvement mentionnés dans la bulle, S Omnes ua/em nurunt : ordres religieuXj universités, docteurs les plus versés dans la science des choses divines, évêques agissant à titre individuel ou collectif. Ajoutons les fidèles unis aux pasteurs, et nous aurons cet ensemble qui, dès la première moitié du xvii’siècle, faisait dire au docte et grave Petac, De Incarnatioiie Verhi, 1. XIV, c. 11, n. 10 : « Ce qui m’impressionne le plus et me pousse de ce côté, c’est le consentement commun de tous les fidèles qui portent fixée au fond de leui-s esprits, et qui attestent par toute sorte de manifestations et d’hommages, la cioyance que parmi les nuvres de Dieu rien n’est plus chaste, plus pur. plus innocent, plus en dehors de toute souillure et de toute tache que la Vierge Marie ; qu’il n’j' a rien de commun entre elle et le diable ou ses suppôts, et que par conséquent elle a été exempte de toute offense vis-à-vis de Dieu et de tout sujet de condamnation. »