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MARIE. — IMMACULÉE CONCEPTION

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Rédemplion telle que Dieu l’n voulue. Comestor se préoccupe même de chercher des fondeiuents dans’la sainte Ecriture, Gen., iii, 15 ; Luc, i, 18, et dans la Tradition patristique, en citant trois ou quatre

  • e « tes, nolauiin< ?nt celui de saint AfGUSTiN, Dénatura

et g’ratia, c. ixxvi.

Notable est la réponse faite dans ces écrits à l’objection tirée par saint Bernard de ce que la loi de la concupiscence et du péché s’attache, dans l’ordre actuel, à toute génération humaine où l’union des sexes intervient. Les trois défenseurs du privilè[, ’e mariai distinguent, en des termes équivalents, entre l’acte générateur de Joachim et d’Anne, et la vierg^e Marie comme terme complet et final de la conception. La concupiscence, la volupté charnelle est le fait des parents, et non celni de Marie qui n’existait pas encore, dit Abélard. Que les parents aient été soumis à la loi du péché en engendrant Marie, c’est possible, dit à son tour Comestor ; mais Marie elle-même fut toute sainte, ipsa sanitissima. Et Cantoii d’ajouter que la conception (consommée), étant l’œuvre de Dieu, ne saurait être souillée par ce qu’il peut y avoir de déréglé dans l’acte générateur qui a précédé.

L’objection courante insistait sur la connexion qui doit exister entre la cliair de Marie, appelée par les Pères chair de péché, et son âme, atteinte par voie de conséquence. Après s’être rejetés sur la puissance divine qui n’a pas pu manquer de moyens pour conserver pure la chair comme l’àme de la Vierge, les trois apologistes recourent à un sj stènie de préservation préi’entit’e, qui consiste à empêcher l’effet en faisant disparaître la cause. Préservation préventive immédiate, venant de ce que l’acte générateur des parents fut soustrait à la loi commune de la volupté charnelle. Abiîlard signale la solution comme soutenable : ccQuid enini nos impedît credere hanc gratiam Dominum parentibus suæ genilricis posse et Telle conferre, ut absque omni carnalis concupisoentiae labe sanctissimum illud corpusculum generarent ? n Alva, loc. cit., p. laç). Caxtoh est plus attirraalif : « Sanctam qnippe genitam non immerito dixerim, cujus generatores in ejus generalione non contraxit stimulantis lascivia libidinis, sed præoptatae spes sobolis, sed obedientia angelicæ admonitionis. » Ihid., p. iio. Préservation préventive médiate, remontant jusqu’au père du genre humain : dans le naufrage de son intégrité primitive, une parcelle de chair serait restée pure de toute souillure, elle aurait ensuite été transmise sans altération à travers les diverses générations, et de cette parcelle auraient été formés le corps de la Vierge et celui de son Fils. C’est la solution de Comestor :

« Unde credi potest, caméra lllam quæ assumpta est

a Verbo post corruptionem totius humanæ naturae in primo parente, ita tameii illæsam et ab omni contagione peccali immunem custoditam, ut usque ad susceptionem sui a Dei Filio semper libéra manserit, et nuUi unquam peccato vel modicuni pensum reddiderit. » lliid., p, 4 Cette dernière tliéorie est signalée souvent par les théologiens du xti’siècle, par exemple, Summa sentent. , attribuée à Hugues de S. « nt-Victor, tract, l, e. XVI, P. L., CLXXVI, 78 ; Roland Bandiselli, Die Sentenzen Ftolanis. éd. Gietl, p. iC3 sq. On la retrouve dans un sermon manuscrit du même siècle, conservé à l’abbaye cistercienne de Heiligenkreuz, près Baden ; voir A. NoYON, ?fotes bibliographiques, § i, etX. Le Bachelet, dans Recherches de Science religieuse, Paris 1910, t. I, p. 5g6, où le passage est cité. Théorie bizarre, inadmissible et, comme les précédentes, insufflsante pour expliquer une conception sainte dans le sens théologique du mot. Tout cela, d’ailleurs,

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occasionné non moins par la façon défectueuse dont le problème était alors posé, ([ue par des notions fausses ou vagues sur la nature du péché originel, de la concupiscence, de la justice originelle et de la justice intérieure dans l’économie présente.

B1UL106RA.PHIK. — Vacandard, Saint Bernard et la fête de la Conception de la sainte Vierge, dans Science catholique, iSgS, t. VII, p. Sy^ ; Vie de saint Bernard, Paris, 1896, t. II, c. xxi, p. 81 sq ; Petrus de.Vlva et Astorga, Monunienta aniiqua I mmaculatae Conceptiunis ex variis authuribus antiquis tam nianuscriptis, quant otim impressis, sed qui vix modo reperiuntiir, tonias 1, Louvain, 1664 ; A. Noyon, Les origines de la fête de l’Immaculée Conception en Occident, loc. cit. ; Notes bibliographiques sur l’histoire de la théologie de Vhnniaculée Conception : 1. Les pièces d’une controverse au douzième siècle ; ni. Un traité sur la Conception attribué à Abélard, dans llullelin de littérature ecclésiastique, Toulouse igii, avril et juin, p. 177, 286.

/|. La purification de Marie au jaur de l’Annonciation. — Doctrine courante au xii siècle, que nous avons trouvée chez saint Anselme, mais qui se présente chez d’autres auteurs en des termes plus expressifs et parfois déconcertants à première vue. D’après Rupert de Deutz {— 1135), pour que le fruit qui devait naître de Marie fût absolument saint, il fallait qu’elle fût sancliliée, c’est-à-dire purifiée du péché actuel et originel : « OpoTtebat ipsam sanctilîcari, hoc est emundari ab omni peccato, lam actuali qnam eo quod majus erat, scilicet originali. « In Matihæum, de gloria et honore Filii, P. L., CLXVIII, 1325. Pierrb Lombard {- 1 16^) parle aussi de Marie comme purifiée alors du péché, Sent. III, dist. m :

« A peccati prorsus purgavit, et a fomite peccati

etiam liberavit. » De ces textes et avitres semblables, faut-il conclure avec G. Herzog, loc. cit., p. 621, 527, 629 sq., que ces théologiens excluent la doctrine, énoncée par saint Bernard, d’une sanctilîcation de Marie dans le sein de sa mère, ou que, d’après eux, « la sainte Vierge commit le péché jusqu’au moment de l’Incarnation » ?

D’abord, il ne peut s’agir, au jour de l’Annonciation, d’une simple purification ou première sanctification de Marie. A la suite de saint Augustin, Contra Julianum, V, 45, P. L., XLIV, 809, et de saint Grégoire, Moral., IV, 3, P. /.., LXXV, 635, les théologiens du xii" siècle admettaient, pour les enfants nés avant la venue de Jésus-Christ, l’existence d’un remède contre le péché originel, en dépendance d’un rite extérieur ou de la seule foi des parents : S. Bernard, Epi st. i(d Ihigonem de S. Victore, c. 1, n. 4. P.L. CLXXXll, io34 ; Hugues de S. Victor, De Socramentis, 1. I, part, xii, c. 2, P. t., CLXXVI, 349 s. ; Pierre Lombard, Sent. IV, dist. i, n. 7 ; cf. Rémi n’AuxERRE (1098), In Gen., xvii, 28, />. /,., CXXXl.Sg. Supposer que ces mêmes théologiens aient soumis Marie au péché originel proprement dit jusqu’au jour de l’Annonciation, ce serait leur faire créer un régime d’exception non pas en faveur, mais au détriment de la Mère de Dieu. De quel droit leur attribuerait-on une pareille énormité ? Aus » ! cette doctrine de la purification de la Vierge se rencontret-elle chez des auteurs qui admettent en même temps et d’une façon explicite son immunité par rapport à tout péché actuel ou sa sanctification dans le sein de sa mère. Ainsi nous lisons dans Herbert dr Losinga (-{- Il 19), Sermons and Letters, t. I, p. i : c. Purgat ah originali et actuali culpa, quam sua impleturus erat gratia « ; et pourtant Marie est pour lui m ingenua de ingenuis, et cui nulla <Ie propagine macula